R. c. Scott, 2007 NBCP 18 (CanLII)
Lien vers la décision
[12] Le mot « conduire » est défini à l’art. 214 : « Dans le cas d’un véhicule à moteur, le conduire ».
[13] L’arrêt-clé, qui semble toujours exprimer le droit applicable, est la décision de la Cour suprême du Canada dans Bélanger c. La Reine, 1970 CanLII 201 (C.S.C.), [1970] R.C.S. 567.
[14] Dans cette affaire, le prévenu [avait] été accusé de négligence criminelle, en contravention de l’art. 192 (aujourd’hui l’art. 221) du Code criminel. Le jury l’a déclaré coupable de conduite dangereuse. L’accusé avait eu avec sa voiture un accident n’impliquant pas d’autre véhicule, et il se faisait reconduire chez lui dans une voiture de patrouille. Il a saisi le volant des deux mains et l’a tourné vers la gauche, ce qui a fait virer l’automobile brusquement vers la gauche causant immédiatement une collision frontale avec un véhicule venant en sens inverse. Une passagère de ce dernier véhicule est morte par suite de cette collision. En confirmant la culpabilité de l’accusé relativement à l’infraction incluse de conduite dangereuse, la majorité des juges a conclu que, pendant les quelques instants où la voiture de patrouille a quitté sa voie à la droite pour entrer dans la voie réservée aux véhicules voyageant en sens inverse, quelqu’un la conduisait de façon dangereuse pour le public.
[15] La Cour suprême du Canada a confirmé que celui qui crée la situation en prenant physiquement la direction du véhicule est celui dont les agissements sont la cause de la conduite dangereuse. Pendant ces quelques instants, l’appelant était quelqu’un qui « conduit un véhicule à moteur dans […] une grande route […] de façon dangereuse pour le public […] » au sens ordinaire et courant que ces mots ont à l’art. 221 (aujourd’hui l’art. 249).
[16] S’agissant de la question de la responsabilité à l’égard de la conduite et de la direction du véhicule, le juge Ritchie s’est exprimé comme suit :
En réalité, c’est parce que l’appelant s’est délibérément saisi du volant et a enlevé la direction du véhicule des mains de l’agent de police, que la voiture de patrouille est passée de sa voie à la voie réservée aux véhicules venant en sens inverse. Dans ces circonstances, en toute déférence pour ceux qui sont de l’avis contraire, je suis d’avis que pendant les quelques instants où l’appelant a pris la direction il était le seul responsable de la conduite dangereuse de la voiture de patrouille, et qu’il était à ce moment quelqu’un qui « conduit un véhicule à moteur dans […] une grande route […] de façon dangereuse pour le public […] » au sens ordinaire et courant que ces mots ont à l’art. 221(4) du Code criminel.
[17] Dans une affaire tranchée postérieurement, soit l’affaire R. c. Joyal, [1977] M.J. No. 287 (C. prov.), le juge Lismer a traité une autre affaire dont les faits ressemblent à ceux de l’affaire qui nous occupe.
[18] Dans Joyal, le prévenu a été accusé de négligence criminelle dans la conduite d’un véhicule à moteur. Cette allégation découlait du fait que l’accusé, passager à l’avant d’un véhicule à moteur appartenant à son ami et conduit par celui-ci sur une route, avait saisi le volant et l’avait tourné vers la gauche, ce qui avait causé une collision avec un tiers. L’accusé a avoué dans une déclaration volontaire que s’il n’avait pas touché le volant l’accident ne se serait pas produit. L’accusé n’a pas témoigné et n’a présenté aucune preuve.
[19] En se fondant sur l’affaire Bélanger et s’étant assuré que les mots « operate » et « drive » de la version anglaise [« conduire »] étaient interchangeables dans le cas d’un véhicule en mouvement, le tribunal a conclu que, en saisissant momentanément le volant, l’accusé avait conduit le véhicule.
[20] En l’espèce, il est clair que l’accusé a saisi le volant et l’a tourné vers l’accotement. Rien ne montre que le véhicule avait été conduit, jusqu’à ce moment-là, de façon irrégulière ou dangereuse. L’exception, une exception importante, c’est que le conducteur était en état d’ébriété, ce qui constitue en soi une infraction à la loi et un danger éventuel. Néanmoins, cette exception ne diminue en rien la qualité de l’acte de l’accusé. En saisissant le volant et en le tournant comme il l’a fait, l’accusé a pris physiquement la direction du véhicule. Ce n’est pas la durée pendant laquelle l’accusé a pris la direction du véhicule à l’exclusion de toute autre personne ni la portée de son geste qui sont importants, c’est le fait qu’il a, par son geste, pris la direction du véhicule.
[21] Sur cette question, la décision R. c. R.S.W., [1995] O.J. No. 2872 (Div. prov.), est invoquée. Dans cette affaire, le tribunal a déclaré coupables deux personnes qui avaient conjointement la maîtrise du volant d’un véhicule à moteur. Le tribunal a fait remarquer que les deux accusés auraient dû savoir qu’il était dangereux de conduire alors que ni l’un ni l’autre n’était en mesure de diriger convenablement le véhicule. À mon avis, l’accusé en l’espèce s’est mis dans la même situation, même si c’était sans le consentement du conducteur.
[22] En outre, les tribunaux ont déjà conclu que des accusés qui dirigeaient un véhicule poussé par un autre (R. c. Sanderson, [1992] M.J. No. 510) ou remorqué par un autre (R. c. Flemming (1980), 43 N.S.R. (2d) 249 (c. de cté N.-É.) et R. c. Miller (1944), 82 C.C.C. 314) « conduisaient » un véhicule à moteur.
[23] À mon avis, l’acte de l’accusé est visé par la définition de « conduire » le véhicule.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire