dimanche 24 janvier 2010

Fraude de 223 000 $ à l'endroit de son employeur - Abus de confiance - Dissuasion et de dénonciation - Peine d'emprisonnement de 15 mois

R. c. Blais-Paré, 2005 CanLII 30726 (QC C.Q.)

[1] L'accusée a plaidé coupable à l'accusation d'avoir fraudé entre le 1er janvier 1979 et le 25 septembre 2003 son employeur, Simon Morin, d'une somme de 223 461 $ en monnaie courante, contrairement à l'article 380(1)a) du Code criminel.

[16] Ces facteurs applicables à l'accusée permettent d'écarter les mesures probatoires. Celles-ci ne reflètent pas suffisamment la responsabilité pénale de l'accusée. Ce comportement illégal doit être dénoncé et doit viser à dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions semblables.

[18] À l'évidence, tous ces facteurs militent en faveur d'une peine d'emprisonnement. Des peines d'emprisonnement sont généralement imposées par les tribunaux pour des crimes similaires et la durée d'incarcération est habituellement inférieure à deux ans.

[19] L'accusée peut-elle être condamnée à l'emprisonnement avec sursis?

[20] En l'espèce, l'infraction de fraude ne comporte pas de peine minimale et une peine juste et appropriée sera inférieure à deux ans. Également, compte tenu des remords exprimés par l'accusée, de l'absence de condamnations antérieures, le tribunal est convaincu que la sécurité de la collectivité ne serait pas mise en danger si l'accusée y purge sa peine. En effet, il faut convenir ici que le risque de récidive et le préjudice susceptible d'en découler sont faibles s'il est interdit à l'accusée d'occuper un emploi la plaçant en situation de manipuler ou de gérer des sommes d'argent. Le tribunal conclut que ce risque peut être assumé.

[21] Reste donc à déterminer si cette sanction est conforme à l'objectif et aux principes de la détermination de la peine visée aux articles 718 à 718.2 du Code criminel.

[22] À l'appui de sa prétention, l'accusée a soumis de nombreux arrêts et décisions. La plupart de ceux-ci portent sur des peines imposées en vertu de l'article 742.1 du Code criminel.

[23] Avec égard, les faits relatés dans ces décisions ou arrêts diffèrent de ceux mis en preuve dans ce dossier ou encore s'ils s'en rapprochent, la sanction imposée a parfois fait l'objet d'une suggestion commune des parties.

[24] La Cour d'appel du Québec, dans les décisions de Verville c. R., R. c. Juteau, et R. c. Bouchard, précise que le sursis d'emprisonnement est une peine appropriée en matière de vol ou de fraude. Il ne devient inapproprié que lorsque la malhonnêteté se caractérise particulièrement par un abus de confiance. Les critères de dissuasion générale et de dissuasion commandent alors généralement l'incarcération, même pour les délinquants primaires.

[25] Monsieur le juge Michel Proulx, alors à la Cour d'appel, énonce de façon fort précise ce principe dans la décision de Juteau plus haut citée :

«Quant à l'opportunité du sursis à l'emprisonnement dans ces matières, la Cour d'appel de l'Ontario, dans l'arrêt R. v. Pierce 1997 CanLII 3020 (ON C.A.), (1997), 114 C.C.C. (3d), 23, précise que dans les cas de malhonnêteté qui se distingue particulièrement par un abus de confiance, la détermination de la peine doit souligner la gravité des infractions et le sursis doit être écarté. D'ailleurs, la même Cour d'appel dans l'arrêt R. v. Wismayer 1997 CanLII 3294 (ON C.A.), (1997), 115 C.C.C. (3d) 18, sous la plume du juge Rosenberg, a affirmé que la dissuasion générale, en tant que principe pouvant légitimer la décision de ne pas imposer l'emprisonnement avec sursis, doit primer dans le cas de ces infractions, notamment les fraudes systématiquement planifiées et structurées commises par des personnes qui abusent de la confiance de leur employeur, comme dans l'arrêt Pierce, et celui qui prévaut est l'espèce. À mon avis, non seulement la dissuasion générale, mais le juste dû et la dénonciation constituent également des objectifs proéminents. Néanmoins, ce principe ne saurait être absolu, puisque chaque cas doit être soumis à l'examen judiciaire à la lumière des éléments qui lui sont propres.»

[26] Ces décisions ont été suivies par la Cour du Québec, chambre criminelle. Ainsi monsieur le Juge Proulx, appliquant ces principes a imposé une peine d'incarcération de deux ans moins un jour dans le dossier R. c. Fortin. L'accusée avait aussi volé son employeur d'une somme de 178 000 $ alors qu'elle occupait un poste de confiance au sein de la compagnie. Elle avait cependant deux antécédents judiciaires de vol.

[27] Les principes plus haut décrits sont également applicables à ce dossier, car l'accusée a fraudé son employeur hebdomadairement pendant 23 ans d'une somme d'argent de 223 000 $ par appât du gain et à des fins de lucre. Ce comportement doit être dénoncé et une peine dissuasive d'incarcération prononcée afin de décourager ceux qui seraient tentés de commettre pareils crimes. En résumé, l'importance de la somme fraudée, la préméditation systématique l'entourant, l'abus de confiance envers son employeur et les conséquences tant financières que morales pour la victime, commande que les facteurs de dénonciation priment sur les autres facteurs. L'incarcération s'impose donc en considérant toutefois que l'accusée est une délinquante primaire.

[28] EN CONSÉQUENCE, l'accusée devra purger une peine d'incarcération de 15 mois. À sa libération, elle sera soumise à une ordonnance de probation d'une durée de trois ans avec supervision probatoire pendant les dix-huit premiers mois.

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