mercredi 4 avril 2012

L'accusé ne peut être interrogé au sujet d'une infraction pour laquelle il a bénéficié d'une absolution

R. c. Deyardin, 1997 CanLII 9988 (QC CA)

Lien vers la décision

Si tant est que l'interrogatoire ait été tenu dans le cadre de l'art. 12 de la Loi sur la preuve au Canada, l'appelant a entièrement raison. En effet, le ministère public est autorisé, dans ce cadre légal, à amenuiser la crédibilité de l'accusé en établissant ses condamnations antérieures à moins que le juge du procès n'estime, dans l'exercice de sa discrétion, que le droit à un procès équitable serait véritablement compromis par la présentation de cette preuve des méfaits antérieurs (R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (CSC), [1988] 1 R.C.S. 670; R. c. Patrick 1994 CanLII 6250 (QC CA), (1995), 94 C.C.C. (3d) 571 (C.A.Q.). Toutefois, l'accusé ne peut être interrogé au sujet d'une infraction pour laquelle il a bénéficié d'une absolution inconditionnelle ou sous conditions puisqu'il est réputé ne pas avoir été condamné à l'égard de cette infraction par l'effet du par. 736 (3) C.cr. (devenu par. 730(3) dans L.C. 1995, c.22 art.6) qui se lit ainsi:

C'est l'interprétation jurisprudentielle qui a été dégagée, depuis 1982, par la Cour d'appel d'Ontario dans R. c. Danson reflex, (1982), 66 C.C.C. (2d) 369 (C.A.O.) et avalisée par la Cour suprême du Canada dans R. c. Corbett, précité, lorsque le juge Lamer écrit, aux pages 696 et 697:

... À moins que l'accusé ne témoigne lui-même, il est interdit au ministère public de produire une preuve de ses condamnations antérieures, même si l'accusé a mis en doute la bonne moralité de certains témoins à charge: R. v. Butterwasser, [1948] 1 K.B. 4 (C.C.A.). Il a été décidé en outre qu'un accusé ne peut être contre-interrogé que relativement à ses «condamnations» au sens strict et qu'aucun contre-interrogatoire n'est possible lorsque l'accusé, après avoir été reconnu coupable, s'est vu accorder une libération conditionnelle et qu'il a par la suite rempli les conditions de cette libération: R. v. Danson (1982), 66 C.C.C. 92d) 369 (C.A. Ont.).

Cependant, l'expression «condamnation antérieure» de l'art. 666 C.cr. doit recevoir, aux fins de l'admissibilité des antécédents, la même interprétation que les termes «déclaration de culpabilité» contenus à l'art. 12 de la Loi sur la preuve au Canada surtout que la disposition interprétative concernant l'absolution ressort nommément du Code criminel (par. 736 (3)). Conséquemment, une infraction ayant fait l'objet d'une absolution inconditionnelle ou sous conditions ne constitue pas, non plus, un antécédent judiciaire au sens de l'art. 666 C.cr.

On pourrait, par un exercice d'exégèse juridique, nuancer la portée de l'art. 730 C.cr. en distinguant les deux étapes qui conduisent à la détermination de l'absolution soit 1) être reconnu coupable (found guilty) puis 2) être absous au lieu d'être condamné ou déclaré coupable (convicted). Ni l'art. 666 C.cr. ni l'art 12 de la Loi sur la preuve au Canada ne visent la reconnaissance de culpabilité mais plutôt la condamnation ou la déclaration de culpabilité. On sait, en l'espèce, que la question de l'avocat du ministère public était: «... avez-vous été reconnu coupable de voies de fait?». Toutefois, si la distinction juridique est intéressante et procède d'une logique certaine, quoique didactique, il est peu probable que le jury la percevrait clairement tant l'assimilation de ces notions appartient au langage courant et ressort même, parfois, de l'information judiciaire. De surcroît, l'autorisation de cette question, dans le contexte du par. 736(3) C.cr., engendrerait une confusion difficile à dissiper dans les directives au jury.

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