Canoë inc. c. R., 2013 QCCS 1668 (CanLII)
[50] Dans l’arrêt R. Daly auquel toutes les parties se réfèrent, la Cour d’appel de Colombie-Britannique a reconnu que la mens rea requise en vertu de l’article 517 (2) C.cr. est non seulement établie par la preuve de l’intention de publier une information visée par l’ordonnance de non-publication, mais également par la preuve de l’insouciance et de l’aveuglement volontaire de celui qui publie l’information relativement à l’existence ou la portée d’une telle ordonnance.
[51] Voici ce qu’écrit le juge Donald, au nom de la Cour :
[…] the mens rea element is established by proof that the appellants intentionally published the report; it is not necessary to show an intention to defy the order.
[…]
The mental element required by is an intention to do the act proscribed, viz, publishing any of the things listed in. It is not, as argued by the appellants, an intention to breach the court order creating the ban. Accordingly, it makes no difference that Mr. Daly sought legal advice from Global's solicitor before the broadcast or that neither appellant thought they had crossed the line. The broadcast was a conscious, deliberate act jointly produced by the appellants and that is enough for the mental element. It does not assist the appellants to assert that they did not intend to cause the harm which was intended to prevent.
I endorse the summary conviction appeal judge's reasoning on this point:
[87] I find Esson J.A.'s comments in CHBC [R. v. CHBC Television 1999 BCCA 72 (CanLII), 1999 BCCA 72 (CanLII), (1999), 132 C.C.C. (3d) 390, 1999 BCCA 72] are instructive and agree with the Crown's position on this point. The mens rea in criminal contempt or criminal contempt by publication as compared with a violation of a publication ban under s. 517 is, I think, quite different. The mens rea required to prove a charge of violating a s. 517 ban is to intentionally publish, with knowledge of the existence of the ban or recklessness or willful blindness as to whether such a ban existed.
[88] The fact that Mr. Daly honestly believed but was mistaken that the publication did not violate the publication ban is, in these circumstances, no defence. As in R. v. Metro News Ltd. 1986 CanLII 148 (ON CA), 1986 CanLII 148 (ON CA), (1986), 56 O.R. (2d) 321, 29 C.C.C. (3d) 35 (C.A.), where the charge was of knowingly making public obscene material, the term "knowingly" did not import that the accused knowingly contravened the law, but only that he had knowledge of the facts. The accused's belief that the publication was not legally obscene was not a defence.
[89] The Crown argues that to find that obtaining legal advice negated mens rea would be to find that a mistake of law is a valid defence.
[90] In R. v. Molis, 1980 CanLII 8 (CSC), 1980 CanLII 8 (SCC), [1980] 2 S.C.R. 356, 55 C.C.C. (2d) 558, Lamer J., as he then was, said [p. 362]:
… Parliament has by the clear and unequivocal language of s. 19 chosen not to make any distinction between ignorance of the existence of the law and that as to its meaning, scope or application. Parliament has also clearly expressed the will that s. 19 of the Criminal Code be a bar to any such defence, be the offence one created by an "enactment", as is the case here.
[91] Accordingly, I find that the judge below was correct in finding that Mr. Daly had the requisite mens rea for the offence.
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[56] À bon droit, le premier juge a retenu que la mens rea requise en vertu de l’article 517 (2) C.cr. nécessite la preuve de l’intention de publier une information alors que celui qui publie connaît l’existence de cette ordonnance ou encore, qu’il a fait preuve d’insouciance relativement à l’existence de cette ordonnance.
[39] La Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt R. c. Daly a déterminé que la mens rea de cette infraction est « [l]a publication intentionnelle lorsqu'on connaît l'existence d'une interdiction de publication ou fait preuve d'insouciance ou d'aveuglement volontaire quant à l'existence d'une telle ordonnance.»
[58] D’une part, sa conclusion selon laquelle les appelantes ont publié l’article du journaliste Plante alors qu’elles savaient ou ne pouvaient ignorer qu’une ordonnance de non-publication avait été rendue est, dans le contexte où l’article fait directement référence à cette ordonnance, bien fondée.
La défense d’excuse légitime
[66] Il est impossible de fournir une définition générale de l’excuse légitime, cette expression étant de nature très générale.
[67] Toutefois, il est admis que la défense d’excuse légitime comprend généralement toutes les justifications ou excuses de common law, à moins que la Loi ne viennent autrement définir cette expression, pour l’élargir ou la restreindre.
[68] À ce sujet, dans l’arrêt R. c. Holmes de la Cour suprême, le juge Dickson écrit :
Les mots "excuse légitime" constituent une expression de nature très générale. Celle‑ci comprend normalement tous les moyens de défense qui, en common law, constituent une raison suffisante pour dégager une personne de sa responsabilité criminelle. Elle peut aussi inclure des excuses propres à des infractions particulières. […]
Il ne fait aucun doute que le législateur peut redéfinir le sens du mot "excuse", par exemple en l'élargissant pour accorder de nouvelles excuses ou des excuses propres à une infraction particulière, ou en le restreignant pour n'y inclure que certaines excuses. Ce qui est important, c'est que le législateur devrait donner des indications expresses ou implicites du changement qu'il a apporté au sens du mot "excuse" quand il l'utilise dans une loi. Autrement, on interprétera le mot selon le sens d'"excuse" en common law et au par. 7(3), soit un terme large qui permet la création de moyens de défense en fonction des changements du droit et dans le contexte d'infractions particulières. Si le législateur n'a pas indiqué qu'il a donné un sens particulier au mot "excuse", on doit lui donner le même sens qu'en vertu de la common law et du par. 7(3).
[69] Dans l’arrêt R. c. Dubuc précité, la Cour d’appel du Québec réitère la portée générale de la notion d’excuse légitime. Elle précise, en prenant appui sur les auteurs Fortin et Viau, que l’excuse légitime doit être évaluée en fonction de l’objectif visé par l’incrimination. Elle ajoute, à titre illustratif, que la bonne foi ou l’erreur de droit ne peut constituer une excuse légitime:
(p.292) "L'excuse légitime. La jurisprudence est unanime à dire qu'il est impossible de donner une définition générale de l'excuse légitime. Si la loi créatrice de l'infraction n'en donne pas une signification précise, il faut en inférer le sens d'après le but de l'incrimination.
Sans prétendre réussir une tâche que des générations de juges ont déclarée impossible, on peut donner les dimensions de l'excuse légitime. D'abord, l'excuse légitime a pour effet de donner à l'accusé la possibilité de se défendre de l'accusation en invoquant des moyens spéciaux à l'infraction, distincts des moyens généraux reconnus par la loi."
(p.294) Ensuite, toute légitime qu'elle doive être, l'excuse légitime n'a pas à nier l'infraction elle-même. En d'autres termes, c'est l'excuse qui doit être légitime et non pas nécessairement la conduite qu'elle explique."
(p. 296) "Excuse légitime et erreur de droit. L’explication offerte par l’accusé mettant en cause une ignorance de la loi ou une erreur de droit de sa part n’est pas une excuse légitime, même si sa bonne foi ne fait pas de doute. "
[70] Dans l’arrêt R. c. Jorgensen, la Cour suprême distingue les notions de «justification» et «d’excuse légitime». Ce faisant, elle ajoute un facteur d’appréciation à l’égard d’une défense d’excuse légitime en mentionnant que cette dernière ne remet pas en cause le caractère répréhensible de l’acte, mais qu’elle vise plutôt à mettre en évidence «le sentiment d'injustice que soulève la punition pour une violation de la loi commise dans des circonstances où la personne n'avait pas d'autre choix viable ou raisonnable; l'acte était mauvais, mais il est excusé parce qu'il était vraiment inévitable». Voici comment le juge Sopinka s’exprime sur cette question:
Dans Perka c. La Reine, 1984 CanLII 23 (CSC), [1984] 2 R.C.S. 232, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a examiné la question de savoir si le moyen de défense fondé sur la nécessité constituait une justification ou une excuse à l'égard de l'infraction d'importation de stupéfiants et de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic. S'exprimant au nom de la majorité, le juge Dickson a souligné l'importance d'établir une distinction entre les termes «justification» et «excuse». Le premier conteste le caractère répréhensible de l'action alors que le second admet ce caractère répréhensible mais affirme que, compte tenu des circonstances, l'auteur de l'action ne devrait pas en être tenu responsable. La raison d'être de l'excuse à l'égard de l'auteur de l'action est «le sentiment d'injustice que soulève la punition pour une violation de la loi commise dans des circonstances où la personne n'avait pas d'autre choix viable ou raisonnable; l'acte était mauvais, mais il est excusé parce qu'il était vraiment inévitable» (p. 250).
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[71] En l’espèce, le Tribunal estime que le premier juge a eu raison de conclure que les moyens fondés sur les normes de l’industrie des médias et sur l’achat d’un produit clé en main ne peuvent constituer une excuse légitime au sens de l’article 517 (2) C.cr.
[72] Les appelantes ne peuvent soutenir qu’elles n'avaient pas d'autre choix viable ou raisonnable que de publier l’article du journaliste Plante sans faire aucune vérification et que la transgression de l’ordonnance était, dans ces circonstances, inévitable.
[74] L’erreur ou la négligence ne peut servir d’excuse légitime.
La défense de diligence raisonnable
[75] Dans son jugement, le premier juge a conclu que la défense de diligence raisonnable ne pouvait être invoquée du fait que l’accusation prévue à l’article 517 (2) C.cr. n’est pas de responsabilité stricte. Il ajoute que même si une telle défense avait pu être soulevée, que la preuve ne lui permettait pas de conclure que les appelantes avaient été diligentes.
[76] Cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit ni d’aucune erreur dominante dans l’appréciation des faits.
[77] De plus, il apparaît douteux qu’une défense de diligence raisonnable puisse être invoquée à l’encontre d’une accusation qui accorde un moyen de défense fondé sur l’excuse légitime.
[78] Cela est d’autant plus vrai qu’en l’espèce, les faits invoqués par les appelantes pour faire valoir la défense de diligence raisonnable sont également ceux qu’elles invoquent pour justifier l’excuse légitime.
[79] Si ces faits ne peuvent constituer une excuse légitime, ils ne devraient pouvoir justifier une défense de diligence raisonnable.
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