vendredi 16 octobre 2009

Celui qui signe un chèque d'un prénom qui ne correspond pas à celui sous lequel il a ouvert un compte auprès d'une banque fabrique-t-il un faux ?

Ferland c. R., 2001 CanLII 13347 (QC C.A.)

Fabrication d'un faux

[16] De cette disposition, il appert que trois éléments doivent être réunis pour que l'on puisse conclure à une fabrication d'un faux. D'abord, il doit y avoir un faux document; ensuite, le prévenu doit savoir qu'il fait un faux; enfin, il doit présenter une intention spécifique que le faux soit utilisé pour porter préjudice à autrui.

[17] Les six chèques remis par l'appelant à son locateur rencontrent les deux premières conditions. Premièrement, il s'agit d'un faux document, au sens de l'article 321 C.cr., puisque les chèques portent la signature d'une personne qui n'a pas de compte à l'institution financière concernée. Les chèques mentent donc sur ce qu'ils sont: Jean-Claude Ferland n'a pas de compte à la Caisse populaire de Victoriaville. À cet égard, la Cour suprême enseigne que le faux correspond au document suivant:

Un écrit n'est pas un faux du seul fait qu'il renferme de fausses énonciations; il l'est seulement s'il y est prétendu qu'il est ce qu'il n'est pas. La formule la plus simple et la meilleure pour exprimer cette règle est de dire que, pour ce qui est du faux en droit, l'écrit doit mentir sur ce qu'il est.

[…]

Pour être un faux, ce document doit dire un mensonge à son propre sujet, non au sujet de quelque autre document dont il est censé n'être qu'une copie.

[18] Deuxièmement, l'appelant savait que les documents étaient des faux. En effet, il a personnellement procédé à l'ouverture de son compte à la Caisse populaire de Victoriaville et il ne pouvait pas ignorer que c'est Noël Ferland qui était autorisé à signer des chèques.

[19] Quant au troisième élément de l'infraction relié à l'intention, il faut préciser que le Code criminel exige la preuve d'une intention spécifique. Pour que la falsification d'un chèque constitue un crime, il faut qu'il ait été fabriqué dans le but de porter préjudice à quelqu'un.

[20] À mon avis, la défense présentée par l'appelant était de nature à soulever un doute quant à son intention criminelle de fabriquer un faux. C'est pour préserver son identité qu'il a remis à son locateur des chèques portant le prénom de Jean-Claude et non pour lui porter préjudice. D'ailleurs, l'appelant était justifié de penser que la Caisse populaire escompterait les chèques remis à son locateur, même s'ils portaient le prénom Jean-Claude, parce qu'elle l'avait fait à plusieurs reprises auparavant.

Utilisation d'un faux


[21] L'article 368(1) a) C.cr. se lit comme suit:

368(1) [Emploi d'un document contrefait] Quiconque, sachant qu'un document est contrefait, selon le cas:

a) s'en sert, le traite, ou agit à son égard;

[…]

comme si le document était authentique, est coupable:

[…]

[22] Selon cette disposition, le ministère public doit démontrer que l'appelant a utilisé un faux document et qu'il savait que le document était faux. Une simple intention de tromper suffit pour conclure à la commission du crime.

[23] Pour les raisons énoncées précédemment, je suis d'avis que les chèques remis par l'appelant à son locateur constituent des faux au sens de l'article 321 C.cr. et que l'appelant le savait. Cependant, la défense qu'il a présentée soulève un doute raisonnable quant à son intention de tromper son locateur.

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