lundi 5 août 2013

Les cinq conditions pour qu'il soit permis à une partie de faire la preuve d'une déclaration antérieure

R. c. Hakim, 2013 QCCQ 5473 (CanLII)


[16]        La Cour d'appel du Québec a rendu deux arrêts sur lesquels le Tribunal se basera pour rendre sa décision, soit R. c. Mandeville etR. c. Duclos.
[17]        Bien que ces deux arrêts portent sur l'article 11 de la Loi sur la preuve, le Tribunal considère qu'elles ont également application quant à l'article 10 de cette loi. En effet, si l'article 10 s'applique à la présente affaire, c'est que la déclaration a été enregistrée sur vidéo alors que, si tel n'avait pas été le cas, il s'agirait d'une déclaration verbale, auquel cas, s'appliquerait l'article 11 de la Loi sur la preuve.
[18]        Dans R. c. Mandeville précité, la Cour d'appel établit cinq conditions pour qu'il soit permis à une partie de faire la preuve d'une déclaration antérieure. Ces cinq conditions sont les suivantes:
            1.         un témoin contre-interrogé au sujet d'une déclaration antérieure faite par lui relativement au sujet de la cause;
            2.         que cette déclaration est incompatible avec la présente disposition;
            3.         que le témoin n'admet pas clairement qu'il a fait cette déclaration;
            4.         que les circonstances dans lesquelles a été faite la prétendue déclaration sont exposées au témoin de manière à spécifier sa déclaration;
            5.         qu'il a été demandé au témoin s'il a fait ou non cette déclaration.
[19]        Dans la présente affaire, le procureur de l'accusé a rempli ces cinq conditions.
[20]        Dans R. c. Duclos précité, la Cour d'appel était saisie d'une demande d'appel de la décision du juge qui a refusé d'interrompre le contre-interrogatoire d'un témoin pour faire la preuve d'une déclaration antérieure au motif que l'interrogatoire de la personne ayant entendu la déclaration antérieure serait trop long et que l'accusé n'avait qu'à faire cette preuve lors de sa défense.
[21]        La Cour d'appel a fait droit à l'appel sur ce point en raison du principe du droit à une défense pleine et entière. Elle s'exprime de la façon suivante:
Comme nous l'avons décidé dans l'arrêt  R. c. Mandeville, 1992 CanLII 2855 (QC CA), [1992] R.J.Q. 1185, l'article 11 de la Loi sur la preuve n'impose pas à une partie l'obligation d'établir la preuve d'une déclaration antérieure incompatible dans le cadre du contre-interrogatoire. Cette preuve peut être faite dans le cadre de la défense même. Mais, l'article 11 de la Loi sur la preuve n'impose pas non plus à la défense l'obligation de présenter une défense dans le but de prouver une déclaration  antérieure incompatible faite par un témoin de la poursuite.
Avec égards, j'estime que le juge du procès a erré en refusant d'interrompre le contre-interrogatoire de Richard pour faire entendre Serge Morin. Obliger la défense à appeler elle-même Serge Morin la privait également du privilège de plaider en dernier, comme le souligne avec à-propos Alan W. Bryant «The Adversary's witness: Cross-examination and proof of prior inconsistent statement», (1984) R. du B. can. 43, à la page 66:
Lasly, the question arises as to the effect, if any, that independent proof of the prior statement will have upon the order of jury addresses. The Criminal Code provides that if an accused examines a witness after the close of the crown's case, the prosecution is entitled to address the jury last. Thus, by independently proving a former statement of a witness, the accused loses this right. »
[22]        Dans la présente cause, si le Tribunal limite la portée des mots «déclaration antérieure au sujet de la cause» dans le sens où le suggère la poursuite, cela obligerait la défense d'être à la merci de la poursuite qui n'est pas obligée de faire entendre Kathy Gobeil et, si elle ne l'a fait pas entendre, cela obligerait la défense à produire ce témoin elle-même, ce qui lui enlèverait le privilège de plaider en dernier, comme le soutient la Cour d'appel dans Duclos.
[23]        Le fait que le procureur du défendeur ait indiqué, à quelques reprises, qu'il entendait faire témoigner l'accusé n'a pas d'importance. Le Tribunal ne doit pas en tenir compte puisque la preuve en demande n'est pas close et l'accusé n'a pas encore à décider s'il présente une défense ou non.
[24]        Quant à la non-pertinence évoquée par la poursuite, le Tribunal a déjà déclaré, lors des représentations sur cette objection, que la question était pertinente. C'est encore le cas.
[25]        Par conséquent, l'objection est rejetée et l'accusé peut invoquer l'article 10 de la Loi sur la preuve

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...