R. c. Denise Ouellette (No. 2), 2009 NBCP 32 (CanLII)
23. Au Nouveau-Brunswick, la Cour d’appel a statué qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles, tout individu qui commet un vol impliquant un bris de fiducie doit recevoir un terme carcéral : R. c. Chaulk et R. c. Steeves, précités. Le principe est énoncé au paragraphe 10 de l’arrêt Steeves :
Comme nous l'avons souligné, l'impératif de dissuasion générale éclipse toutes les autres considérations au moment de déterminer la peine d'un employé qui, pendant qu'il occupait un poste de confiance, a volé son employeur (voir l'arrêt R. c. Little (1981), 34 R.N.-B. (2e) 503 (C.A.), au paragraphe 5). Sauf circonstances exceptionnelles, la bonne application de ce principe donnera lieu à l'infliction d'une peine d'emprisonnement à purger en milieu carcéral. À ce propos, nous souscrivons entièrement à l'opinion suivante qu'a exprimée le juge Howland, juge en chef de l'Ontario, à la page 191 de l'arrêt R. c. McEachern (1978), 42 C.C.C. (2d) 189 :
[TRADUCTION]
[...] Il est de l'intérêt public que l'on fasse bien comprendre à tous et chacun qu'à moins qu'il n'existe des circonstances exceptionnelles la personne qui occupe un poste de confiance et vole son employeur doit s'attendre à être condamnée à l'emprisonnement. [...]
24. Le principe est répété dans l’arrêt Chaulk, au paragraphe 3 :
« Dans des instances de ce genre, la dissuasion générale prend le pas sur les autres préoccupations ressortissant à la détermination de la peine et, en l'absence de circonstances exceptionnelles, la personne qui commet un abus de confiance en volant son employeur doit être condamnée à une peine d'emprisonnement à purger en milieu carcéral : R. c. Steeves et Connors. »
25. Dans l’affaire Steeves et Connors, les faits dévoilent que les deux défenderesses, Mme Steeves et Mme Connors, travaillaient chez Sears depuis un certain temps. Par un stratagème de faux remboursements pendant qu’ils travaillaient au magasin, ils ont volé en total 535,39 $. Ils ont immédiatement avoué leur crime aux enquêteurs et ont plaidé coupable à l’infraction. La compagnie Sears n’a subi aucune perte monétaire. La Cour d’appel aurait infligé un terme carcéral en milieu fermé pour la période de six mois, mais compte tenu des représentations de l’agent du ministère public, a ordonné plutôt que les intimés purgent leur peine dans la collectivité.
26. Dans l’affaire Chaulk, le défendeur, âgé de 20 ans et sans antécédent judiciaire, était un employé saisonnier au rayon du jardinage du supermarché Atlantic Superstore, poste qu’il occupait depuis trois mois approximativement. Il fut l’objet d’une surveillance lorsque les cadres ont remarqué que de l’argent avait disparu durant ses quarts de travail. Après avoir été appréhendé à voler la somme de 200 $, il a avoué avoir volé à plusieurs autres reprises de ce même employeur. Le montant total des vols remontait à 4 200 $. Tout l’argent volé fut récupéré de sa résidence. Encore une fois, la Cour d’appel a jugé qu’une période carcérale de six mois était la peine qui aurait dû être infligée, mais le défendeur a évité l’emprisonnement uniquement en raison du fait que la Cour a accédé à la recommandation du ministère public voulant que le sursis lui soit accordé, lui permettant de purger sa peine au sein de la collectivité.
27. Le juge Ferguson, dans l’arrêt R. c. Larissa Wiley (2009) NBPC 11, a fait un survol des décisions publiées dans notre province dans laquelle une peine fut infligée dans les cas où un vol fut accompagné d’un abus de confiance: voir le paragraphe 34. Ce qu’il y a de plus étonnant illustré par ce résumé serait la fréquence à laquelle les tribunaux accordent un sursis à l’emprisonnement. Ce fut le cas dans la grande majorité des instances. Il serait à noter cependant que dans la plupart des cas certains éléments atténuants semblaient être présents : soit que l’accusé avait plaidé coupable, qu’il avait remboursé la somme volée, qu’il souffrait d’une dépendance quelconque, que le ministère public appuyait cette peine, que l’accusé avait avoué sa complicité au vol ou que la victime ne cherchait pas un terme carcéral.
28. Ces éléments atténuants cependant, pour la plupart, ne semblent pas constituer des « circonstances exceptionnelles » selon notre Cour d’appel. Sur ce point je cite du paragraphe 8 de l’arrêt Chaulk :
« Les tribunaux n'ont pas essayé, et cela n'a rien d'étonnant, de définir quels éléments ou caractéristiques constituent des "circonstances exceptionnelles" justifiant une sanction autre que l'incarcération. On peut toutefois affirmer sans crainte de se tromper que ces éléments se rapportent habituellement aux facteurs qui tendent à atténuer la culpabilité ou la gravité apparente de l'infraction imputée et que, plus souvent qu'autrement, ils ont à voir avec le motif qui a amené le contrevenant à commettre l'infraction. Une conclusion de "circonstances exceptionnelles" a rarement été tirée, si tant est qu'elle l'ait été, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le contrevenant est uniquement motivé par la cupidité et lorsque la malhonnêteté et l'abus de confiance s'étendent sur une période considérable. Voir en général les arrêts R. c. John (R.C.) reflex, (1995), 162 A.R. 238 (C.A.), et R. c McIvor (C.M.) (1996), 181 A.R. 397 (C.A.). Le dossier ne révèle aucune circonstance qui, compte tenu de la jurisprudence pertinente, serait susceptible de justifier une sanction autre que l'incarcération.»
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