mercredi 2 décembre 2009

L'infraction d'entrave

R. c. Streel, 2006 CanLII 59092 (QC C.M.)

L'infraction d'entrave

[70] Il existe une abondante jurisprudence en matière d'entrave en contravention de l'article 129a) du Code criminel. Ces jugements reconnaissent que les éléments essentiels d'une infraction d'entrave sont les suivants :

1- Le geste posé constitue un geste d'entrave.

2- Le geste est posé à l'égard d'un agent de la paix, alors que celui-ci agit dans l'exécution de ses fonctions.

3- Le geste doit être posé volontairement.

(Vigneault c. R., C.S., REJB 2001-41674, par. 32, confirmée par la Cour d'appel, REJB 2002-41673; R. c. Rousseau, [1982] C.S. 461, p. 463; R. c. McKerness, C.S.P., J.E. 1983-290; R. c. Poulin, C.M., REJB 2000-16138, par. 6; R. c. Jones, C.M., [1995] J.Q. no 2668, par. 8; R. c. Kirsh, C.M., J.E. 1995-545).

Un geste d'entrave

[71] Un geste d'entrave est commis lorsque le comportement d'un individu gêne, nuit ou rend plus difficile l'accomplissement du devoir du policier (Rousseau, précitée, p. 463; R. c. Hudon, [2003] J.Q. no 17721, par. 90 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14).

[72] Lorsque l'entrave reprochée consiste dans le fait d'avoir omis de se conformer à une demande ou à un ordre d'un policier, il doit, pour qu'il y ait entrave, exister une obligation légale pour cette personne de se conformer à cet ordre (Moore c. R., 1978 CanLII 160 (C.S.C.), [1979] 1 R.C.S. 195, p. 206 et 210; Lavin c. R., 1992 CanLII 3337 (QC C.A.), [1992] R.J.Q. 1843 (C.A.), p. 1845; R. c. Guthrie, (1982) 28 C.R. (3d) 395, p. 400 (C.A. Alb.); R. c. Rosehart, REJB 2003-39219, par. 8 et 9 (C.Q.)).

Un agent de la paix agissant dans l'exercice de ses fonctions

[73] Lorsque le policier est en uniforme et qu'il se trouve dans une auto-patrouille identifiée, la première partie de cette condition est facilement satisfaite. De toute évidence, il s'agit d'un agent de la paix.

[74] La notion relative à « l'exercice de la fonction » est plus complexe.

[75] Il faut distinguer entre le fait d'être « en devoir » et le fait d'être « dans l'exécution d'une fonction ». Le policier est dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il exerce un devoir ou un pouvoir que lui confère la loi. Ce sont les circonstances de chaque affaire qui permettent de déterminer si cette condition est rencontrée (R. c. Noël, 1995 CanLII 1105 (BC C.A.), (1995) 101 C.C.C. (3d) 183, p. 189 (C.A. C.-B.); Rousseau, précitée, p. 463; Hudon, précitée, par. 90; Poulin, précitée, par. 6).

[76] Dans le cadre des devoirs que leur impose la loi, les policiers ont cependant des pouvoirs limités. Ils n'agissent légalement que lorsque leurs gestes sont autorisés par la loi ou reconnus par la common law, et dans la mesure où ces pouvoirs sont exercés de façon justifiée (Dedman c. R., 1985 CanLII 41 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 2, p. 28, 29 et 33; Noël, précitée, p. 189; R. c. Houle, reflex, (1986) 24 C.C.C. (3d) 57, p. 59 (C.A. Alb.)).

[77] Ainsi, pour qu'il y ait entrave, le policier doit agir légalement dans le cadre de l'exécution de l’un de ses pouvoirs. Pour agir légalement, le policier doit être autorisé par la loi à poser le geste qu'il pose ou à donner l'ordre qu'il intime (R. c. Gagné, 1987 CanLII 508 (QC C.A.), [1987] R.J.Q. 1008, p. 1014 (C.A.), confirmée par la Cour suprême du Canada, [1989] 1 R.C.S. 1534; R. c. Albert, J.E. 2003-1374, par. 25 (C.Q.); Jones, précitée, par. 14 et 15).

[78] Lorsque le policier n'a pas le pouvoir de requérir d'un citoyen qu'il se conforme à son ordre, le policier outrepasse ses pouvoirs. Le policier n'est alors plus considéré comme étant dans l'exécution de ses fonctions (Royer c. R., J.E. 1998-966 (C.A.); Poulin, précitée, par. 10 et 13; R. c. Desilets, J.E. 1996-2109 (C.M.)).

[79] Par conséquent, lorsqu’un policier doit fournir à un suspect les motifs de son intervention pour obliger cette dernière à obéir à son ordre, cette personne n’est pas tenue de s’y soumettre si le policier ne lui en dénonce pas les motifs. Dans ce cas, le non-respect de cette obligation d'information par le policier peut l'entraîner hors du cadre de ses fonctions. Cette absence d'information peut de plus influer sur l'intention de la personne, lorsque l'intention est requise (Rosehart, précitée, par. 31). L'absence d'information peut également servir de justification ou permettre de prétendre à une erreur de fait.

[80] Ainsi, une personne qui n'est pas informée qu'elle est arrêtée, peut prétendre, avec raison, qu'elle n'a pas à se conformer à l'ordre d'un policier de cesser de courir ou de circuler. En l'absence d'obligation imposée à une personne d'arrêter de circuler lorsque requise de le faire par les policiers, cette personne peut décider de ne pas se plier à la demande des policiers (Albert, précitée). Par conséquent, le défaut par une personne de s'arrêter de courir sur l'ordre d'un policier peut ou non, selon les circonstances, constituer une entrave selon que l'ordre est motivé et que la personne est informée des motifs d'intervention du policier (Rosehart, précitée, par. 27 et 34).

Les droits individuels

[81] Lorsque des représentants de l'État exercent leurs pouvoirs à l'égard de citoyens, ces pouvoirs sont toujours confrontés aux droits et libertés des personnes. La loi fait une nette distinction entre les devoirs des policiers et les pouvoirs que ceux-ci exercent à cette fin et les obligations des personnes qu'ils abordent. Tel que déjà mentionnée, la loi doit obliger une personne à se conformer aux ordres des policiers pour qu'elle ait l'obligation de s'y plier (Guthrie, précitée, p. 398-399). Sans cette obligation, il ne peut y avoir entrave aux pouvoirs des policiers (Jones, précitée, par. 19).

Le caractère volontaire du comportement

[82] L'infraction prévue à l'article 129a) en est une d'intention générale. Cette intention doit cependant être en relation avec le but de nuire au pouvoir du policier (R. c. E.(C.), REJB 1998-09569 (C.A.); R. c. Gunn, reflex, (1997) 6 C.R. (5th) 405 (C.A. Alb.)).

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