samedi 29 août 2009

Étendue du pouvoir de la police pour procéder à une arrestation sans mandat dans une maison privée

R. c. Landry, [1986] 1 R.C.S. 145

Le juge en chef Dickson et les juges Chouinard, Lamer et Wilson: À condition de satisfaire aux critères énoncés au par. 450(1) du Code criminel et aux exigences posées dans l'arrêt Eccles c. Bourque, un policier peut dans l'exercice de ses fonctions en vertu de l'al. 450(1)a) procéder à une arrestation sans mandat dans des locaux privés.

Le paragraphe 450(1) du Code criminel n'a pas pour effet de modifier les principes de common law relatifs aux limites dans l'espace imposées au pouvoir d'arrestation sans mandat et le mutisme du Code sur cette question exige l'application de la common law. L'application de l'arrêt Eccles c. Bourque n'est pas limitée à des situations où il y a un mandat, même non visé. Au contraire, il porte sur le pouvoir de la police d'effectuer une arrestation sans mandat dans des lieux privés. La présente affaire doit être décidée par application de l'arrêt Eccles c. Bourque, tout comme Eccles c. Bourque, selon l'opinion de la Cour à l'époque, relevait carrément des arrêts de principe de la common law ancienne. La politique qui sous‑tend la jurisprudence, qu'elle soit ancienne ou plus récente, est à la fois claire et impérieuse: les contrevenants ne devraient être nulle part à l'abri de l'arrestation. Bien que le Code criminel prévoie des mandats autorisant à rechercher des choses, il n'en fait pas autant dans le cas des personnes. Si la police n'était pas investie du pouvoir de procéder à des arrestations dans des lieux privés, un contrevenant pourrait bénéficier d'une protection absolue et permanente contre la loi dans une maison privée.

Le Parlement a tenu pour acquis que la common law confère un pouvoir de s'introduire dans des lieux par la force pour procéder à une arrestation. Bien que les tribunaux puissent refuser de conférer de nouveaux pouvoirs de common law qui portent atteinte à des libertés civiles‑‑et cette Cour s'est montrée réticente à conférer de tels pouvoirs‑‑la suppression de pouvoirs déjà reconnus par les tribunaux est une toute autre chose, surtout lorsque ces pouvoirs sont consacrés par une jurisprudence qui remonte au XVIIe siècle.

Le droit d'entrer pour rechercher un contrevenant n'est pas illimité. La Cour a établi dans l'arrêt Eccles c. Bourque qu'on ne peut pénétrer dans une maison contre la volonté de l'occupant que: (1) s'il existe des motifs raisonnables et probables de croire que la personne recherchée est sur les lieux, et (2) si une annonce régulière a été faite avant d'entrer. Pour qu'il y ait une annonce régulière, il faut normalement que les policiers donnent (i) avis de leur présence, (ii) avis de leur autorité en s'identifiant comme des policiers, et (iii) avis du but de leur visite, en déclarant un motif légitime d'entrer. Ces exigences minimisent l'empiétement que constitue l'arrestation dans un domicile et permet au contrevenant de conserver sa dignité et sa vie privée en répondant à la porte et en se rendant.

Il y a une bonne raison de s'en tenir à cette jurisprudence au lieu d'adopter une nouvelle règle qui impose à la police d'obtenir un mandat d'arrestation pour effectuer une arrestation dans des locaux résidentiels. Si un policier est obligé d'obtenir un mandat d'arrestation avant de pénétrer dans une résidence, il devra d'abord essayer d'obtenir le nom du contrevenant des voisins. Le plus souvent, les voisins seront incapables de fournir ce renseignement. Même si le policier obtient le nom du contrevenant, il faudra qu'il trouve un juge de paix pour signer le mandat d'arrestation. Un temps précieux‑‑et probablement le contrevenant‑‑seront perdus.

On répond aussi totalement que possible aux inquiétudes précises relatives aux arrestations dans un domicile, sans indûment toucher à la lutte efficace contre la criminalité, par les obligations spéciales imposées aux agents de la paix qui doivent procéder aux arrestations dans une maison ou un appartement.

Si on peut répondre par l'affirmative à chacune des questions suivantes, l'arrestation est légale:

(1) S'agit‑il d'un acte criminel?

(2) La personne arrêtée a‑t‑elle commis l'infraction en question ou l'agent de la paix a‑t‑il des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis ou est sur le point de commettre ladite infraction?

(3) Y a‑t‑il des motifs raisonnables et probables de croire que la personne recherchée se trouve dans les lieux?

(4) Un avis régulier a‑t‑il été donné avant d'entrer?

La présente affaire a pris naissance antérieurement à l'entrée en vigueur de la Charte. En outre, on ne se prononce pas sur la nature et la portée des limites dans l'espace imposées au pouvoir d'arrêter sans mandat en vertu d'articles ou paragraphes autres que l'al. 450(1)a) du Code criminel.

Les juges Beetz, Estey et McIntyre: Le principe ancien posé dans l'arrêt Semayne, selon lequel [TRADUCTION] "la maison de chacun est pour lui son château et sa forteresse, tant pour se défendre contre l'injure et la violence que pour son repos" doit céder le pas aux exigences légitimes de l'application de la loi. L'arrêt Eccles c. Bourque affirme qu'un agent de la paix a le pouvoir, en common law, d'entrer dans des lieux privés pour procéder à une arrestation sans mandat en vertu de l'al. 450(1)a) du Code criminel. La Cour a exigé d'abord que l'agent de la paix ait des motifs raisonnables et probables de croire qu'un acte criminel a été commis ou est sur le point de l'être et que la personne recherchée se trouve sur les lieux et, en second lieu, qu'il fasse une annonce en règle de sa présence et de son but avant d'entrer.

Le juge Le Dain: Le pouvoir d'un agent de police de pénétrer dans des lieux privés sans le consentement de l'occupant pour procéder à une arrestation sans mandat a été confirmé, avec les conditions d'exercice, dans l'arrêt Eccles c. Bourque et il y a de solides raisons de principe pour adhérer à cette décision. On ne doit pas conclure de l'accord avec le juge en chef Dickson qu'il porte nécessairement sur la distinction qu'il a faite à propos des motifs majoritaires dans le Renvoi sur l'écoute électronique, Lyons c. La Reine et Dedman c. La Reine.

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