vendredi 5 novembre 2010

Il peut ne pas avoir d’obligation de divulgation de sa séropositivité dans certaines circonstances en cas de relations sexuelles

Résumé d'une décision de la Cour d’appel du Manitoba par Le Réseau juridique canadien VIH/sida

R. v. Mabior, 2010 MBCA 93

Pour qu’une personne soit déclarée coupable de voies de fait ou d’agression (sexuelle) (grave(s)) pour n’avoir pas divulgué sa séropositivité au VIH, le risque de transmission du VIH doit avoir été important.
Sur la base des faits ainsi que des preuves médicales présentés dans cette affaire, la Cour d’appel a conclu que si un condom a été utilisé de manière prudente ou si la charge virale de l’accusé était indétectable, l’acte ne comportait pas de risque important de transmission du VIH. Par conséquent, il n’y avait pas d’obligation de divulgation de la séropositivité dans ces circonstances. L’appelant, qui en première instance avait été déclaré coupable de six chefs d’accusation d’agression sexuelle grave en raison de la non-divulgation de sa séropositivité au VIH, a été acquitté sur quatre de ces chefs parce qu’il avait porté un condom de manière prudente ou que sa charge virale était indétectable.

Depuis la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Cuerrier, une
personne qui vit avec le VIH peut être déclarée coupable de voies de fait ou d’agression sexuelle (grave(s)) pour ne pas avoir divulgué sa séropositivité à un partenaire avant une activité comportant un risque important de transmission du VIH.

La Cour d’appel a refusé de suivre le raisonnement du juge de première instance et de la Couronne, et a affirmé très clairement que le test établi dans l’arrêt Cuerrier n’est pas un test de « risque nul », mais requiert la présence d’un risque important. La Cour a de plus expliqué qu’ [TRADUCTION :] un « risque important est quelque chose d’autre qu’un risque ordinaire. Cela signifie un risque significatif, sérieux, substantiel. »

La Cour d’appel a aussi affirmé que [TRADUCTIONS :] « les évaluations légales du
risque, dans ce domaine, devraient être compatibles avec les études médicales
disponibles» et a reconnu que « [l]’application du critère juridique établi dans l’arrêt Cuerrier doit évoluer pour tenir compte des développements scientifiques en matière de traitement du VIH ».

En conséquence, la Cour a jugé que l’utilisation prudente d’un condom OU une charge
virale indétectable peut réduire le risque en dessous du seuil de « risque important ».

Conformément à ces considérations, Mabior a été acquitté de quatre chefs d’accusation lorsqu’il portait un condom de manière prudente mais que sa charge virale n’était pas indétectable, OU qu’il avait une charge virale indétectable mais ne portait pas de condom.

La Cour a fait preuve d’une grande prudence. Elle a refusé de faire une déclaration
générale à l’effet que le port d’un condom ou une charge virale indétectable écarterait automatiquement la responsabilité criminelle. Cette considération dépendra des faits de l’espèce et de la preuve médicale présentée dans chaque affaire. Notamment, il demeure possible pour la Couronne de prouver que des facteurs additionnels ont augmenté le risque de transmission dans une affaire donnée (p. ex., que le condom n’a pas été utilisé de manière prudente ou constante, ou que l’accusé était atteint d’une autre infection transmissible sexuellement au moment de la relation sexuelle en question et que cette infection a pu occasionner un pic de la charge virale), ou de présenter des preuves médicales qui démontreraient qu’il y avait un risque important de transmission.

Par ailleurs, selon la Cour, si le condom se déchire la personne séropositive au VIH a l’obligation de dévoiler sa séropositivité au partenaire sexuel même si la pénétration sexuelle est alors interrompue. La Cour se préoccupait d’assurer au partenaire exposé l’accès au traitement prophylactique post-exposition. Cependant, nous sommes d’avis, qu’à la lecture de cette décision, il ne devrait pas y avoir obligation de divulgation si la charge virale de la personne était indétectable et qu’il n’y avait pas de facteur additionnel d’augmentation du risque de transmission lorsque le condom s’est rompu.

Un autre aspect intéressant de la décision est que la Cour d’appel a reconnu que
l’infection au VIH a changé de caractère depuis que des traitements sont disponibles. Il ne s’agit plus d’un arrêt de mort. La Cour continue de considérer que la transmission du VIH constitue une lésion corporelle grave au sens du droit criminel. Cependant, elle a remis en question le fait qu’exposer une personne à un risque important d’infection par le VIH reviendrait forcément à « mettre en danger » la vie de cette personne. Or une agression sexuelle ou des voies de fait ne seront aggravées (constituant un délit qui emporte une peine maximale plus sévère) que si la conduite de l’accusé a mis en danger la vie d’autrui. La Cour d’appel n’était pas appelée à trancher cette question. Par conséquent, cette partie de l’arrêt n’est qu’une remarque incidente (obiter dictum). Cela démontre toutefois que la Cour a pris en considération l’évolution de la maladie dans sa réflexion sur l’application de certaines dispositions criminelles à la non-divulgation du VIH.

Tiré du site Le Réseau juridique canadien VIH/sida
http://www.aidslaw.ca/publications/publicationsdocFR.php?ref=1125

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