R. c. Turcotte, [2005] 2 R.C.S. 519, 2005 CSC
Résumé
Le présent pourvoi est fondé sur le comportement de M. Turcotte le matin où il s’est rendu de son plein gré au poste de police et a demandé qu’une voiture soit envoyée au ranch. Malgré les questions répétées de la police, il a refusé d’expliquer pourquoi une voiture était nécessaire ou ce qu’on allait trouver au ranch.
Analyse
Le « comportement postérieur à l’infraction » est un terme (...)désignant seulement le comportement probant quant à la culpabilité. Par sa nature, ce comportement constitue une preuve circonstancielle (par 37)
Seuls les éléments de preuve postérieurs à un crime qui sont probants quant à la culpabilité peuvent être invoqués comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » (par 39)
Selon les règles traditionnelles de common law, en l’absence d’une contrainte légale, chacun a le droit de garder le silence face à l’interrogatoire de la police. (par 41)
La juge McLachlin a fondé le droit de garder le silence prévu par l’art. 7 sur deux doctrines de common law : la règle des confessions et le privilège de ne pas s’incriminer, expliquant qu’elles découlent toutes deux du thème unificateur suivant : L’idée qu’une personne assujettie au pouvoir de l’État en matière criminelle a le droit de décider de parler aux policiers ou de garder le silence. (par 43)
Ce serait un droit illusoire si la décision de ne pas parler à la police pouvait être utilisée par le ministère public comme preuve de culpabilité. Il a été reconnu en outre que, comme il y a un droit de garder le silence, ce serait tendre un piège que de prévenir l’accusé qu’il n’est pas tenu de répondre aux questions du policier, pour ensuite soumettre en preuve que l’accusé s’est manifestement prévalu de son droit en gardant le silence face à une question tendant à établir sa culpabilité (par 44)
Ce serait également « tendre un piège » que de permettre qu’un exercice valide du droit soit utilisé comme preuve de culpabilité (par 45)
Puisque, dans la plupart des cas, les personnes ne sont pas tenues d’aider la police, leur silence ne peut, en soi, être probant quant à la culpabilité :
[traduction] . . . le refus d’aider n’est rien d’autre que l’exercice d’une liberté reconnue et n’apporte aucun éclairage, en soi, sur la culpabilité de cette personne. (par 46)
La preuve relative au silence est cependant admissible dans des cas limités. Comme le juge Cory l’a statué dans Chambers, p. 1318, si « le ministère public [peut] établir une pertinence réelle et une justification légitime », la preuve relative au silence peut être admise à condition d’être accompagnée d’une mise en garde appropriée au jury. (par 47)
En général, en l’absence d’une exigence légale contraire, les personnes ont le droit de choisir de parler à la police ou non, même si elles ne sont pas détenues ou en état d’arrestation. Le droit de garder le silence reconnu en common law existe en tout temps contre l’État, peu importe que la personne qui le revendique soit ou non assujettie au pouvoir ou contrôle de ce dernier. Comme c’est le cas pour la règle des confessions, le droit de l’accusé de garder le silence s’applique chaque fois qu’il interagit avec une personne en situation d’autorité, qu’il soit détenu ou non. Ces considérations de principe existent tant avant qu’après l’arrestation ou la détention. Il n’y a, par conséquent, aucune raison fondée sur des principes de ne pas étendre l’application du droit de garder le silence reconnu en common law aux deux périodes. (par 51)
La volonté de communiquer certains renseignements à la police ne fait pas complètement disparaître le droit d’une personne de ne pas répondre aux questions de la police. Elle n’a pas à rester muette pour manifester son intention de l’invoquer. Une personne peut fournir certains, aucun ou la totalité des renseignements qu’elle possède. L’interaction volontaire avec la police, même si elle est engagée par l’intéressé, ne constitue pas une renonciation au droit de garder le silence. Le droit de choisir de parler ou de garder le silence demeure entier tout au long de l’interaction. (par 52)
Le comportement postérieur à un crime n’est admissible comme preuve relative au « comportement postérieur à l’infraction » que s’il fournit une preuve circonstancielle de la culpabilité. La pertinence nécessaire n’existe plus s’il n’y a aucun lien entre le comportement et la culpabilité. La loi n’impose aucune obligation de parler à la police ou de collaborer avec elle. Ce fait, à lui seul, rompt tout lien pouvant exister entre le silence et la culpabilité. Le silence face à l’interrogatoire de la police est donc rarement admissible comme preuve relative au comportement postérieur à l’infraction parce qu’il est rarement probant quant à la culpabilité. Refuser de faire ce qu’on a le droit de refuser de faire ne révèle rien. (par 55)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire