mercredi 2 décembre 2009

Exposé exhaustif sur l'infraction d'entrave à un agent de la paix

R. c. Rosehart, 2003 CanLII 16667 (QC C.Q.)

Nature de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions

1. Acte et/ou omission

[7] Dans l'arrêt R.c.Lavin (C.A.Q.) No 500-10-000148-906 -- le 3 août 1992 --, le comportement constituant l'entrave reprochée aux termes de l'art. 129 (a) était le refus de l'accusé de remettre son détecteur de radar alors que le policier en connaissait l'existence et alors que l'accusé n'en niait pas l'existence. L'énoncé de principe (maintes fois utilisé depuis par la jurisprudence) fut le suivant (les soulignements sont nôtres) :

"It seems to me that wilful obstruction requires either some positive act, such as concealment of evidence, or an omission to do something which one is legally obliged to do; and that neither requirement is fulfilled in this case."

[8] Or, d'énoncer la majorité :

"I am not aware of any provision of law by which he was obliged to agree with the officer's request to give him the detector. If he was under no obligation, surely he had the right to refuse and did not thereby obstruct the officer. On Appellant's refusal, he was arrested; knowing that the arrest gave the officer the right to search him, he immediately handed over the offending apparatus. "

[9] Cet acte en était un d'omission mais sans obligation légale d'agir entraînant donc par le fait même l'acquittement.

[10] Le plus célèbre exemple d'un cas d'entrave par omission se trouve dans l'arrêt Moore 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195. Il est inutile de s'aventurer dans les tenants et aboutissants de l'arrêt Moore puisque dans le cas qui nous occupe l'acte de continuer de courir est un acte positif et non une omission de faire quelque chose? En effet, continuer de courir tout comme courir est une action,un acte positif; et c'est cette action même de continuer de courir qui aurait nui à l'arrestation que le policier tentait de faire. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question comme relevant de la catégorie des omissions avec ou sans obligation légale d'agir.

2. Entrave à un agent de la paix procédant à une arrestation légale

A. Actus reus

[11] Dans le présent cas, l'agent de la paix avait des motifs raisonnables et probables de croire que l'accusé venait de voler ce véhicule et était dans le processus de procéder à l'arrestation. "L'arrestation", aux termes de l'arrêt Whitfield 1969 CanLII 4 (C.S.C.), [1970] R.C.S. 46, (au par.3), "consiste à se saisir d'une personne physique ou à y toucher dans le but de la détenir. Le seul fait de lui dire qu'on l'arrête ne constitue pas une arrestation à moins que celui qu'on veut arrêter se soumette et suive l'agent qui procède à l'arrestation ". Dans le cas en l'espèce, le policier par son ordre tentait d'amener l'accusé à se soumettre et à le suivre. Il n'existe aucun texte de loi qui crée l'infraction de désobéissance à cet ordre; ce n'est donc pas une infraction en soi. Par contre le fait pour une personne de s'éloigner en connaissance de cause d'un policier qui tente de procéder ainsi à son arrestation est un acte positif qui rend plus difficile l'exercice par le policier des pouvoirs que la loi lui donne dans l'exécution de ses fonctions.

[12] Dans Lavin v. Quebec, [1990] Q.J. No. 719 le juge Boilard , dont le jugement fut porté en appel (dont des extraits ci-dessus de la Cour d'appel du Québec ), avait, après une revue de la jurisprudence, résumé de la façon suivante la notion d'entrave:

¶ 24 Il y aura entrave d'un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions si quelqu'un pose à son endroit un geste volontaire sachant ou prévoyant que cette action aura pour effet de nuire à l'exécution du travail policier ou de le rendre plus difficile, peu importe que le contravenant réussisse son entreprise et quelle que soit sa motivation véritable. (…)

Cette définition nous semble conserver son à-propos sous réserve évidemment de la nuance que la majorité de la Cour d'appel y a apportée comme nous l'avons vu ci-dessus en distinguant les actes des omissions.

[13] Notons également que dans l'arrêt R. c. Whitfield (précité), les juges Hall et Spence dissidents ne sont pas contredits par la majorité relativement aux parties que nous soulignons :

¶ 18 Dans la présente affaire l'agent Kerr avait, d'après la loi, le droit et le devoir de mettre Whitfield en état d'arrestation. Il n'y a aucun doute quant au fait qu'un mandat d'arrêt avait été lancé et que la tentative de Kerr d'arrêter Whitfield était justifiée légalement. (…) Si la personne s'échappe et n'est pas réellement détenue, on ne peut la considérer comme ayant été sous garde légale, mais cela ne signifie pas qu'elle n'a commis aucune infraction. Le Parlement a édicté des dispositions très précises à cet effet. Dans un tel cas, la personne est certainement coupable en vertu de l'art. 110 (a), qui se lit comme suit:

110. Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement de deux ans, quiconque

a) volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l'exécution de son devoir ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas; ...

[14] Bien qu'à première vue l'on pourrait peut-être nous reprocher de torturer le contenu dans cette dissidence, il en ressort à tout le moins que ces deux juges considéraient, en bout d'analyse, le fait pour une personne non détenue de s'échapper comme une entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions.

[15] Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt Sharma (précité) un agent de la paix avait, dans le but d'amener M.Sharma à respecter le règlement municipal concernant les vendeurs ambulants, "ordonné" à ce dernier d'enlever ses marchandises du trottoir. Il s'agissait de déterminer entre autres si le défaut de ce vendeur ambulant d'obtempérer à "l'ordre" dudit agent constituait une entrave au travail de l'agent de police justifiant par le fait même le droit de procéder à son arrestation pour entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. La Cour décida que l'agent n'avait pas le pouvoir, en common law ou en vertu de la loi provinciale, d'arrêter l'appelant pour refus d'obtempérer à " l'ordre" de mettre fin au comportement interdit par le règlement, et de plus qu'il ne pouvait pas contourner l'absence de pouvoir d'arrestation en l'accusant d'entrave. Bien que les faits et la situation juridique dans l'affaire Sharma s'éloigne quelque peu de ceux de la présente affaire, il nous semble quand même opportun d'en paraphraser le passage suivant :

¶ 33(…) La législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power) comme consistant à donner des contraventions aux contrevenants, et l'appelant n'a pas gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction (this duty).

Dans le présent dossier, contrairement au seul pouvoir d'émettre une contravention mentionné dans l'arrêt Sharma, la législature a défini le pouvoir d'application de la loi (the enforcement power )comme consistant non seulement à donner des contraventions aux contrevenants, mais également à procéder à leur arrestation, et l'accusé a gêné l'agent de police dans l'exercice de cette fonction(this duty).

[16] Enfin et cette fois-ci de façon plus pointu, dans R.v. Burdette, Man. Co.ct., (1983), 23 Man. R.(2d) 154, le résumé se lit comme suit:

This was an appeal by the Crown from the accused's acquittal on charges of obstructing a peace officer in the execution of his duty contrary to s. 118(a) of the Criminal Code (…) A police constable had observed the accused standing beside a vehicle at a drive-in theatre holding a can in his hand. Complaints had been made that people were drinking alcoholic beverages while attending the drive-in. When the constable got out of his patrol car and began approaching the accused, the latter ran away spilling the contents of the can as he ran and ignoring the constable's order to stop. The empty can was dropped by the accused and observed by the constable to be labelled "Pabst Blue Ribbon Beer". (..) HELD: The appeal with respect to the charge under s. 118(a) was allowed; Under s. 243(1) of the Liquor Control Act, the constable was authorized to arrest without warrant any person whom he believed on reasonable and probable grounds to be committing an infraction of the Act. In this case, the constable had reasonable and probable grounds to believe the accused was unlawfully consuming beer. In running away, in refusing to stop when yelled at by the constable "Stop, Police" and by wilfully spilling the contents of the can as he ran, the accused was purposely, wilfully and intentionally obstructing the lawful execution of the constable's duty.

[17] Et au par. 16 du jugement :

In this court's opinion anything done or even said by a suspect at the outset of an investigation being properly and lawfully made on reasonable and probable grounds, which indicates a deliberate or wilful intention to interfere or hamper a peace officer in the lawfull performance of his sworn duty is what the Code section in question is all about.

[18] Appliquant ces concepts aux faits du présent dossier, il est évident que l'action de continuer de courir malgré l'ordre d'arrêter donné par le policier a rendu le processus d'arrestation plus difficile. L'actus reus est donc prouvé. Mais qu'en est-il de la preuve de la mens rea.

B. Mens rea

[19] L'accusé n'était pas encore en état d'arrestation puisqu'aucune arrestation n'avait encore eu lieu et puisque l'accusé n'obtempérait pas à l'ordre d'arrêter. Par contre sachant que l'ordre s'adressait à lui l'accusé ne pouvait faire fi de cet ordre sans risquer de commettre une entrave advenant que le policier ait été dans l'exécution de ses fonctions. C'est le risque que prend tout citoyen qui ne s'arrête pas pour à tout le moins dissiper le doute qu'il ne peut qu'avoir eu dans les circonstances particulières du cas d'espèce. À cet effet, nous retenons les propos du juge Wood tenu en 1995 au nom de la Cour d'appel de Colombie-Britannique dans l'arrêt Regina v. Noel, 101 C.C.C. (3d) 183, :

21. However, this does not mean that the intention to obstruct must be tied to a specifically defined duty. In my view, it is sufficient that a person who is charged with an offence under s. 129(a) was aware or knew at the time of the obstructive conduct that the peace officer was engaged in the execution of a duty, whatever that duty may have been. In most cases where the intent to obstruct arises it will be in connection with an obvious duty which the officer is executing. But an intention to obstruct a peace officer engaged in the execution of his duty, even though the specifics of that duty are not known to the accused in every detail, will suffice to incur liability under the section.

[20] Dans la même veine, bien que par analogie seulement, retenons également les propos du juge Laskin ( Laskin, Spence et Dickson) (dissidents mais non contredit par la majorité relativement aux parties que nous soulignons) dans l'arrêt R.c.Biron (précité) :

14 (…) Notre droit n'a pas, comme je le comprends, privé le citoyen de son droit de résister à une arrestation illégale. Sa résistance peut s'effectuer à ses propres risques si l'arrestation s'avère légale, mais il faut que le policier accepte également la possibilité d'avoir procédé à une arrestation légale. Bien sûr, même si l'arrestation à laquelle une personne résiste est illégale, la personne qui résiste peut encore être déclarée coupable si elle emploie une force excessive.

[21] Bien que dans le cas en l'espèce l'action de courir ne constitue pas à proprement parler une "résistance" mais plutôt une action de nature à entraver le policier dans l'exercice de son pouvoir d'arrestation, donc d'une "entrave", par analogie avec les propos (soulignés) du juge Laskin, nous pouvons dire que c'est à ses propres risques si l'ordre s'avère légal que l'accusé continue de courir. Ce risque est celui de l'accusation d'entrave au terme de l'art. 129(a) du Code criminel.

[22] Toujours dans la même veine, retenons également les propos du juge LeDain dans l'arrêt R. c. Therens 1985 CanLII 29 (C.S.C.), [1985] 1 R.C.S. 613; ces propos ont été maintes fois cité avec approbation en matière de "détention psychologique" mais ce sont nos soulignements sur lesquels nous désirons ici porter l'attention:

¶ 53 Bien que cela ne soit pas strictement nécessaire aux fins du présent litige, j'irais encore plus loin. À mon avis, il est, en règle générale, irréaliste de considérer l'obéissance à une sommation ou à un ordre d'un policier comme un acte réellement volontaire en ce sens que l'intéressé se sent libre d'obéir ou de désobéir, même lorsque la sommation ou l'ordre en question n'est autorisé ni par la loi ni par la common law, et que, par conséquent, le refus d'y obtempérer n'entraîne aucune responsabilité criminelle. La plupart des citoyens ne connaissent pas très exactement les limites que la loi impose aux pouvoirs de la police. Plutôt que de s'exposer à l'usage de la force physique ou à des poursuites pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir, il est probable que la personne raisonnable péchera par excès de prudence (to err on the side of caution) et obtempérera à la sommation en présumant qu'elle est légale.

[23] Il nous semble s'inférer des passages soulignés que tout choix par un citoyen de ne pas obtempérer à un ordre venant d'un policier entraîne un risque de poursuite pour avoir volontairement entravé la police dans l'exécution de son devoir advenant que l'ordre ait été légal. Nous ajouterions à cette notion de risque que l'imprudence dont ferait preuve un citoyen face à un tel ordre pourra, selon l'ensemble de toutes les circonstances du cas d'espèce, s'élever au niveau de l'aveuglement volontaire, niveau qui selon nous établirait le degré de culpabilité morale suffisant pour entraîner une déclaration de culpabilité.

[24] La dernière question que nous désirons aborder et qui est subsidiaire au dernier point traité est la suffisance de l'ordre d'arrêter tel que donné dans les circonstances de la présente affaire. Nous croyons important d'apporter un nuance quant au degré de suffisance que doit revêtir un ordre d'arrêter avant d'être susceptible de permettre au tribunal de conclure à tout le moins à aveuglement volontaire de la part du citoyen qui n'y obtempère pas. En effet le citoyen qui reçoit un ordre de s'arrêter n'a pas à obéir aveuglément à cet ordre tant que le policier n'a pas motivé cet ordre (et nous ne référons pas ici au domaine très particulier qui est régi par le Code de sécurité routière ou relié à la conduite automobile). En effet comment pourrions nous réconcilier que les règles en matière d'ordre d'arrêter puisse être substantiellement différentes de celles qui s'appliquent au volet informationnel en matière d'arrestation? Or aux termes de l'arrêt R. c. Evans 1991 CanLII 98 (C.S.C.), [1991] 1 R.C.S. 869, la juge McLachlin traitant de l'art. 10(a) de la Charte Canadienne disait ceci à propos du processus d'arrestation:

¶ 31 Le droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation énoncé à l'al. 10a) de la Charte découle fondamentalement de la notion que personne n'est tenu de se soumettre à une arrestation dont il ne connaît pas le motif: R. v. Kelly reflex, (1985), 17 C.C.C. (3d) 419 (C.A. Ont.), à la p. 424.

[25] Quant au juge Sopinka, il disait ceci :

¶ 2 Les alinéas 10a) et b) énoncent des droits fondamentaux garantis à une personne arrêtée ou détenue. Les directives aux autorités qu'ils comportent sont relativement simples. Dans chaque cas, la personne détenue a le droit d'être "informée". Pour ce qui est de l'al. 10a), l'information porte sur les motifs de l'arrestation ou de la détention. Le droit d'être informé des motifs réels de l'arrestation et de la détention est fermement ancré dans la common law qui exige que suffisamment de détails soient donnés au détenu pour qu'il [TRADUCTION] "connaisse l'essentiel du motif que l'on fait valoir pour imposer sa détention" (Christie v. Leachinsky, [1947] A.C. 573, aux pp. 587 et 588). En cas d'arrestation faite conformément à un mandat, les informations sont énoncées dans le mandat. Une arrestation sans mandat n'est légale que si l'information qui aurait figuré dans le mandat est transmise verbalement.

[26] Quant à l'arrêt Kelly auquel référait la juge McLachlin:

[page424] .. the s. 10(a) statement, which is really part of the arresting process itself..

[27] Ne serait-il pas incongru et profondément injuste qu'un citoyen soit susceptible d'être trouvé coupable d'entrave à un agent de la paix pour avoir refusé d'obtempérer à un ordre non motivé de s'arrêter alors que ce même citoyen aurait le droit de résister à l'arrestation si le policier ne la motivait pas? À ce titre nous faisons nôtres la préoccupation dont faisait part le juge Curtis dans l'arrêt R. v. Marchand [1993] B.C.J. No. 2473,

¶ 3 The three constables approached the men on the side walk. Constable Myhre produced his badge, and identified himself as a police officer. He said they were investigating a fight that had apparently just occurred in the Columbus bar, asked them for their names and to relate what had happened inside the bar. Mr. Marchand's companion complied with the request and was allowed to go. Mr. Marchand however told Constable Myhre to "fuck off" and refused to identify himself. He was quite intoxicated.

¶ 4 Constable Myhre testified at trial: "I gave him several chances to identify himself and explain the fact that there had been a fight, that he was drunk and that essentially any second now he was going to have to spend the night in city cells unless he was to identify himself".

¶ 12 (…) Constable Myhre did not testify that he thought he had reasonable and probable grounds to believe Mr. Marchand had committed the offence of causing a disturbance by fighting. Furthermore, Constable Myhre did not tell Mr. Marchand that he had reasonable and probable grounds to believe he had committed the offence of causing a disturbance by fighting before he asked him to identify himself, rather he told him they were investigating a fight. The difference is significant because the person who has just been seen committing an offence may be taken to be aware of his jeopardy and the nature of the police inquiry, while a person in Mr. Marchand's position, may not know that he is reasonably believed to have committed an offence, and thus may not appreciate the compelling nature of the demand for their identify. The facts do not show that Mr. Marchand caused a disturbance by fighting, possibly he did not, and in those circumstances he may well have felt justified in refusing to identify himself.

[28] Nous utilisons cet exemple non pas pour en dégager des principes en matière d'obligation de s'identifier mais plutôt pour illustrer l'interrelation entre l'approche qu'adopte un policier et l'absence de mens rea vu le vide laissé par le policier quant au volet informationnel relatif à la détention.

[29] Dans un arrêt inédit récemment rendu dans le district de Maniwaki, nous avons eu à décider d'un cas analogue à la problématique que nous soulevons ici. Suite à un appel 911 pour violence conjugale, les policiers se sont rendus au domicile d'où originait l'appel. Une fois entrés dans la résidence, ils voient au salon regardant la télévision l'accusé, son épouse (victime allégué lors de l'appel 911) et un enfant. Après quelques réponses de l'épouse à l'effet que tout allait bien et les intimant de partir, l'un des policiers bien "innocemment" invita l'accusé à discuter à l'extérieur de la maison; c'était là un stratagème pour que le deuxième policier puisse parler plus librement avec la conjointe. Après quelques minutes de conversation entre l'accusé et le premier policier à l'extérieur de la maison, l'accusé dit au policier qui semblait mettre en doute sa version de la soirée: "entrons dans la maison et ma conjointe te confirmera mes dire!" Le policier sans plus s'interposa et indiqua à l'accusé qu'il ne pouvait retourner dans la maison. L'accusé persista à vouloir retourner dans son domicile et l'échauffourée s'ensuivit d'où des accusations de voies de fait sur un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions. Le policier n'avait pas pris la peine, alors qu'il aurait pu le faire, d'expliquer à l'accusé que la raison pour laquelle il exigeait que ce dernier demeure dehors était pour leur permettre de terminer leur enquête sur le 911 en parlant privément à la conjointe; l'eut-il expliqué, nous n'aurions eu aucune difficulté non seulement à conclure (nous inspirant du test de l'arrêt Waterfield reconnu entre autres dans l'arrêt Godoy 1999 CanLII 709 (C.S.C.), [1999] 1 R.C.S. 311) que le policier avait le pouvoir de retenir temporairement l'accusé hors du domicile tout comme nous n'aurions alors eu aucune difficulté à conclure que l'accusé qui connaissait le motif de la décision du policier commettait une entrave au travail du policier s'il avait persisté à entrer immédiatement.

[30] Ceci étant dit, nous sommes d'opinion que lorsque la raison pour laquelle le policier n'a pas motivé son arrestation ou son ordre d'arrêter (ou tout autre sorte d'ordre) résulte du comportement de l'accusé lui-même, le tribunal peut selon les circonstances de l'espèce conclure à aveuglement volontaire de la part de l'accusé et en conséquence ne pas retenir ce moyen de défense. Par exemple bien qu'il soit vrai qu'un policier doit donner au citoyen les motifs de son arrestation, le citoyen qui par son comportement trop belliqueux empêche véritablement le policier de lui exprimer les motifs d'arrestation ne pourrait pas (tout dépendant évidemment encore une fois de toutes les circonstances de l'espèce) en même temps plaider qu'il avait le droit de résister à l'arrestation pour le seul motif qu'il n'avait pas été informé des motifs de la dite arrestation.

[31] Dans l'ensemble des circonstances du cas en l'espèce, l'action de continuer de courir après avoir entendu les paroles "Police, arrêtez! Police, stop!" établit hors de tout doute raisonnable autant l'actus reus que la mens rea de l'infraction d'entrave à un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions et ce même si la preuve présentée au procès n'a pas établi hors de tout doute raisonnable que le véhicule avait été volé, pas plus que l'accusé ne savait quelle infraction précise le policier enquêtait.

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