R. c. Moquin, 2002 CanLII 23673 (QC C.Q.)
[390] Pour les fins des éléments de droit pertinents aux infractions contre la propriété, le Tribunal s'est référé au volume de Jacques Gagné et Pierre Rainville intitulé «Les infractions contre la propriété: le vol, la fraude et certains crimes connexes» publié aux Éditions Yvon Blais Inc. Reprenant les éléments essentiels de ces infractions, ceux-ci font référence à la jurisprudence pertinente en la matière. Le Tribunal tient compte également de deux arrêts d'importance en la matière soit Robert Théroux c. La Reine et Zoran Zlatic c. La Reine où l'on y retrouve une étude des éléments essentiels de la fraude. Il m'apparaît important de reproduire certains extraits du volume de ces auteurs ayant une certaine pertinence dans la solution des litiges.
Les tribunaux accordent le droit à l'erreur en matière de droit privé mais se montrent inflexibles en ce qui a trait à l'ignorance du droit criminel. L'accusé dont la mens rea a été prouvée sera condamné malgré son ignorance de l'existence ou de la portée de l'article 380 (1) C.cr.
…l'objection d'un taux d'intérêt criminel ou encore la fraude commise par un fonctionnaire.
Le défaut de l'accusé de constater que son comportement est prohibé ne lui est d'aucun secours. P. 343.
La croyance de l'accusé en l'honnêteté de son comportement ne lui est d'aucun secours. Que sa conduite lui soit parue honnête à ses yeux est sans importance.
[…] le fraudeur ne sera pas acquitté pour le motif qu'il croyait que ce qu'il faisait était honnête. Le sentiment personnel de l'accusé à l'égard du caractère moral ou honnête de l'acte ou de ses conséquences n'est pas plus pertinent […] que ne l'est la conscience de l'accusé que les actes commis constituent une infraction criminelle. […] Bien que l'expression «autre moyen dolosif» ait été généralement définie comme un moyen «malhonnête», il n'est pas nécessaire qu'un accusé considère personnellement que ce moyen est malhonnête pour être déclaré coupable de fraude pour y avoir eu recours. P. 344.
Le prévenu ne peut tirer profit de son ignorance des normes de droiture en vigueur au sein de la société.
La mens rea porte sur des faits et non pas sur la qualification juridique de ces faits.
Le droit criminel ne s'intéresse pas aux jugements de valeur de l'inculpé mais bien à sa connaissance des faits à l'origine de l'infraction. Ce sont les connaissances factuelles de l'accusé qui déterminent sa culpabilité et non pas ses connaissance morales. P. 345.
Le droit criminel ne s'intéresse aux connaissances morales du prévenu qu'au stade de l'examen de sa capacité mentale.
La règle énoncée dans l'arrêt Théroux s'accorde avec deux autres principes cardinaux du droit pénal: a) il est interdit à un individu d'ériger son propre système de valeurs en loi; b) l'examen des connaissances morales de l'accusé ne peut se faire que dans le cadre restreint de l'étude de ses aptitudes mentales conformément à l'article 16(1) C.cr.
L'interdiction d'ériger son propre système de valeurs en loi. P. 346.
L'interdiction de tenir compte des connaissances morales de l'accusé en dehors des limites tracées par l'article 16(1) C.cr. P. 347.
L'examen du mobile de l'accusé ne fait pas partie de la mens rea.
La mens rea de l'accusé doit être évaluée indépendamment de son mobile. La conviction de l'accusé d'être animé d'un mobile louable ne lui permet pas d'être acquitté. La décision rendue dans l'arrêt Théroux se concilie parfaitement avec cette règle. Elle a pour effet d'empêcher un prévenu de plaider l'existence d'un mobile honorable (tel le désir de faire la charité) afin de justifier la fraude perpétrée.
La croyance en une justification morale ne donne pas le droit d'être acquitté d'une infraction contre la propriété.
La conviction de l'inculpé d'être moralement justifié d'agir de la sorte ne l'autorise nullement à perpétrer un vol, un vol qualifié ou encore un méfait. Les tribunaux ont toujours refusé d'assimiler justification morale et apparence de droit. La décision rendue dans l'arrêt Théroux a désormais pour effet d'étendre ce principe à l'article 380(1) C.cr. en interdisant au prévenu d'invoquer les motifs d'ordre moral l'ayant amené à croire en l'honnêteté de son comportement.
Le prévenu qui ignorait que son comportement contrevenait à la norme d'honnêteté des gens raisonnables en est quitte pour une condamnation. Son ignorance ou son erreur d'appréciation ne lui est d'aucun secours quel que soit le moyen dolosif qui lui est reproché. L'individu accusé d'avoir employé un «autre moyen dolosif» au sens de l'article 380(1) C.cr. n'a pas à constater la malhonnêteté de sa conduite. P. 349.
L'expression «délibérément malhonnête» est à proscrire. Elle est l'équivalent du critère de l'arrêt Ghosh que la Cour Suprême a explicitement rejeté dans l'affaire Théroux.
L'existence d'une pratique répandue ne permet pas d'excuser une fraude ou une autre infraction contre la propriété. L'accusé induit en erreur quant à l'honnêteté de son comportement en raison d'une pratique semblable demeure coupable. P. 350.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire