Dubé c. R. , 2011 QCCS 6971 (CanLII)
[27] Dans la cause de Savard c Québec (Procureur général) [1998] J. Q. no. 3532, ma collègue de l'époque, l'honorable Lise Côté, a tracé les grandes lignes qui gouvernent le procureur général dans la décision de déposer un Nolle Prosequi dans une poursuite privée en vertu des dispositions du Code criminel. Il serait approprié de reproduire certains paragraphes de cette décision:
"24 Le Procureur général joue un rôle important sur l'introduction et l'application du régime des poursuites pénales. Il est reconnu qu'il possède un large pouvoir discrétionnaire dans la conduite des affaires criminelles dont le pouvoir d'arrêter des procédures dès le dépôt d'une dénonciation. On ne retrouve pas au Code criminel de critères ou de conditions d'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
25 Dans la présente affaire, l'intimé reconnaît que l'arrêt des procédures constitue un acte judiciaire et je pense que c'est à bon droit puisque même s'il ne s'agit pas d'un geste posé par un organisme judiciaire, c'est la nature du geste qui doit être qualifié. J'estime qu'un Procureur général qui arrête des procédures pose un acte de nature judiciaire assujetti au contrôle judiciaire par voie de certiorari.
27 Quant à la proposition du requérant qui soumet que dans l'arrêt Chartrand de notre Cour d'appel, l'honorable juge Beauregard en employant l'expression "décision carrément déraisonnable" a ainsi élargi la portée du pouvoir d'intervention, je ne peux y souscrire.
28 J'estime que le critère d'intervention, qu'il soit qualifié de "carrément déraisonnable" ou de "conduite répréhensible flagrante", demeure soumis à la même exigence d'établir que le pouvoir a été exercé pour des motifs irréguliers ou obliques. De plus, les tribunaux doivent user de retenue judiciaire envers le pouvoir discrétionnaire du poursuivant.
29 Ceci dit, il ne faudrait pas conclure que la retenue judiciaire équivaille à une non-intervention systématique, ce qui nierait aux tribunaux tout pouvoir d'intervention.
31 Cependant, il est reconnu par la jurisprudence que les tribunaux n'ont pas à s'immiscer, ni à dicter au Procureur général sa façon d'agir dans l'institution de poursuites judiciaires. De la même façon, les tribunaux n'ont pas à vérifier les motifs pour arrêter des procédures à moins que la conduite du Procureur général n'équivaille à un abus de procédure.
37 Je considère que le Procureur général a le devoir de s'assurer que des poursuites criminelles ne soient pas engagées à la légère et de veiller à ce que les ressources judiciaires soient utilisées à bon escient. Dans certains cas, des poursuites criminelles abusives pourront ne pas servir l'intérêt public et même miner la confiance du public dans l'usage que l'on fait des tribunaux. Le rôle du Procureur général consiste à surveiller les abus des poursuites pénales pour éviter de saper l'efficacité du système.
38 Dans ce genre d'analyse, il existe une myriade de facteurs qui peuvent influencer la décision du Procureur général variant de la valeur de la preuve au dossier à la nécessité de s'assurer du sérieux et des motivations profondes qui fondent la poursuite."
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