lundi 11 octobre 2010

Les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats

Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur général); White, Ottenheimer & Baker c. Canada (Procureur général); R. c. Fink, 2002 CSC 61, [2002] 3 R.C.S. 209

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49 Entre‑temps, je formule les principes généraux régissant la légalité, en common law, des perquisitions dans des bureaux d’avocats jusqu’à ce que le législateur juge bon d’adopter de nouvelles dispositions législatives sur la question. Ces principes généraux doivent aussi guider les choix législatifs que le législateur peut vouloir examiner à cet égard. Comme celles qui ont été formulées dans Descôteaux, précité, les lignes directrices qui suivent visent à refléter les impératifs constitutionnels actuels en matière de protection du secret professionnel de l’avocat et à régir à la fois l’autorisation des perquisitions et la manière générale dont elles doivent être effectuées; à cet égard, cependant, elles ne visent pas à privilégier une méthode procédurale particulière en vue de respecter ces normes. Enfin, je tiens à répéter que, si le législateur décide de nouveau d’adopter un régime procédural dont l’application se limite à la perquisition dans des bureaux d’avocats, les juges de paix auront, par voie de conséquence, l’obligation de protéger le secret professionnel de l’avocat en appliquant les principes suivants concernant la délivrance des mandats de perquisition :

1. Aucun mandat de perquisition ne peut être décerné relativement à des documents reconnus comme étant protégés par le secret professionnel de l’avocat.

2. Avant de perquisitionner dans un bureau d’avocats, les autorités chargées de l’enquête doivent convaincre le juge saisi de la demande de mandat qu’il n’existe aucune solution de rechange raisonnable.

3. Lorsqu’il permet la perquisition dans un bureau d’avocats, le juge saisi de la demande de mandat doit être rigoureusement exigeant, de manière à conférer la plus grande protection possible à la confidentialité des communications entre client et avocat.

4. Sauf lorsque le mandat autorise expressément l’analyse, la copie et la saisie immédiates d’un document précis, tous les documents en la possession d’un avocat doivent être scellés avant d’être examinés ou de lui être enlevés.

5. Il faut faire tous les efforts possibles pour communiquer avec l’avocat et le client au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Lorsque l’avocat ou le client ne peut être joint, on devrait permettre à un représentant du Barreau de superviser la mise sous scellés et la saisie des documents.

6. L’enquêteur qui exécute le mandat doit rendre compte au juge de paix des efforts faits pour joindre tous les détenteurs potentiels du privilège, lesquels devraient ensuite avoir une occasion raisonnable de formuler une objection fondée sur le privilège et, si cette objection est contestée, de faire trancher la question par les tribunaux.

7. S’il est impossible d’aviser les détenteurs potentiels du privilège, l’avocat qui a la garde des documents saisis, ou un autre avocat nommé par le Barreau ou par la cour, doit examiner les documents pour déterminer si le privilège devrait être invoqué et doit avoir une occasion raisonnable de faire valoir ce privilège.

8. Le procureur général peut présenter des arguments sur la question du privilège, mais on ne devrait pas lui permettre d’examiner les documents à l’avance. L’autorité poursuivante peut examiner les documents uniquement lorsqu’un juge conclut qu’ils ne sont pas privilégiés.

9. Si les documents scellés sont jugés non privilégiés, ils peuvent être utilisés dans le cours normal de l’enquête.

10. Si les documents sont jugés privilégiés, ils doivent être retournés immédiatement au détenteur du privilège ou à une personne désignée par la cour.

Le secret professionnel de l’avocat constitue une règle de preuve, un droit civil important ainsi qu’un principe de justice fondamentale en droit canadien. Même si le public a intérêt à ce que les enquêtes criminelles soient menées efficacement, il a tout autant intérêt à préserver l’intégrité de la relation avocat‑client. Les communications confidentielles avec un avocat constituent un exercice important du droit à la vie privée et elles sont essentielles pour l’administration de la justice dans un système contradictoire. Les atteintes au privilège injustifiées, voire involontaires, minent la confiance qu’a le public dans l’équité du système de justice criminelle. C’est pourquoi il ne faut ménager aucun effort pour protéger la confidentialité de ces communications.

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