vendredi 21 octobre 2011

Les principes directeurs qui se dégagent de la jurisprudence au sujet de l'infraction de conduire avec les capacités affaiblies

R. c. Bouchard, 2011 QCCQ 2145 (CanLII)

[122] Ce que vise l'article 253a) du Code criminel, c'est un affaiblissement même léger de la capacité de conduire un véhicule à moteur. Cette preuve doit évidemment être établie hors de tout doute raisonnable.

[123] À propos de la preuve de l'affaiblissement de la capacité de conduire un véhicule à moteur, la Cour d'appel, dans l'arrêt Laprise, écrit ce qui suit :

« L'affaiblissement des facultés de conduire s'entend généralement de l'altération du jugement et de la diminution de l'habilité physique. Mais pour tomber sous le coup de l'alinéa 253a) C. cr., cet affaiblissement n'a pas à atteindre un degré particulier :

Le fardeau de la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable est rempli lorsque la preuve est faite que les facultés de conduire un véhicule automobile étaient affaiblies par l'alcool ou une drogue, et pas davantage. En effet, ce que le législateur exige dans l'article 253a) c'est de reconnaître un affaiblissement de la capacité de conduire, mais non pas un affaiblissement "marqué".

Pour établir que le conducteur avait les facultés affaiblies, la poursuite dispose de moyens de preuve très variés. Tout d'abord, elle peut mettre en preuve, par le témoignage d'un policier ou de toute autre personne, les caractéristiques de la conduite de l'accusé. Cet état peut également se déduire de constatations usuelles, comme l'odeur de l'alcool, la démarche chancelante ou les yeux vitreux. Une telle démonstration peut aussi être faite au moyen du résultat d'un test d'haleine, d'urine ou de sang. Toutefois, si un tel résultat peut corroborer les observations d'un policier quant à la cause de la diminution des capacités de conduire, il ne permet pas à lui seul de déduire la quantité d'alcool consommée ni ses effets, sauf si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés. En effet, les tribunaux n'ont pas une connaissance judiciaire de ces faits. Enfin, d'autres tests, tels que la capacité de marcher sur une ligne blanche, permettent parfois d'inférer que le conducteur avait les facultés affaiblies ».

[124] Dans l'arrêt Faucher, la Cour d'appel du Québec précise que la preuve d'une conduite erratique ou anormale n'est pas exigée. Ainsi, à propos de la preuve d'une conduite anormale, la Cour d'appel s'exprime de la façon suivante :

« Celle-ci n'est pas un élément constitutif de l'infraction. La poursuite a la charge de démontrer que la capacité de conduire avait été diminuée. La preuve d'une conduite aberrante ou non conforme aux règles ou à la manière habituelle de conduire un véhicule automobile n'est ni un élément constitutif de l'infraction ni un élément déterminant dans l'appréciation de la preuve. Celle-ci peut être faite par tout moyen qui permet de conclure que la réduction de la capacité de conduire, qui est l'élément constitutif de l'infraction, a été établie conformément aux normes de la preuve pénale (voir notamment R. Polturak, (1988) 9 M.V.R. (2d), p. 89 (Alb. C.A.); Beals c. R., (1956) 117 C.C.C., p. 22 (N.S.S.C.); R. c. Jean, (1972) C.A. 359)."

[125] Aussi, dans l'arrêt Aubé, la Cour d'appel du Québec s'exprime ainsi :

« Ce n'est qu'exceptionnellement que l'état de boisson d'un conducteur se prouve autrement que par une preuve circonstancielle, comprenant un certain nombre de manifestations physique distinctes touchant l'apparence de l'individu, sa façon de parler et de marcher, soit des manifestations anormales qui, à défaut d'explication ou de justification, permettent l'inférence certaine d'un affaiblissement de la capacité de conduire par l'alcool ou une drogue ».

[126] Évidemment, la preuve équivoque d'un comportement qui présente certaines caractéristiques de capacités affaiblies pourra s'avérer insuffisante, telle que nous l'enseigne la Cour d'appel d'Alberta dans l'arrêt Andrews.

[127] À noter que la quantité d'alcool consommée n'est pas un élément d'infraction, quoiqu'elle peut comporter un intérêt certain.

[128] Dans une décision récente rendue le 18 novembre 2010, Mme la juge Micheline Paradis, dans l'affaire La Reine c. Julie Paradis, résume bien les principes directeurs qui se dégagent de la jurisprudence :

« Quant à la preuve de facultés affaiblies :

1.- Celle-ci doit être faite hors de tout doute raisonnable;

2. Le ministère Public n'a pas à établir un degré quelconque d'affaiblissement de la capacité de conduire par l'effet de l'alcool; il n'a pas à établir que cet affaiblissement était marqué;

3. Il est habituel qu'une preuve de facultés affaiblies se démontre à l'aide d'une preuve circonstancielle, comme le rappelait la Cour d'appel.

C'est ainsi qu'une telle preuve peut se référer notamment à des manifestations physiques relatives à l'apparence de l'individu, son élocution, sa démarche ou toute autre situation anormale qui permet, à défaut d'explication ou de justification crédible, de conclure à l'affaiblissement de la capacité de conduire par l'effet de l'alcool ou de la drogue.

4.- Les résultats de tests sanguins permettent également, « si un expert établit une corrélation entre le résultat et un affaiblissement possible des facultés », de corroborer les observations des témoins, policiers ou autres. »

[129] En somme, comme le souligne à bon droit M. le juge Martin Vauclair, Cour du Québec (maintenant Cour supérieure), dans l'affaire La Reine c. Ibanescu, « le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'habilité de conduire de l'accusé est affaiblie, même légèrement, par l'alcool ou une drogue, la question n'est pas de savoir si l'habilité générale d'une personne est affaiblie ».

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