jeudi 18 novembre 2010

Le conjoint irrémédiablement séparé peut témoigner contre l'autre conjoint

R. c. Mayuran, 2007 QCCS 787 (CanLII)

[12] Il s'agit de savoir si la règle traditionnelle qui veut qu'un conjoint soit empêché de témoigner contre l'autre conjoint afin de préserver l'harmonie conjugale et d'éviter la "répugnance naturelle" d'un accusé de voir sa conjointe témoigner contre lui pendant qu'ils sont mariés[1], est menacée lorsqu'ils sont séparés et qu'il n'y a pas de possibilité raisonnable de réconciliation.

[13] La Cour suprême a déjà répondu à cette question dans l'affaire Salituro. L'évolution de la société, le statut d'égalité de la femme et surtout la Charte ont amené la Cour suprême à réviser cette délicate question.

[15] Dans un jugement unanime, la Cour suprême a répondu à l'épineuse question de savoir si une personne séparée de son conjoint, sans possibilité raisonnable de réconciliation, peut être témoin à charge contre l'autre conjoint accusé.

[16] En examinant le fondement de la règle de l'inhabilité du conjoint à témoigner pour le poursuivant, la Cour dit :"qu'il ressort de l'analyse historique de la règle de l'inhabilité du conjoint à témoigner pour le poursuivant que si cette règle a pu autrefois avoir sa raison d'être, elle n'en a plus aucune aujourd'hui en ce qui concerne les personnes divorcées ou les conjoints dont la séparation est irrémédiable. La conception du rôle de la femme qu'elle véhicule n'est plus compatible avec l'importance que l'on accorde de nos jours à l'égalité des sexes. En particulier, la règle de l'inhabilité du conjoint irrémédiablement séparé est incompatible avec les valeurs enchâssées dans la Charte canadienne des droits et libertés et la préserver serait contraire au devoir de notre Cour de veiller à ce que la Common law évolue en conformité avec ces valeurs".

[17] De plus, la prépondérance du lien du mariage sur la valeur du choix individuel dans les cas de séparation irrémédiable était peut-être légitime à l'époque de lord Coke, où la personnalité juridique de la femme était incorporée à celle de son mari lors du mariage, mais elle ne l'est plus à l'ère de la Charte.

[18] La Cour suprême conclut qu'à défaut d'intervention parlementaire, il convient de modifier la règle de Common law de façon à rendre les conjoints séparés de façon irrémédiable habiles à témoigner pour le poursuivant.

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