R. c. Antic, 2017 CSC 27
[67] En conséquence, les principes et les lignes directrices à suivre pour l’application des dispositions en matière de liberté sous caution lors d’une audience contestée sont les suivants :
a) Les accusés jouissent du droit constitutionnel à la présomption d’innocence, présomption dont le corollaire est le droit constitutionnel à la mise en liberté sous caution.
b) L’alinéa 11e) garantit tant le droit de ne pas être privé d’une mise en liberté sous caution sans juste cause que le droit à une mise en liberté sous caution assortie de conditions raisonnables.
c) Sauf exceptions, une mise en liberté inconditionnelle sur remise d’une promesse constitue la solution par défaut à adopter lorsqu’il s’agit d’accorder une mise en liberté (par. 515(1)).
d) Le principe de l’échelle énonce la manière dont d’autres formes de mise en liberté doivent être imposées. Il exige qu’on [traduction] « favorise la mise en liberté à la première occasion raisonnable et, eu égard [aux critères légaux de détention], aux conditions les moins sévères possible » (Anoussis, par. 23). Ce principe doit être suivi rigoureusement.
e) S’il propose une autre forme de mise en liberté, le ministère public doit démontrer la nécessité de celle‑ci. Plus la forme de mise en liberté est restrictive, plus lourd est le fardeau imposé à l’accusé. En conséquence, un juge de paix ou un juge ne peut imposer une forme plus restrictive de mise en liberté que si le ministère public a démontré que celle‑ci est nécessaire eu égard aux critères légaux de détention.
f) Chaque échelon de l’échelle doit être examiné de façon individuelle et doit être écarté avant qu’il soit possible de passer à une forme plus restrictive de mise en liberté. En cas de désaccord des parties sur la forme de mise en liberté à accorder, le juge de paix ou le juge commet une erreur de droit en ordonnant une forme plus restrictive de mise en liberté sans justifier sa décision d’écarter les formes moins sévères.
g) La mise en liberté avec engagement et caution est l’une des formes les plus sévères de mise en liberté. Une caution ne devrait être exigée que dans le cas où toutes les formes moins sévères de mise en liberté ont été examinées et écartées en raison de leur caractère inapproprié.
h) Il n’est pas nécessaire d’imposer un cautionnement en espèces à des accusés si eux‑mêmes ou leurs cautions possèdent des biens recouvrables par des moyens raisonnables et s’ils sont en mesure, à la satisfaction du tribunal, de mettre ceux‑ci en gage pour justifier la mise en liberté. Un engagement est l’équivalent fonctionnel du cautionnement en espèces et a le même effet coercitif. En conséquence, sous le régime des al. 515(2)d) ou 515(2)e), le cautionnement en espèces ne devrait être imposé qu’en présence de circonstances exceptionnelles où un engagement avec caution est impossible.
i) Lorsque de telles circonstances exceptionnelles existent et qu’un cautionnement en espèces est ordonné, le montant fixé ne doit pas être élevé au point où il équivaut dans les faits à une ordonnance de détention; autrement dit, ce montant ne devrait pas aller au‑delà des ressources auxquelles l’accusé et ses cautions ont facilement accès. Corollairement, le juge de paix ou le juge a, au moment de l’établissement du montant du cautionnement, l’obligation positive de s’enquérir de la capacité de l’accusé de payer. Le montant fixé ne doit pas être plus élevé que nécessaire pour dissiper la préoccupation qui justifierait par ailleurs la détention de l’accusé, et doit être proportionné aux moyens de l’accusé et aux circonstances de l’affaire.
j) Les conditions de mise en liberté visées au par. 515(4) ne peuvent [traduction] « être imposées que dans la mesure où elles sont nécessaires » pour dissiper les préoccupations liées aux critères légaux de détention et pour permettre la mise en liberté de l’accusé[5]. Elles ne doivent pas être imposées pour modifier le comportement de l’accusé ou pour le punir.
k) Lorsqu’une demande de révision d’une ordonnance relative à la mise en liberté sous caution lui est présentée, le tribunal doit suivre le processus de révision applicable à cet égard énoncé dans St‑Cloud.