mercredi 26 août 2009

La nature et les fonctions de l'enquête préliminaire

R. c. Gagnon, 2006 QCCQ 3688 (CanLII)

[10] La fonction principale de l'enquête est celle de déterminer si le ministère public a une preuve suffisante pouvant justifier une citation à procès.

[11] L'article 548 du Code criminel le précise en termes clairs.

[12] La juge L'Heureux-Dubé, dans O'connor, procédant à l'analyse de l'évolution du rôle de l'enquête préliminaire, mentionnait qu'au cours des années, l'enquête préliminaire s'est donné un but accessoire, soit celui de découvrir et d'évaluer la preuve du ministère public lors d'un éventuel procès.

[13] Ce but accessoire est devenu à son avis de plus en plus important, au point d'éclipser l'objectif principal de l'enquête, soit celui d'évaluer la suffisance de la preuve.

[14] Toutefois, selon elle, depuis l'arrêt Stinchcombe et l'avènement de l'obligation formelle de divulgation, la situation a changé. Le ministère public a maintenant une obligation formelle de divulgation complète au prévenu de toute la preuve pertinente aux accusations. Par conséquent, l'enquête préliminaire ne devrait plus consister pour les prévenus en un long exercice de divulgation et se transformer à toutes fins utiles en un procès.

[15] Les pouvoirs d'un juge présidant une enquête préliminaire se limitent à ceux qui sont conférés expressément ou implicitement par la loi.

[16] Plus récemment, dans Hynes la Cour suprême était appelée à déterminer si le juge à l'enquête préliminaire était un tribunal compétent pour écarter des éléments de preuve en vertu de l'article 24(2) de la Charte.

[17] Dans une décision partagée à cinq contre quatre, la Cour suprême décide que le juge présidant l'enquête préliminaire n'est pas un tribunal compétent sur cette question.

[18] Traitant de l'objectif de l'enquête préliminaire, la cour précise qu'il s'agit :

« D'une procédure préalable au procès, visant à filtrer les dossiers faibles ne justifiant pas la tenue d'un procès. Son objectif dominant est d'empêcher l'accusé de subir un procès public inutile. » (par. 30)

[19] La fonction de divulgation et d'évaluation de la preuve doit tout au plus demeurer un aspect accessoire lors de cet examen de la suffisance de la preuve. En principe, cette fonction accessoire de divulgation et d'évaluation de la preuve du ministère public peut s'exercer par le prévenu à travers les contre-interrogatoires complets de tous les témoins présentés par le ministère public sur tous les sujets pertinents.

[20] Cette fonction accessoire subsiste-t-elle toujours lorsqu'on se retrouve au stade de l'examen volontaire? En d'autres termes, les prévenus peuvent-ils, dans le cadre de l'examen volontaire, poursuivre ce qu'ils n'ont pas déjà réussi à investiguer, découvrir et soupeser lors de la présentation de la preuve du ministère public?

[21] L'article 541(5) précise que le juge de paix entend chaque témoin appelé par le prévenu qui dépose sur toute matière pertinente à l'enquête.

[22] Quelle est la signification des mots « toute matière pertinente à l'enquête »?

[23] Cela signifie-t-il que le juge à l'enquête doit entendre les témoins sur tout sujet pertinent aux accusations, abordé ou non par le ministère public lors de la présentation de sa preuve? Ou plutôt que le prévenu ne peut faire entendre que les témoins susceptibles d'influer, modifier ou changer la décision du juge à l'enquête concernant la citation à procès?

[24] Par le libellé de cet article, le législateur a expressément limité l'interrogatoire des témoins présentés par le prévenu aux matières pertinentes à l'enquête.

[25] À cet égard, la jurisprudence a interprété à quelques reprises la notion de « matière pertinente à l'enquête » en y incluant tous les faits pertinents de la cause.

[26] En 1995, la juge Arbour, alors à la Cour d'appel d'Ontario, précisait, quant à l'admissibilité d'un élément mis en preuve par le prévenu lors de l'enquête préliminaire que le test de la pertinence ne devait pas être défini qu'en fonction de la suffisance de la preuve pour justifier une citation à procès.

[27] La pertinence des témoignages ne serait donc pas limitée par la preuve qui est nécessaire pour le renvoi à procès selon l'article 548 du Code criminel.

[28] La jurisprudence et la doctrine ont établi que le juge de paix doit entendre les témoins que le prévenu désire appeler, et ce, même si la preuve du ministère public est suffisante pour citer le prévenu à son procès.

[29] Par ailleurs, contrairement au contre-interrogatoire mené par le prévenu en vertu de l'article 540 à l'égard des témoins présentés par la poursuite, l'interrogatoire des témoins à décharge ne peut avoir pour but la découverte d'une violation de la Charte ou un autre objectif ancillaire de l'enquête préliminaire.

[30] Récemment, dans Guimond, notre Cour d'appel mentionnait :

« Certes, le premier juge a raison de déclarer que, en plus de l'objectif principal de l'enquête préliminaire qui est de déterminer s'il y a suffisamment de preuve pour envoyer l'accusé à procès, celle-ci sert également à explorer la preuve de la poursuite et à préparer la défense de l'accusé.

Toutefois, l'enquête préliminaire n'est pas le seul moyen pour ce faire. Ainsi, cette fonction ancillaire de l'enquête préliminaire n'est pas essentielle à la sauvegarde de l'équité et des autres garanties procédurales dont bénéficie l'accusé. Dans la mesure où il y a eu divulgation complète de la preuve par le ministère public, la production de témoins à l'enquête préliminaire ne constitue pas en soi un droit de l'accusé pouvant découler des principes de justice fondamentale. »

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