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vendredi 22 août 2025

La Poursuite peut présenter une requête pour nouvelle preuve afin de produire des documents policiers et/ou judiciaires découlant d'une nouvelle accusation de l'accusé à l'attention de la Cour d'appel lors d'un appel sur la peine, car cela est directement lié au potentiel de réinsertion sociale

R. c. Paquette, 2025 QCCA 422

Lien vers la décision


[23]      Le 1er novembre 2024, le requérant dépose une requête en autorisation de présenter une nouvelle preuve se rapportant à un incident survenu le 9 octobre 2024 — soit un mois avant la date d’audience du présent appel —, au cours duquel l’intimé a été arrêté par la police peu après minuit pour avoir conduit une automobile avec une alcoolémie supérieure à la limite permise.

[24]      À la suite de cet incident, l’intimé fut accusé d’avoir conduit un véhicule à moteur avec un taux d’alcoolémie supérieur à 80 mg d’alcool par 100 ml de sang.

[25]      Il fut également accusé d’avoir omis de se conformer à des ordonnances de mise en liberté (al. 145(5)a) C.cr.) lui imposant notamment la condition de se trouver à son domicile entre 22 h et 6 h, sauf pour un travail rémunéré ou une urgence médicale, ordonnances prononcées tant dans le présent dossier[12] que dans un autre dossier de même nature, lequel est pendant devant la Cour du Québec.

[26]       Le requérant demande la permission de produire les documents suivants en tant que preuve nouvelle :

   Le rapport de police faisant état de l’arrestation de l’intimé pour conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite légale;

   Le rapport de police constatant la violation par l’intimé de deux ordonnances judiciaires;

   L’ordonnance de mise en liberté rendue dans le présent dossier;

   La dénonciation relative à l’infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite légale;

   La sommation relative aux deux omissions de se conformer à des ordonnances de mise en liberté.

[27]      L’intimé s’oppose à cette requête.

***

[28]      Dans le cadre d’un appel d’une sentence, la Cour peut prendre en considération les éléments de preuve qu’elle juge utile de requérir ou de recevoir (par. 687(1) C.cr.). L’admissibilité d’une telle preuve est déterminée en fonction des quatre critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Palmer[13]. Plus tard, dans l’arrêt Lévesque, la Cour suprême a adapté ces quatre critères à l’admission de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de l’appel d’une sentence :

(1) On ne devrait généralement pas admettre un élément de preuve qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produit en première instance, à condition de ne pas appliquer ce principe général de manière aussi stricte dans les affaires criminelles que dans les affaires civiles.

(2) La preuve doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant à la sentence.

(3) La preuve doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi.

(4) La preuve doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits en première instance, elle aurait influé sur le résultat.[14]

[29]      J’estime que la preuve nouvelle que le requérant cherche à introduire satisfait aux critères applicables.

[30]      Premièrement, il ne fait aucun doute que le critère de la diligence raisonnable est satisfait. Les éléments de preuve que souhaite produire le requérant portent sur des événements qui sont survenus après le prononcé de la peine. Par leur nature même, ces éléments de preuve n’étaient pas disponibles au moment de l’audience relative à la détermination de la peine. Le requérant a par ailleurs fait preuve de diligence en introduisant sa requête. Il a appris la nouvelle de l’arrestation de l’intimé le 30 octobre 2024, a obtenu les documents qu’il cherche à produire en preuve le lendemain et a déposé sa requête au greffe de la Cour le surlendemain.

[31]      Deuxièmement, la nouvelle preuve est pertinente. La preuve d’un défaut de se conformer à des ordonnances judiciaires et, de façon plus générale, à la loi, est directement liée au potentiel de réinsertion sociale[15].

[32]      La preuve est également pertinente pour établir le caractère et la réputation de l’intimé ainsi que son risque de récidive[16]Selon l’interprétation de l’arrêt Angelillo retenue par la Cour, des éléments de preuve tendant à démontrer la commission d’une autre infraction pour laquelle le délinquant n’a pas été condamné « peuvent être pertinents à la détermination de la peine afin de “faire la lumière sur la situation et le caractère du délinquant” »[17], et ce, même dans les cas où l’art. 725 C.cr. est inapplicable[18]. Ils peuvent notamment être mis en preuve pour réfuter une preuve de réhabilitation[19]. Toutefois, la simple référence à une dénonciation ou à une sommation, sans plus, ne saurait être qualifiée de probante quant au profil, caractère ou risque de récidive du délinquant[20].

[33]      En l’occurrence, la preuve nouvelle que le requérant cherche à présenter comporte non seulement une dénonciation et une sommation, mais aussi des éléments permettant de les mettre en contexte et d’en évaluer leur valeur probante. Cette preuve est d’autant plus pertinente qu’elle jette un nouvel éclairage sur un élément déterminant pour la juge. Celle-ci a retenu le respect par l’intimé des conditions de sa mise en liberté à la fois comme facteur atténuant et comme élément militant en faveur de l’infliction d’une peine d’emprisonnement avec sursis. De plus, le fait que l’intimé ait été inculpé pour des manquements à des ordonnances judiciaires constitue un facteur à prendre en compte pour évaluer le danger qu’une telle peine est susceptible de représenter pour la communauté[21].

[34]      Troisièmement, la nouvelle preuve est plausible. Le fait que la preuve constitue du ouï-dire n’empêche pas en soi qu’elle soit admissible au stade de la détermination de la peine (par. 723(5) C.cr.). Toutefois, lorsqu’il s’agit de prendre en considération les faits sous-jacents à une cause pendante pour laquelle le délinquant n’a pas encore subi son procès, l’objectif poursuivi par l’admission de la preuve doit être examiné avec soin.

[35]      En l’espèce, le requérant ne cherche pas à introduire la nouvelle preuve afin d’établir un facteur aggravant dont la démonstration nécessiterait une preuve hors de tout doute raisonnable (al. 724(3)e) C.cr.). Son objectif est plutôt de mettre en lumière le caractère de l’intimé et sa situation, tout en réfutant, par une preuve prépondérante, sa réhabilitation (al. 724(3)b) et d) C.cr.). Comme mentionné précédemment, au moment de son arrestation à 0 h 26 le 9 octobre 2024, l’intimé faisait l’objet de deux ordonnances de mise en liberté qui l’obligeaient à « [s]e trouver à sa résidence entre 22 h et 6 h, sauf pour un travail légitime et rémunéré ou pour une urgence médicale »[22].

[36]      Compte tenu du fait que la preuve que le requérant cherche à introduire est constituée non seulement de la dénonciation et de la sommation visant l’intimé (des éléments objectifs), mais aussi des rapports de police et des notes des policiers décrivant les circonstances de son arrestation, j’estime que la preuve est plausible en ce qu’elle établit des faits élémentaires, tels que l’heure et le lieu où l’intimé a été appréhendé[23]. Ces faits paraissent ici probants. Cependant, il convient d’ajouter que si le requérant avait cherché à introduire les rapports de police et les notes des policiers pour prouver autre chose que les faits mentionnés ci-dessus, le résultat aurait pu être différent. Ces types de documents doivent être interprétés avec prudence, à la lumière d’une preuve complète et des exigences relatives à l’équité procédurale; l’approche du « tout ou rien » est à proscrire en la matière[24].

[37]      Quatrièmement, on peut raisonnablement penser que la nouvelle preuve aurait pu influencer le résultat si elle avait été produite avec les autres éléments de preuve. Plus précisément, elle aurait influé sur la conclusion de la juge selon laquelle l’intimé a respecté ses conditions de mise en liberté et le processus judiciaire a eu un impact sur son cheminement. Elle aurait également influé sur son évaluation de la probabilité que l’intimé respecte les conditions de l’ordonnance de sursis à l’emprisonnement, et aussi de son risque de récidive[25].

[38]      Je suis conscient que le fait d’admettre la preuve d’événements qui ont eu lieu après le prononcé de la peine interpelle des valeurs opposées que sont « l’intérêt de disposer de renseignements actuels sur le profil du délinquant et l’importance du caractère définitif des décisions »[26]. Toutefois, lorsque les critères établis dans l’arrêt Palmer et repris dans les arrêts Angelillo et Lévesque sont appliqués « judicieusement aux circonstances particulières soumises aux tribunaux, [ils sont] suffisamment souple[s] pour faire en sorte que le processus d’appel réponde aux exigences de la justice tout en respectant les limites auxquelles doit être assujetti le contrôle en appel »[27].

[39]      La nouvelle preuve peut donc être admise.

mardi 10 juin 2025

Norme de contrôle dans les appels visant des peines

R. c. J.W., 2025 CSC 16 

Lien vers la décision


[47]                          Dans les appels visant des peines, la question ultime consiste à savoir si la peine est « juste » (voir le Code, art. 687; Parranto, par. 14Nasogaluak, par. 43R. c. L.M.2008 CSC 31, [2008] 2 R.C.S. 163, par. 14; voir aussi Shropshire, par. 45‑49; Ruby, §2.6, citant le Renvoi relatif à la Motor Vehicle Act (C.‑B.)1985 CanLII 81 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 486, p. 533‑534). Bien qu’une peine juste soit une peine proportionnelle, la justesse est le critère général.

[48]                          La norme de contrôle applicable au titre de l’art. 687 du Code est façonnée par le fait que la détermination de la peine est une opération individualisée impliquant l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire (Lacasse, par. 58Hills, par. 62R. c. Suter2018 CSC 34, [2018] 2 R.C.S. 496, par. 4R. c. M. (C.A.)1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 92). Les articles 718 à 718.2 confèrent aux juges « un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant » (Nasogaluak, par. 43).

[49]                          La détermination de la peine est un « processus profondément subjectif » (Shropshire, par. 46). Les juges chargés de la détermination de la peine sont les mieux placés pour fixer une peine juste (Parranto, par. 13). Ils ont « l’avantage d’avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d’appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit » (par. 13, citant Shropshire, par. 46); de même, « [d]u fait qu’il[s] ser[vent] en première ligne de notre système de justice pénale », les juges chargés de la détermination de la peine possèdent « une qualification unique sur le plan de l’expérience et de l’appréciation », et ils « exerce[nt] normalement [leur] charge dans la communauté qui a subi les conséquences du crime du délinquant ou à proximité de celle‑ci » (Parranto, par. 13, citant M. (C.A.), par. 91).

[50]                          La norme de contrôle qui s’applique à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire diffère de celle qui s’applique aux questions de droit, aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit (voir Housen c. Nikolaisen2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). Il s’agit d’une norme de contrôle adaptée à la prise de décision discrétionnaire, qui s’accompagne d’un cadre établissant des principes, des facteurs pertinents à examiner ainsi qu’une gamme de résultats acceptables. La norme de contrôle applicable à la prise de décision discrétionnaire en général est énoncée dans l’arrêt Canada (Bureau de la sécurité des transports) c. Carroll-Byrne2022 CSC 48 :

      Une décision discrétionnaire, comme celle prévue par le Parlement au par. 28(6), commande généralement la déférence et ne peut faire l’objet d’une intervention qu’en cas d’erreur de droit (considérée comme une erreur de principe), d’erreur de fait manifeste et déterminante (considérée comme une erreur importante dans l’interprétation de la preuve) ou de défaut d’exercer le pouvoir discrétionnaire judicieusement (ce qui comprend le fait d’agir de façon arbitraire ou de rendre une décision erronée [traduction] « au point de créer une injustice ») (Canada (Procureur général) c. Fontaine2017 CSC 47, [2017] 2 R.C.S. 205, par. 36, citant P. (W.) c. Alberta2014 ABCA 404, 378 D.L.R. (4th) 629, par. 15). [par. 41]

La norme de contrôle qui s’applique à la détermination de la peine s’accorde avec cette norme générale, tout en étant adaptée aux circonstances propres à cette opération.

[51]                          Une cour d’appel ne peut modifier une peine que si (1) elle n’est manifestement pas indiquée (Friesen, par. 26Lacasse, par. 51), ou (2) le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine (Friesen, par. 26Lacasse, par. 44). Parmi les erreurs de principe, « mentionnons l’erreur de droit, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant » (Friesen, par. 26). Ce ne sont pas toutes les erreurs de principe qui sont importantes : la cour d’appel ne peut intervenir « que lorsqu’il ressort des motifs du juge de première instance que l’erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine » (par. 26; voir aussi Lacasse, par. 44). Si aucune erreur de cette nature n’a été commise, l’intervention en appel n’est justifiée que si la peine n’est manifestement pas indiquée (Friesen, par. 26).

[52]                          Lorsqu’une peine est manifestement non indiquée, ou que le juge de la peine a commis une erreur de principe qui a eu une incidence sur la détermination de la peine, la cour d’appel doit « applique[r] de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits » et fixer une peine juste (Friesen, par. 27; voir aussi Lacasse, par. 43). Comme l’a affirmé notre Cour dans l’arrêt Friesen :

      [La cour d’appel] appliquera de nouveau les principes de la détermination de la peine aux faits sans faire preuve de déférence envers la peine existante même si celle‑ci se situe dans la fourchette applicable. En conséquence, lorsque la cour d’appel conclut qu’une erreur de principe a eu un effet sur la peine, cela suffit pour qu’elle intervienne et fixe une peine juste. Dans un tel cas, le fait que la peine existante ne soit manifestement pas indiquée ou qu’elle se situe à l’extérieur de la fourchette des peines infligées auparavant ne constitue pas une condition préalable supplémentaire requise pour justifier l’intervention de la cour d’appel.

     Cependant, lors de la détermination d’une nouvelle peine, la cour d’appel s’en remettra aux conclusions de fait du juge de la peine ou aux facteurs aggravants et facteurs atténuants qu’il a relevés, pourvu qu’ils ne soient pas entachés d’une erreur de principe. Cette déférence réduit le nombre, la durée et le coût des appels; favorise l’autonomie de la procédure de détermination de la peine et son intégrité; et reconnaît l’expertise du juge de la peine et sa position avantageuse (Housen c. Nikolaisen2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 15‑18).

     Souvent la peine que la cour d’appel estime juste diffère de celle infligée par le juge de première instance, et la cour d’appel modifie la peine. Si la peine retenue par la cour d’appel est la même que celle qu’a imposée le juge de première instance, la cour d’appel peut aussi confirmer la peine en dépit de l’erreur. [par. 27‑29]

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...