R. c. Lelièvre, 2008 QCCQ 9317 (CanLII)
[75] En effet, une détention aux fins d'enquête exécutée conformément au pouvoir fondé sur la common law ne porte pas atteinte aux droits que l'article 9 de la Charte garantit à la personne détenue.
[76] De même, la fouille accessoire à cette détention légale n'est pas tenue pour contraire à l'article 8 de la Charte si elle est effectuée de façon raisonnable et qu'il existe des motifs raisonnables de croire que la sécurité du policier ou celle du public est en cause.
[77] Dans l'arrêt Mann, précité, Monsieur le juge Iacobucci écrit ce qui suit au paragraphe 34 :
« Il ressort de la jurisprudence plusieurs principes directeurs régissant l'utilisation du pouvoir des policiers en matière de détention aux fins d'enquête. L'évolution du critère formulé dans l'arrêt Waterfield, de même que l'obligation des policiers de disposer de motifs concrets établie dans l'arrêt Simpson, requiert que les détentions aux fins d'enquête reposent sur des motifs raisonnables. La détention doit être jugée raisonnablement nécessaire suivant une considération objective de l'ensemble des circonstances qui sont à la base de la conviction du policier qu'il existe un lien clair entre l'individu qui sera détenu et une infraction criminelle récente ou en cours. La question des motifs raisonnables intervient dès le départ dans cette détermination, car ces motifs sont à la base des soupçons raisonnables du policier que l'individu en cause est impliqué dans l'activité criminelle visée par l'enquête. Toutefois, pour satisfaire au deuxième volet du critère établi dans l'arrêt Waterfield, le caractère globalement non abusif de la décision de détenir une personne doit également être apprécié au regard de l'ensemble des circonstances, principalement la mesure dans laquelle il est nécessaire au policier de porter atteinte à une liberté individuelle afin d'accomplir son devoir, la liberté à laquelle il est porté atteinte, ainsi que la nature et l'étendue de cette atteinte. »
[78] Dans l'arrêt R. c. Clayton, précité, Madame la juge Abella décrit la nature de l'examen qui doit être fait, au paragraphe 31 :
« L'examen tiendra compte de la nature de la situation, y compris la gravité de l'infraction, des renseignements sur le suspect ou sur le crime dont disposaient les policiers et de la mesure dans laquelle la détention était une mesure raisonnablement adaptée à ces éléments, notamment en ce qui a trait à l'emplacement et au moment. Il faut donc mettre en balance l'importance du risque pour la sécurité du public en général ou d'une personne en particulier avec le droit à la liberté des citoyens, pour déterminer si l'interception n'a porté atteinte à la liberté que dans la mesure raisonnablement nécessaire pour faire face au risque. »
[79] À propos de la fouille accessoire à la détention pour fins d'enquête, Madame la juge Abella rappelle les principes applicables aux paragraphes 29 et 30 de l'arrêt Clayton, précité :
« 29 Rappelons que notre Cour a également précisé dans l'arrêt Mann que la fouille accessoire à la détention aux fins d'enquête peut être justifiée lorsque le policier croit, « pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité et celle d'autrui est menacée » :
La décision du policier de procéder à une fouille doit également être raisonnablement nécessaire eu égard à l'ensemble des circonstances. Des inquiétudes – vagues ou inexistantes – en matière de sécurité ne sauraient justifier une telle décision, et la fouille ne peut reposer sur l'instinct ou une simple intuition. [par. 40].
30 La justification de la décision de détenir une personne en particulier tient à «l'ensemble des circonstances» qui incitent le policier à croire cette détention «raisonnablement nécessaire». Ce principe a été dégagé dans l'arrêt Dedman puis interprété plus récemment dans l'arrêt Mann. Par exemple, des détails sur l'individu soupçonné de menacer la sécurité du public peuvent influencer la décision du policier de maintenir ou non la détention. Comme notre Cour l'a expliqué dans l'arrêt Mann, la fouille n'est autorisée que lorsque le policier a des motifs raisonnables de croire que sa sécurité ou celle d'autrui est menacée. »
[80] Quant à la notion de motifs raisonnables de soupçonner, dans l'affaire R. c. Lessard, [2007] J.Q. no 12140, Monsieur le juge Guy Cournoyer, J.C.S., s'exprime ainsi au paragraphe 40 de sa décision :
« Même si le critère des motifs raisonnables de soupçonner est un "critère clairement moins exigeant que les motifs raisonnables et probables requis pour qu'il y ait une arrestation légale", il s'agit d'une norme "à la fois objective et subjective". »
[81] Dans le présent dossier, les motifs des policiers pour procéder à l'interception du requérant ne sont pas plus probants, plus fiables ou plus « raisonnables » qu'ils ne l'étaient dans le cadre de l'examen sous l'article 495 (1) du Code criminel.
[82] Les seuls éléments dont disposent les policiers sont des renseignements transmis par le C.R.P.Q. qui datent de 2004 et qui sont pour le moins ambigus de l'aveu même des policiers.
[83] La transcription de la communication radio entre la répartitrice et les policiers révèle une situation équivoque, incohérente, inconsistante et nullement concluante.
[87] Enfin, les motifs soumis par les policiers sont également insuffisants parce que l'infraction soupçonnée, soit vol et recel de plaque d'immatriculation, n'est pas d'une gravité telle que la détention du requérant et la saisie de son véhicule constituent une mesure raisonnablement nécessaire, aux fins d'enquête, eu égard aux risques inhérents pour le public, dans les circonstances.
[89] À ce sujet, Monsieur le juge Iacobbuci dans l'arrêt Mann, précité, au paragraphe 37, souligne l'importance de maintenir une distinction entre les fouilles accessoires à une arrestation et les fouilles accessoires à une détention aux fins d'enquête. Ces dernières ne sauraient être utilisées par les policiers pour récolter les fruits d'une fouille sans mandat sans devoir effectuer une arrestation légale fondée sur des motifs raisonnables et probables.
[90] Au paragraphe 40 de l'arrêt Mann, précité, Monsieur le juge Iacobbuci écrit ce qui suit :
« Le devoir général des policiers de protéger la vie peut, dans certaines circonstances, faire naître le pouvoir de procéder à une fouille par palpation accessoire à une détention aux fins d'enquête. Un tel pouvoir de fouille n'existe pas de manière autonome; le policier doit croire, pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d'autrui est menacée. Je rejette la suggestion voulant que le pouvoir de détention aux fins d'enquête justifie une fouille accessoire en toutes circonstances : voir S. Coughlan, « Search Based on Articulable Cause : Proceed with Caution or Full Stop? » (2002), 2 C.R. (6th) 49, p. 63. La décision du policier de procéder à une fouille doit également être raisonnablement nécessaire eu égard à l'ensemble des circonstances. Des inquiétudes – vagues ou inexistantes – en matière de sécurité ne sauraient justifier une telle décision, et la fouille ne peut reposer sur l'instance ou une simple intuition. »
[91] Or, en l'espèce, l'agent St-Amand n'affirme pas croire, pour des motifs raisonnables, que sa propre sécurité ou celle d'autrui est menacée le 9 janvier 2007 lorsqu'il procède à la fouille des vêtements du requérant.
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