R. c. Poupart, 2010 QCCA 1956 (CanLII)
[39] Deuxièmement, il me semble impossible d'inférer quelque intention législative que ce soit de l'examen des différentes versions de l'article 7.2 depuis l'adoption de la LCJ. Dans la première version de la Loi sur le casier judiciaire, L.C. 1970, c. 40. l'expression « déclaré coupable » (« convicted », en anglais) était utilisée à l'article 7 qui, à l'époque, ne prévoyait pas l'annulation de plein droit sans autres formalités de la réhabilitation administrative. L'expression « déclaré coupable » a été remplacée par le mot « condamné » à la suite des travaux de la Commission de révision des lois créée par la Loi sur la révision des lois, L.C. 1974, c. 20; c'est donc le terme que l'on retrouve, sans autre intervention législative, dans les Lois révisées du Canada 1985, c. 47, toujours à l'article 7, et dans la loi actuelle.
[40] Le paragraphe 7.2a) de la Loi sur le casier judiciaire a fait l'objet de quelques décisions, mais aucune ne comporte une analyse détaillée de la question.
[41] Dans R. v. Spring, (1977), 35 C.C.C. (2d) 308 (Ont. C.A.), la Cour d'appel de l'Ontario écrit, au paragraphe 5, « We treat him as [a first offender] because we think the statute gives us this direction in these circumstances ». À cette époque cependant, la LCJ ne prévoyait pas l'annulation de plein droit de la réhabilitation. Cette mesure a été adoptée en 1992. L'arrêt Spring est donc de très peu d'utilité.
[42] Dans R. v. J. D. M., 49 W.C.B. (2d) 605, 2001 B.C.S.C. 563, le juge Romilly de la Cour suprême de la Colombie-Britannique conclut à l'annulation de la réhabilitation dès que l'accusé est déclaré coupable d'une nouvelle infraction, mais sans autre explication qu'une référence générale au texte de l'article 7.2 de la Loi sur le casier judiciaire.
[43] Dans R. c. Maisonneuve, J.E. 2003-151, le juge Martin Bédard de la Cour supérieure du Québec conclut à l'annulation de la réhabilitation après que l'accusé eut été trouvé coupable de diverses infractions au terme d'un procès devant jury. Dans une sentence prononcée séance tenante le 8 mai 2002, il dit « En vertu de l'article 7.2 de la Loi sur les casiers judiciaires(sic), cette réhabilitation devient, dans les circonstances, sans effet » (paragr. 13 des motifs transcrits le 24 mai 2002).
[44] Dans R. v. Kirst, 2007 ONCJ 66 (CanLII), [2007] O. J. No 706, 2007 ONCJ 66, l'accusé avait plaidé coupable à diverses accusations à connotation sexuelle; le juge Di Giuseppe de la Court of Justice de l'Ontario écrit, aux paragraphes 2, 24 et 25 :
2 Convictions were entered on March 24th, 2006. The matter was adjourned for the preparation of a pre-sentence report. Submissions were made with respect to sentence. The matter was further adjourned to today's date for the imposition of sentence.
24 The Crown's factum accurately sets out the law as it relates to a pardon. Section 748 of the Criminal Code provides for a free or conditional pardon by the Governor in Council. The Criminal Records Act gives the National Parole Board the authority to grant administrative pardons. It was an administrative pardon that was granted to Mr. Kirst in December of 2003. Section 7 of the said Act provides for the discretionary revocation of a pardon by the Parole Board under certain circumstances. Section 7(2)(a)(i)(ii) goes further. It states that a pardon granted under this Act ceases to have any effect if the person is subsequently convicted of an offence under the Criminal Code. The Supreme Court of Canada in R. v. Therrien, 2001 SCC 35 (CanLII), (2001), 155 C.C.C. (3d) 1 confirmed that pardons granted under the Criminal Records Act are administrative in nature and do not have the same scope as a free pardon. A free pardon is essentially a retroactive acquittal.
25 On March 24th, 2006, subsequent to the granting of this pardon, Mr. Kirst was convicted of three offences under the Criminal Code. That event triggered the provisions of Section 7(2)(a) of the Criminal Records Act. As a result, the pardon granted to him on December 9th, 2003 ceases to be of any effect and Mr. Kirst's criminal record constitutes a relevant factor for the purposes of sentencing.
[45] Dans Sa Majesté la Reine c. Jean-Miville Bois, 2010 QCCQ 4292 (CanLII), [2010] J.Q. no 4906, 2010 QCCQ 4292, dans une décision prononcée le 26 mai 2010, le juge Pierre Bélisle de la Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale, écrit, au paragraphe 30 de la sentence, « la réhabilitation dont il a bénéficié en 2004 n'est toutefois pas pertinente aux fins de la détermination de la peine puisque la présente déclaration de culpabilité en entraîne la nullité (art. 7.2a)1) L.C.J.) ». Cette décision a été portée en appel (C.A. Montréal 500-10-004706-105); dans sa requête pour autorisation d'interjeter appel de la peine, le requérant soulève divers moyens d'appel dont l'un concerne, comme en l'espèce, l'interprétation et l'application de l'article 7.2 de la Loi sur le casier judiciaire.
[46] À mon avis, le mot « condamné » au paragraphe 7.2a) LCJ a le sens de « déclaré coupable ». Ainsi, le réhabilité qui, comme en l'espèce, plaide coupable à l'accusation portée contre lui, reconnaît les circonstances du crime et consent à ce que l'audition relative à la détermination de la peine soit reportée à plus tard, est « condamné » au sens du paragraphe 7.2a) de la Loi sur le casier judiciaire. Il en va de même du réhabilité qui, au terme de son procès, est déclaré coupable d'une infraction au Code criminel. En somme, le réhabilité qui est « déclaré coupable » d'une infraction au Code criminel, au terme de son procès ou après avoir plaidé coupable, perd automatiquement et immédiatement le bénéfice de la réhabilitation administrative dont il jouissait.
[47] La méthode moderne d'interprétation législative exige de l'interprète qu'il lise « les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur » (Bell Express Vu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, paragr. 26). Or, il me semblerait contraire à l'objet de la LCJ, et plus particulièrement de ses dispositions relatives à l'annulation de plein droit de la réhabilitation administrative, que le juge chargé de déterminer la peine ne puisse considérer que le crime dont l'accusé se reconnaît coupable constitue une récidive au motif que l'accusé n'a pas encore été « condamné », ce qui sera le cas dès le prononcé de la peine.
[48] Il me semblerait incongru qu'en matière de détermination de la peine, le premier crime dont un réhabilité se reconnaît coupable après sa réhabilitation administrative ne puisse être pris en compte que si, dans l'avenir, il est déclaré coupable d'un second crime. Il aurait donc droit en quelque sorte à un « crime gratuit », un crime sans conséquence au niveau de la détermination de la peine.
[49] Il me semblerait inconcevable que les effets de l'inconduite dont le réhabilité est déclaré coupable soient reportés dans le temps, à la prochaine inconduite. Le juge serait ainsi placé dans la situation inconfortable de déterminer la peine en fonction d'un portrait inexact – et qu'il sait inexact – du contrevenant, ce dernier étant un récidiviste et non un « first offender » et ne méritant plus le bénéfice de la réhabilitation administrative en raison de son inconduite récente.
[50] Dans l'arrêt Therrien (Re), précité, le juge Gonthier écrit que les renseignements contenus au casier judiciaire de la personne réhabilitée ne sont pas détruits, mais simplement mis à l'écart et qu'« ils risquent de ressurgir advenant une nouvelle inconduite » de sa part (au paragr. 116).
[51] L'inconduite du réhabilité ne fait pas de doute à compter du moment où il est déclaré coupable du crime reproché.
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