jeudi 15 octobre 2009

Le type d'infraction commise peut avoir une influence sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge lors de l'enqête sur remise en liberté

R. c. Lamothe, 1990 CanLII 3479 (QC C.A.)

Pour décider de la question, la Cour a l'obligation d'appliquer les critères que le législateur a énumérés à l'article 515(10) C.Cr. qui prévoit deux motifs principaux soit: est-ce que la détention est nécessaire pour assurer la présence du prévenu à son procès ? si la réponse à cette question est négative, est-ce que la détention est nécessaire dans l'intérêt public ou pour la protection ou la sécurité du public ?

Dans ce second cas, la Cour doit tenir compte de la potentialité de la commission d'une infraction criminelle nouvelle s'il y a remise en liberté ou d'une atteinte à l'administration de la justice.

La loi donne donc un assez large pouvoir discrétionnaire au juge, puisque les circonstances particulières de chaque espèce pèsent lourd dans la balance. Ce poids des circonstances ne veut cependant pas dire que le juge peut agir de façon arbitraire. Son pouvoir discrétionnaire doit s'exercer de façon judiciaire d'une part, et, d'autre part, en conformité avec les grands principes et les grandes règles de notre droit pénal notamment la présomption d'innocence et les autres garanties fondamentales données par la Charte.

Que ce pouvoir soit exercé en vertu de 520, 521 ou de 522 C.Cr. ne fait et ne doit surtout pas faire de différence au point de vue de l'application des critères requis. En d'autres termes, il ne saurait y avoir une qualification différente de la présomption d'innocence, non plus qu'une application différente des protections légales accordées aux droits fondamentaux de la personne, basées sur le type d'infraction. Le type d'infraction commise peut cependant, étant donné les circonstances, avoir une influence sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Il devient alors l'un des facteurs parmi tous les autres dont le juge doit ou peut tenir compte. Ainsi, un juge, face à un prévenu accusé d'une infraction d'un type qui met la sécurité du public en péril et qui estime qu'il y a probabilité de récidive, pourra refuser la mise en liberté. Comme l'exprimait, par exemple, la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Fothergill, (1982) 27 C.R. (3d) 191, le juge peut tenir compte du "degree of instability in the accused lifestyle" et d'un potentiel de conduite violente. Ceci ne veut pas dire toutefois que les critères doivent changer en fonction du type d'infraction reprochée. La présomption d'innocence est et doit rester la même dans tous les cas.

Notre Cour, dans les arrêts McGuire c. R., C.A.M, a souligné de façon claire, d'une part, la portée qu'il convenait de donner à la présomption d'innocence et, d'autre part, la différence fondamentale qu'il faut faire à cet égard lorsqu'un tribunal est appelé à se prononcer, dans une première hypothèse, sur une mise en liberté provisoire alors que le prévenu bénéficie encore de la présomption d'innocence et, dans une seconde hypothèse, lorsqu'au contraire, l'accusé ayant été jugé et trouvé coupable n'en bénéficie plus.

La présomption d'innocence, surtout depuis que les droits fondamentaux sont enchassés dans la Constitution, ne doit pas être reléguée uniquement au seul rôle de détermination de la culpabilité de l'accusé. Elle doit exister à toutes les étapes du procès pénal.

Il n'est donc probablement pas inutile de rappeler ici certains principes énoncés dans l'arrêt Perron.

Le premier est que la preuve même accablante de la commission de l'infraction, ou même le flagrant délit, n'est qu'un élément parmi les autres que le juge doit considérer.

Le second est que la probabilité d'une condamnation et la gravité du crime ne sont pas, non plus, les seuls critères à entrer en ligne de compte.

Le troisième est que le juge qui entend la requête n'a pas à décider en anticipant sur le procès de la culpabilité ou de l'innocence du prévenu. Il doit dans tous les cas et en tout état de cause, d'une part, considérer la présomption d'innocence et en tenir compte et, d'autre part, ne pas devancer la cause au fond.

C'est donc à un niveau plus élevé qu'il faut se placer, soit celui d'un public raisonnablement informé de notre système de droit pénal et capable de juger et de percevoir sans passion que l'application de la présomption d'innocence, même au niveau de la liberté provisoire, a pour effet qu'effectivement des gens qui, plus tard, seront trouvés coupables, même de crimes sérieux, auront cependant retrouvé leur liberté entre le moment de leur arrestation et celui de leur procès. En d'autres termes, le critère de la perception du public ne doit pas s'exercer à partir du plus petit commun dénominateur. Un public informé comprend donc qu'il existe au Canada une présomption d'innocence garantie constitutionnellement (art. 11 d) de la Charte) et le droit de n'être pas privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable (art. 11 e) de la Charte).

La dangerosité de l'individu, les circonstances de l'acte reproché, le type d'infraction, la situation de la victime sont, parmi d'autres, des facteurs qui peuvent aider le juge à se former une idée relative de cette réaction. La justice pénale ne doit pas donner prise au scandale. Elle doit donner l'image d'une justice sereine, impartiale et exemplaire.

***Note de l'auteur de ce blog - Cet arrêt, antérieur à l'arrêt Rondeau (arrêt de principe), conserve néanmoins une certaine pertinence en soulignant certains facteurs à considérer dans le cadre de l'enquête caution.***

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