dimanche 3 novembre 2024

Le droit – la légitime défense

R. c. Awadah, 2024 QCCQ 3806



[139]     L’article 34 C.cr. prévoit que n’est pas coupable d’une infraction, la personne qui :

139.1.   La croyance raisonnable : Croit, pour des motifs raisonnables, qu’une force est employée ou qu’on menace de l’employer, contre une autre personne[56];

139.2.   Le mobile défensif : Commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de protéger cette personne contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force[57];

139.3.    La réponse raisonnable : Agit de façon raisonnable dans les circonstances[58].

[140]     Attardons-nous plus attentivement à ces trois facteurs.

La croyance raisonnable

[141]     Des paragraphes 52 à 58 de l’arrêt R. c. Khill[59], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

141.1.  Il s’agit d’examiner l’état d’esprit de la personne accusée et la perception des événements qui l’ont amenée à agir (par. 52);

141.2.  Cette perception subjective doit être objectivement vérifiée (par. 52-58)[60], c’est-à-dire ce qu’une personne raisonnable ayant les mêmes caractéristiques et expériences pertinentes percevrait (par. 57);

141.3.  Les affrontements violents antérieurs entre l’accusé et la victime sont pertinents à l’évaluation de la croyance raisonnable (par. 55);

141.4.  Le caractère raisonnable n’est pas considéré du point de vue de personnes trop craintives, ivres, anormalement vigilantes ou membres de sous-cultures criminelles (par. 56)[61];

141.5.  Les préjugés personnels ou les craintes irrationnelles à l’égard d’un groupe ethnique ou d’une culture identifiable ne pourraient jamais de façon acceptable être à la base d’une perception objectivement raisonnable de menace (par. 56);

141.6.  Une croyance sincère mais erronée peut être raisonnable (par. 57)[62];

141.7.  Sont comprises la défense de soi et la défense d’autrui (par. 52).

Le mobile défensif

[142]     Des paragraphes 59 à 61 de l’arrêt R. c. Khill[63], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

142.1.  Il s’agit d’examiner le but visé par la personne accusée en commettant l’acte qui constitue l’infraction (par. 59);

142.2.  Il s’agit d’un état d’esprit subjectif (par. 59)[64];

142.3.  L’acte doit être commis pour se défense soi-même ou une autre personne contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force et non dans un but de se faire justice à soi-même ou de se venger (par. 59);

142.4.  Le but peut évoluer à mesure que l’événement progresse ou s’aggrave (par. 61);

142.5.  Il est essentiel de formuler adéquatement la menace ou l’emploi de la force à un moment donné pour évaluer correctement les actions de l'accusé par rapport à leur objectif déclaré (par. 61).

142.6.  Le Tribunal doit apprécier le contexte global de l’affrontement, comment il a évolué et le rôle joué par l’accusé, le cas échéant, dans la genèse de cette évolution (par. 61).

La réponse raisonnable

[143]     Le caractère raisonnable de la réponse est mesuré en fonction des faits pertinents dans la situation personnelle de l’accusé et des autres parties ainsi que les faits pertinents de l’acte, ce qui inclut notamment les neuf facteurs suivants[65] :

           la nature de la force ou de la menace;

           la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

           le rôle joué par la personne lors de l’incident;

           la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

           la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

           la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

           l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

           la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

           la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

 

[144]     Des paragraphes 62 à 70 de l’arrêt R. c. Khill[66], il peut être retenus les principes suivants pertinents en l’espèce :

144.1.   La norme objective est modifiée pour prendre en compte certaines caractéristiques et expériences de la personne accusée (par. 64)[67];

144.2.   Cela étant, l’accent demeure sur ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances comparables (par. 65);

144.3.   Le facteur de la réponse raisonnable s’attarde principalement au caractère raisonnable des gestes posés par l’accusé et non de son état d’esprit (par. 66-67);

144.4.   Il revient aux juges des faits d’évaluer globalement et de peser tous les facteurs pour déterminer si l’acte était raisonnable, aucun facteur pris isolément n’étant décisif pour l’issue (par. 69).

[145]     La jurisprudence nous enseigne également les principes suivant dans l’évaluation de la légitime défense.

Robitaille Drouin c. R., 2022 QCCA 233 :

[35]   Le droit de repousser une attaque comprend celui de répliquer physiquement. En ce qui concerne l'ampleur de la réplique, la personne qui agit en légitime défense ne peut être tenue de mesurer, et peut de toute manière ne pas être capable de calibrer avec précision dans le feu de l'action le degré de force requis pour repousser une agression imminente. Il faut éviter d'évaluer la proportionnalité de la réponse en rétrospective et de manière non contextualisée, en se fondant uniquement ou exagérément sur la gravité des blessures qui ont été occasionnées au plaignant.

[36]   Si les blessures et la gravité de celles-ci peuvent être pertinentes pour jauger de la proportionnalité de la réponse, c’est la force employée par l'accusé qui doit être jugée raisonnable et non pas ses conséquences.

[Références omises]

 

Deslauriers c. R., 2020 QCCA 484 :

[27]   Dans son évaluation du caractère raisonnable, ou non, des gestes posés par la personne qui se défend en réaction à la force qu’on emploie, ou menace d’employer, contre elle, le juge doit se rappeler que les personnes confrontées à des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le luxe d’une réflexion approfondie et elles commettront inévitablement des erreurs de jugement et de fait, par exemple dans l’évaluation de la force requise pour contrer la menace. Leurs actes ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection.

[Références omises]

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