vendredi 28 août 2009

Le sens qu'il convient d'accorder au mot jouissance du paragraphe 430(1) du Code criminel

R. c. Drapeau, 1995 CanLII 5099 (QC C.A.)

Résumé des faits
En octobre 1986, les Bélanger s'installent dans une nouvelle maison, voisine de celle de l'appelant. Les premiers mois passent sans difficultés particulières. Au printemps 1987, les Bélanger se sentent observés, de façon exagérément indiscrète, par l'appelant et sa famille, mais ils feignent l'indifférence tout en espérant que ce comportement cessera. A la fin du printemps, les Bélanger acceptent d'installer de façon mitoyenne une haie dont ils avaient commencé la plantation sur leur propre terrain. Cette haie devient vite source de querelles, l'appelant critiquant continuellement les Bélanger à propos de leur façon de l'arroser, de la tailler et de l'entretenir. Les difficultés persistent pendant plusieurs années. De fait, tout est source de difficultés: la haie, les chiens de l'appelant sont en liberté et agressifs, la surveillance constante et indiscrète que l'appelant et sa famille exercent, les engueulades entre l'appelant et ses autres voisins (les Dionne), les provocations, les imitations de cris d'animaux et de comportements humains, les applaudissements, les regards prolongés et haineux, les poursuites en automobile et les insultes.

Analyse
***Opinion minoritaire***
A mon avis, le mot jouissance a ici un sens plus englobant que le seul fait d'être titulaire d'un droit à la possession du bien; il inclut l'action de tirer d'un bien qu'une personne détient légalement les satisfactions que ce bien est en mesure de procurer. En somme, la personne qui, animée d'une intention coupable, gêne volontairement son voisin dans la jouissance de sa propriété s'expose à devoir répondre à une accusation de méfait fondée sur l'al. 430(1)d) du Code criminel. L'infraction exige évidemment du ministère public qu'il fasse la preuve de faits et gestes posés volontairement par l'accusé et d'une intention coupable (mens rea) de sa part.

***Opinion majoritaire***
La solution de la difficulté que pose le dossier réside plutôt dans la réponse à la question suivante. Lorsque l'appelant a ennuyé les Bélanger au moment où ceux-ci étaient sur leur terrain, voulait-il simplement les ennuyer, sans égard au fait qu'ils étaient sur leur terrain (dans ce cas l'appelant ne serait pas coupable), ou voulait-il les gêner dans la jouissance de leur terrain, ou, à tout le moins, savait-il qu'il les gênait dans cette jouissance (dans ce cas il y aurait culpabilité)?

Après réflexion je ne peux me défaire d'un doute à cet égard, doute qui profite à l'appelant.

On this view, "enjoyment" of property, for the purposes of sec. 430(1)(d) of the Code, would include "deriving the benefit" or "taking advantage" of its ownership, occupancy or possession. Both meanings are entirely compatible with my conclusion that wilful interference with the enjoyment of property is an offence in relation to property or rights in property. And for the reasons explained, I do not believe that appellant's conviction is supported by the evidence, even if "enjoyment" is interpreted in this way.

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