vendredi 26 mars 2010

La légitime défense

LSJPA — 093, 2009 QCCA 248 (CanLII)

[43] Ce moyen de défense ne peut être accepté que si les quatre conditions énumérées ci-haut sont réunies. Pour réussir, l'accusé doit soulever un doute raisonnable sur l'existence de chacune de ces conditions. Comme le soulignait le juge Cory pour la Cour suprême dans R. c. Hebert :

[…] Le jury doit en fait être convaincu que chaque élément du moyen de défense existe. Ainsi, pour que le moyen de défense soit accepté, le jury doit avoir un doute raisonnable quant à l'existence de tous les éléments du moyen de défense. C'est‑à‑dire (i) l'accusé a été attaqué illégalement; (ii) l'accusé n'a pas provoqué l'attaque; (iii) l'accusé a employé la force sans intention de causer la mort ni des lésions corporelles graves; et (iv) l'accusé n'a employé que la force nécessaire pour repousser l'attaque. Le juge du procès a eu raison de dire que la défense ne réussirait que si un doute raisonnable était soulevé à l'égard de tous ces éléments.

[…]

[…] Le ministère public n'est pas tenu de prouver hors de tout doute raisonnable que la conduite de l'appelant n'est compatible avec aucun des éléments du moyen de défense. Il suffit que le ministère public puisse prouver hors de tout doute raisonnable que l'un ou l'autre des quatre éléments énumérés n'a pas été établi.

[44] Le premier juge a procédé, à bon droit, à une analyse progressive de la preuve. La preuve établit l'existence des trois premiers éléments énumérés par le juge Cory. Le dernier élément, celui de la force nécessaire, est crucial en l’espèce. Le juge rappelle à juste titre que : l’appréciation du caractère raisonnable ou non de la force employée ne dépend pas du résultat de l’acte de légitime défense mais bien de l’intention de l’agent; « l’analyse appropriée consiste à se demander si la croyance de l’accusé, qu’il employait la force nécessaire pour repousser l’attaque, était subjectivement honnête et objectivement raisonnable »; une approche contextuelle de l'évaluation objective de la force nécessaire doit être favorisée et il ne faut pas s'attendre à ce que l'accusé, dans une situation où il se voit attaqué, ait mesuré avec précision le degré de force nécessaire pour se défendre.

[45] Au sujet de la force nécessaire, les auteurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon écrivent :

[…] Si le tribunal en conclut que l'accusé n'a probablement pas excédé ce qu'il pouvait croire nécessaire dans le contexte, il doit bénéficier du doute raisonnable. Il faut aussi tenir compte du fait qu'une personne agit dans le feu de l'action et que cela exige des décisions parfois instinctives ou qui n'ont pas le temps d'être longuement ou mûrement réfléchies

[46] L'accusé peut croire, à tort, être victime d'une attaque ou estimer, de façon tout autant erronée, qu'il emploie la force nécessaire pour répondre à une attaque. La recevabilité de la légitime défense ne peut être laissée à la seule appréciation subjective de l'accusé. En revanche, lorsqu'un danger réel ou appréhendé est présent, il faut tenir compte de la perception et de la personnalité de l'individu.

[47] Enfin, cette défense pourra être invoquée, que l'accusé ait agi pour repousser une attaque ou pour l'éviter. La Cour suprême rappelait, dans l'arrêt Paice :

[…] La légitime défense prévue au par. 34(1) a un sens large et permet à la personne attaquée d'employer la force nécessaire pour se défendre, sans qu'aucune crainte préalable de mourir ou de subir des lésions corporelles graves soit nécessaire. […]

[49] Rappelons qu'un coup de poing peut constituer un acte de légitime défense en réponse à une simple poussée. Dans l'arrêt Whittaker rendu par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick, deux personnes (un garçon de 19 ans et son beau-père) avaient bu et s'étaient disputées. Le jeune avait donné deux coups de poing à son beau-père après que ce dernier, qui se trouvait entre lui et la porte, l'eut poussé. L'accusé avait également donné d'autres coups à son beau-père, une fois celui-ci au sol. La Cour a retenu que les deux premiers coups constituaient un acte de légitime défense.

[50] Dans l'arrêt Pinto, notre Cour devait décider si l'accusé avait agi en légitime défense en assenant un coup de poing au visage du plaignant ou si, comme l'avait conclu le premier juge, l'accusé n'avait été qu'ennuyé par le plaignant, harcelé, sans s’être toutefois senti menacé. Notre Cour a rejeté l'appel en concluant que le comportement de l'accusé avant que fut donné le coup de poing démontrait son désir de s'en prendre au plaignant et l'absence de crainte. Le geste a également été qualifié d’excessif par rapport aux gestes du plaignant, au point de ne pas soulever un doute raisonnable.

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