mercredi 27 mars 2013

La preuve de la poursuite au niveau de l'enquête préliminaire peut se faire par le dépôt de preuve documentaire

R. v. Rao, 2012 BCCA 275 (CanLII)

Lien vers la décision

[62] I agree with the preliminary inquiry judge that s. 540(7) is intended to provide the Crown with an alternative method of presenting its case at the preliminary inquiry, by filing “information” which would not previously have been admissible, as long as the preliminary inquiry judge is satisfied that the information is credible or trustworthy. The section does not displace the Crown’s right to call viva voce evidence; nor does it require the Crown to proceed on paper. Rather, it gives the Crown an additional method of proceeding, taking into account such things as the nature of the case, the apparent reliability of the evidence and, presumably, considerations arising from any discussions with defence counsel. The latter considerations are relevant in that it is open to defence counsel to request the attendance of Crown witnesses whose evidence is to be tendered under s. 540(7) for cross-examination pursuant to s. 540(9). Historically, the Crown has generally been disposed to call certain of its witnesses to permit cross-examination at the behest of the defence. In this case, however, the preliminary inquiry judge effectively encouraged the Crown to proceed by way of a paper record, rather than to proceed with its original plan of calling an agreed number of Crown witnesses to give viva voce evidence.

[63] In my view, the preliminary inquiry judge was correct in concluding that, in some cases, the entirety of the Crown’s case can be placed before the court in paper form pursuant to s. 540(7). She found that this was such a case and, insofar as that decision concerned the admissibility of evidence, she cannot be said to have acted without jurisdiction or in breach of the principles of natural justice. Questions concerning the admissibility of evidence are not jurisdictional questions; nor are questions concerning the credibility or trustworthiness of that evidence.

mardi 26 mars 2013

Certaines décisions rendues en matière de détermination de la peine concernant l'infraction de conduite avec facultés affaiblies causant la mort

Paré c. R., 2011 QCCA 2047 (CanLII)
capacités affaiblies causant la mort
L'alcootest révèle une teneur de 160 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang
Des témoins ont affirmé que sa conduite était erratique et dangereuse. Il effectue plusieurs changements de voie et empiète sur la voie inverse. Il roule à une vitesse de 120 km/h, alors que la limite autorisée est de 70 km/h
rapport présentenciel est favorable et conclut que les risques de récidives sont faibles. L'appelant n'a pas d'antécédents judiciaires et son dossier de conduite automobile ne comporte aucun point d'inaptitude
une peine de trois ans d'emprisonnement demeure sévère, particulièrement dans le cas d'une personne sans antécédents judiciaires, et elle permet d'atteindre adéquatement les objectifs de dissuasion, de dénonciation et d'exemplarité, tout en tenant compte du degré de responsabilité de l'appelant trois ans d'emprisonnement

R. v. Ramage, 2010 ONCA 488 (CanLII)
capacités affaiblies causant la mort
l'accusé qui a causé la mort d'une personne et en a blessé une autre, a contesté sa culpabilité jusqu'en cour d'appel et n'a donc pas plaidé coupable comme en l'espèce. De plus, son taux d'alcoolémie était plus élevé que celui de l'appelant, soit 229 mg d'alcool par 100 ml de sang
Ancien joueur de la LNH, condamnations reliées à des accidents de la route, véhicule conduit par l'accusé entré en collision avec 2 autres véhicules, passager tué et tiers blessé, taux d'alcoolémie bien au-dessus de la limite permise quatre ans d'emprisonnement

R. v. Junkert, 2010 ONCA 549 (CanLII)
capacités affaiblies causant la mort
accusé sans antécédents judiciaires. À première vue, la situation est donc similaire à notre dossier. Il faut toutefois mentionner que M. Junkert a recherché un acquittement jusqu'en cour d'appel, n'a pas respecté toutes les conditions de sa mise en liberté en attendant son procès et n'a pas sérieusement tenté de se trouver un emploi pendant les 28 mois d'attente avant ce procès. Ses caractéristiques personnelles étaient donc moins favorables que celles de l'appelant. peine de cinq ans d'emprisonnement assortie d'une interdiction de conduire de dix ans

R. c. Ferland, 2009 QCCA 1168 (CanLII)
Conduite dangereuse causant la mort & Conduite dangereuse causant lésions
peine de 42 mois a été prononcée pour conduite dangereuse causant la mort. L'accusé avait toutefois des antécédents judiciaires de même nature peine de 42 mois

R. v. Hall 2007 ONCA 8 (CanLII), (2007), 83 O.R. (3d) 641, [2007] O.J. No. 49 (Ont. C.A.)
Conduite avec les facultés affaiblies causant la mort
conduite avec les facultés affaiblies (plus de 80 mg par 100 ml de sang) Antécédents en semblables matières, piéton tué avec camion de remorquage, facultés affaiblies
4 ans et 10 mois de prison, interdiction de conduire de 10 ans

Lépine c. R., 2007 QCCA 70 (CanLII), [2007] J.Q. No. 282 (C.A.), 2007 QCCA 70
conduite avec les facultés affaiblies et conduite dangereuse causant la mort
art. 255(3), 249(4) C.cr. Dissuasion générale et dissuasion spécifique, peines dans les limites des peines généralement imposées
36 mois de prison
- peines concurrentes

R. c. Mercure, 2006 QCCQ 18255 (CanLII), [2006] J.Q. No. 18793 (C.Q.), 2006 QCCQ 18255
Conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool causant la mort d’une personne et causant des lésions à deux autres
Collision avec un taxi ayant 3 personnes à bord, incluant le conducteur
3 ans de prison pour le 1er chef et 18 mois pour le 2e chef

R. v. Zuest, [2001] O.J. No. 830 (Ont. S.C.J.)
Conduite avec facultés affaiblies causant la mo Âgé de 26 ans, omission de s'arrêter à une barrière de traversée de chemin de fer, barrière arrachée, train a embouti l'arrière du véhicule, l'un des 2 passagers éjecté et tué, l'autre passager a subi des blessures mineures, taux d'alcool excédait 0,20, dépression, dépendance à l'alcool, changement d'attitude depuis l'accident, pas de preuve relative à un programme de traitement, remords, plaidoyer de culpabilité
3 ans sur chaque chef concurrents

R. v. Taylor, [2000] B.C.J. No. 2457 (B.C. C.A.)
Conduite avec facultés affaiblies causant la mort, conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, défaut de s'arrêter ou de rester sur les lieux d'un accident
Alcoolique, 2 mois après avoir été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies, a conduit en état d'ébriété et a brûlé un arrêt, collision, personne tuée et autres blessées, s'est enfuit des lieux, plaidoyer de culpabilité, a persisté à boire, proposition conjointe rejetée par le juge de la peine Peine globale de 4 ans de prison (appel rejeté)

R. c. Boisvert, 2012 QCCS 1920 (CanLII) 255(3) du Code criminel.
255(3.1) du Code criminel.
252(1.2) du Code criminel.
465(1)c) du Code criminel.
Accusé étudiant techniques policières / Taux 169 mg / Tentative de faire supporter la responsabilité par un tiers 3 ans

Poulin c. R., 2009 QCCA 2339 (CanLII)
- conduite avec facultés affaiblies causant la mort (acte d’accusation);
- conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles (acte d’accusation);
- garde et contrôle d'un véhicule avec un taux dépassant la limite légale (voie sommaire);
- possession de diverses drogues en vue d'en faire le trafic (acte d'accusation);
- bris de conditions (voie sommaire);
- voies de fait causant des lésions (acte d’accusation). Accusé 23 ans / Mise en garde ignorée / Tonneau / Victime 20 ans
30 mois d’emprisonnement pour le chef de conduite avec facultés affaiblies causant la mort, 30 mois concurrents pour le chef de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions

lundi 25 mars 2013

L'importance à accorder à l'objectif de dissuasion générale

Fournier c. R., 2012 QCCA 1330 (CanLII)

Lien vers la décision

[55] Avant d'aborder la question de l'importance indue accordée par le juge de première instance à l'objectif de dissuasion générale, à l'instar de ce qu'a fait mon collègue le juge Doyon dans l'arrêt Paré c. R., il est utile de définir ce concept :

[44] Au paragr. 2 de R. c. B.W.P.; R. c. B.V.N., 2006 CSC 27 (CanLII), [2006] 1 R.C.S. 941, la juge Charron en donne cette définition :

En tant que principe de détermination de la peine, la dissuasion consiste à imposer une sanction dans le but de décourager le délinquant, et quiconque, de se livrer à des activités criminelles. Lorsque la dissuasion vise le délinquant traduit devant le tribunal, on parle de « dissuasion spécifique », lorsqu’elle vise d’autres personnes, on parle de « dissuasion générale ». Les présents pourvois portent sur la dissuasion générale, qui est censée opérer ainsi : des criminels potentiels éviteront de se livrer à des activités criminelles en raison de l’exemple donné par la punition infligée au délinquant. Quand la dissuasion générale est prise en compte dans la détermination de la peine, le délinquant est puni plus sévèrement, non seulement parce qu’il le mérite, mais également parce que le tribunal décide de transmettre un message à quiconque pourrait être tenté de se livrer à des activités criminelles similaires.

[45] La dissuasion générale autorise donc un tribunal à imposer une peine plus sévère pour faire en sorte de transmettre un message en vue de dissuader d'autres personnes de commettre une telle infraction, mais encore faut-il que le délinquant le mérite. Cette idée selon laquelle le délinquant doit mériter la peine qui lui est infligée nous renvoie nécessairement au principe fondamental de proportionnalité énoncé par le législateur à l'art. 718.1 C.cr. :

La peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.

[46] La Cour d'appel de Terre-Neuve et Labrador conclut d'ailleurs, dans R. v. Rogers, [2008] N.J. no 81, qu'une peine dont la durée serait augmentée pour un motif de dissuasion, sans tenir compte de cette règle de proportionnalité, constituerait une erreur de droit :

42 From the trial judge's reasons, it appears his main emphasis was on specific and general deterrence and denunciation. The trial judge did not explain, however, why a sentence within the range established by the cases noted would not achieve this. He did refer to his previous sentencing of Rogers in 2005 for causing a disturbance and breach of probation and noted, at para. 15: "It is clear that that sentence failed to specifically deter the accused from committing other crimes". The trial judge also noted Roger's lack of insight regarding the risk at which he had placed his son.

43 Increasing the length of a sentence for specific deterrence without regard to whether it is proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender is an error of law. The proportionality principle may be informed by the requirement that sentences be similar, in that the sentences in prior similar cases provide a gauge as to the view of various courts concerning the gravity of a particular offence and the degree of responsibility calling for sanction in particular circumstances.

mercredi 20 mars 2013

Revue de la jurisprudence de l'infraction de conduite capacités affaiblies ayant causé la mort


R. c. Goulet, 2013 QCCQ 1491 (CanLII)


ANNEXE I
Jurisprudence – sans antécédent


Parties
Références
Faits
Sentence
R. c. Boisvert
2012 QCCS 1920 (CanLII), 2012 QCCS 1920
Accusé étudiant techniques policières / Taux 169 mg / Tentative de faire supporter la responsabilité par un tiers
3 ans (suggestion commune)
R. c. Boutin
CQ, Québec, 200-01-139300-093, 6 février 2012, j. Lemay
Accusée infirmière / RPS positif / Victime motocycliste 46 ans
4 ans
R. c. Paré
2011 QCCA 2047 (CanLII), 2011 QCCA 2047
Accusé 36 ans / Taux 160 mg / RPS favorable (pas de risque de récidive)
3 ans
R. c. Laflamme
2010 QCCQ 9355 (CanLII), 2010 QCCQ 9355
Accusé 38 ans / 2e anniversaire avec conjointe / Face à face / Sentiment de culpabilité / Pleure encore le décès de sa conjointe / Taux 258 mg
4 ans ½
R. c. Poulin
2009 QCCA 2339 (CanLII), 2009 QCCA 2339
Accusé 23 ans / Mise en garde ignorée / Tonneau / Victime 20 ans
30 mois suggestion commune (au lieu de 3 ans)
R. c. Busque
2009 QCCA 1757 (CanLII), 2009 QCCA 1757
Accusé grand-père 63 ans / Capacités affaiblies causant lésions / Victime 14 ans
48 mois
R. c. Brutus
2009 QCCA 1382 (CanLII), 2009 QCCA 1382
Accusé 38 ans / Facultés affaiblies causant lésions / Taux 176 mg / RPS mitigé
4 ans
R. c. Maher-Ménard
2009 QCCQ 3972 (CanLII), 2009 QCCQ 3972
Taux 158 mg / RPS positif
36 mois
R. c. O'Farrell
2007 QCCQ 3362 (CanLII), 2007 QCCQ 3362
Accusé 21 ans / Victime frère de son ami  / RPS positif
44 mois
R. c. Dion
C.Q., Québec, 200-01-108641-063, 12 avril 2007, j. Morand
Accusé 29 ans / Taux 184-191 mg
54 mois
R. c. Lépine
2007 QCCA 69 (CanLII), 2007 QCCA 69
Accusé 19 ans (en 2000) / Taux 0.7 à 0.9 mg / Mise en garde ignorée / RPS positif
3 ans - confirmée en appel

R. c. Mercure
2006 QCCQ 18255 (CanLII), 2006 QCCQ 18255
Accusé âgé de 28 ans /  preuve alcool
3 ans
R. c. Sasseville
J.E. 2004-1992 (C.Q.)
Accusé 39 ans / RPS positif / Taux alcoolémie important
42 mois
R. c. Junkert
2010 ONCA 549 (CanLII), 2010 ONCA 549
Procès ≠ PC / ≠ Rapport en compte
5 ans
R. c. Louis-Charles Guay
2005 CanLII 33319 (QC CQ), 2005 CanLII 33319 (C.Q.)
Procès ≠ PC / Taux 148 mg / Victime 19 ans (meilleur ami) / Vitesse élevée / 4 manquements-engagement
Suggestion commune max. 2 ans dans la collectivité
R. c. Mould
[1999] O.J. no. 5202 (Ont. Sup. Ct)
Accusé 25 ans / Ingénieur études MBA / Tenir compte de intervention famille : clémence / Taux 189 mg
15 mois sursis
R. c. Singh
2004 BCPC 262 (CanLII), 2004 BCPC 262
Victime frère (25 ans) et meilleur ami / Vitesse excessive / Taux 154-187 mg / Témoignage mère
2 ans moins 1 jour dans collectivité
R. c. Silbernagel
2001 BCSC 1846 (CanLII), 2001 BCSC 1846
Accusé 43 ans / Vitesse de 114 km (zone 50) / Victime conjointe 2 ans / Achat boisson
2 ans moins 1 jour (742.3)
R. c. Anderson
2012 NBQB 32 (CanLII), 2012 NBQB 32
Accusé 35 ans (emploi) / Taux 203 mg / RPS positif / Victime époux, pas de ceinture et alcool / Aventure commune
3 ans

ANNEXE II
Jurisprudence – avec antécédents
  


Parties
Références
Faits
Sentence
R. c. Duchesneau
2011 QCCQ 15762 (CanLII), 2011 QCCQ 15762
Accusé 32 ans / Taux 174 mg / Antécédent introduction en 2000
3 ans
R. c. Morneau
2009 QCCA 1496 (CanLII), 2009 QCCA 1496
Accusé 39 ans / Victime 15 ans (fils unique) / Taux 247 mg / Antécédents 2 facultés affaiblies en 1993 et une en 1990
6 ans
R. c. Pelletier
2009 QCCQ 6277 (CanLII), 2009 QCCQ 6277
Accusé 23 ans / Taux 182 mg / Antécédents possession de stupéfiants en 2007 et introduction en 2002 / 2 morts et 1 blessé
42 mois + interdiction conduire de 4 ans
R. c. Comeau
2009 QCCA 1175 (CanLII), 2009 QCCA 1175
Victime 17 ans (cycliste) / Taux 238 mg / Antécédents taux d'alcoolémie supérieur à 80mg survenus en 1992 et en 1994
79 mois + interdiction de conduire tout véhicule à moteur pendant 7 ans
R. c. Bernier
C.Q., Montmagny, 300-01-007947-064, 19 février 2009, j. Rousseau
Accusé 23 ans / Taux 206 mg / Antécédent jeunesse (+80mg)
40 mois
R. c. Marcoux
2008 QCCQ 5738 (CanLII), 2008 QCCQ 5738
Accusé 25 ans / RPS positif / Taux 179 mg / Antécédents voies de fait et vitesse excessive
5 ans + interdiction de conduire de 5 ans
R. c. Bouchard
2007 QCCA 1836 (CanLII), 2007 QCCA 1836
Facultés affaiblies en 1994 et 1995
6 ans
R. c. Barriault
2007 QCCQ 6699 (CanLII), 2007 QCCQ 6699
Taux 237 mg / Facultés affaiblies en 2004
5 ans
R. c. Rioux
2006 QCCQ 4711 (CanLII), 2006 QCCQ 4711
Taux 147 mg / Facultés affaiblies en 1992
3 ans
R. c. Pepabano
2006 QCCA 536 (CanLII), 2006 QCCA 536
Facultés affaiblies en 1995 / Accusé autochtone 34 ans / 3 victimes
42 mois + interdiction conduire de 5 ans (3 ans si muni d'un antidémarreur )
R. c. G.B.
2010 QCCQ 8243 (CanLII), 2010 QCCQ 8243
Antécédent production cannabis / Facultés affaiblies / Taux 317 mg / Risque récidive présent / Accusée 43 ans / Problème alcool
68 mois (6 ans - détention provisoire) + interdiction conduire de 6 ans

vendredi 15 mars 2013

Les pouvoirs du juge de paix dans l'imposition de conditions de remise en liberté (suivre les recommandations de son médecin)

R. c. Chauvel, 2004 CanLII 960 (QC CS)

[40]            Les parties n'ayant aucune d'elles soumis ou soulevé l'une ou l'autre de ces décisions, il apparaît opportun d'en reproduire de larges extraits, même si la décision de Hamel c. R. est rapportée dans les rapports de jurisprudence. Voici donc les extraits que le tribunal considère les plus pertinents:
"C'est en vertu de l'article 515 (4) f) du Code criminel que le présent juge de paix a déterminé qu'il était justifié d'imposer cette condition, qui éliminait à toutes fins pratiques les danses dans les isoloirs. Cet article se lit ainsi:

"(4) [Conditions autorisées] Le juge de paix peut ordonner, comme conditions [...] que le prévenu fasse celle ou celles des choses suivantes que spécifie l'ordonnance:

[...]

f) observer telles autres conditions raisonnables, spécifiées dans l'ordonnance que le juge de paix estime opportunes."

            À l'article 515 (4), le juge de paix est devant une personne présumée innocente du crime pour lequel elle comparaît devant lui. À l'article 737, la position est différente: le juge de paix a devant lui une personne qui a été déclarée coupable hors de tout doute raisonnable du crime qui lui avait été reproché. Et c'est pourquoi l'article 737 (2) h) dit:

"Le Tribunal peut prescrire comme conditions…

[...]

h) observer telles autres conditions raisonnables que le tribunal considère souhaitables pour assurer la bonne conduite de l'accusé et l'empêcher de commettre de nouveau la même infraction ou de commettre d'autres infractions."

             L'honorable juge Lamer, lorsqu'il siégeait à la Cour d'appel, avait étudié cette question dans une cause qui émanait de la Cour municipale de Montréal, où il renversait un jugement de l'honorable juge Stalker, de ladite cour. Il s'agit de l'arrêt Keenan c. Stalker, où le juge Stalker, dans le cas d'une personne trouvée dans une maison de débauche, avait ordonné que cette personne subisse un examen médical et que sa remise en liberté soit assujettie à un tel examen. L'honorable juge Lamer en profitait pour analyser la situation, et je pense qu'il est utile de le citer.

Quels sont les pouvoirs que confère le Code criminel au juge de paix? Je cite cet arrêt de Keenan où l'honorable juge Lamer dit:

"Le pouvait‑il, eu égard aux pouvoirs que lui confère le Code criminel? C'est la seule question dont je traite ici.

À cette fin cernons davantage le problème. Au départ on doit noter que le juge qui décide d'un cautionnement est dans une situation bien différente de celle où il décide des conditions d'une ordonnance de probation.

La présomption d'innocence écartée et le crime prouvé, le juge est dès lors autorisé au nom de la société à intervenir dans la vie privée du coupable pour procéder au besoin à la neutralisation de la dangerosité qu'aurait dans l'hypothèse révélée le procès. [...]

Il en est cependant autrement lorsqu'il s'agit d'une condition d'un engagement qu'offre un juge à un prévenu comme alternative à l'emprisonnement en attendant le procès.

À ce stade des événements la nature des activités du juge diffère grandement de celle de la détermination des mesures sentencielles. L'accusé est présumé innocent. La société n'a pas voulu se donner le droit d'envahir la vie privée du prévenu dans la même mesure qu'elle se le reconnaît dans le cas de celui dont la marginalité a été prouvée hors de toute doute raisonnable.
Le Code criminel, tout en édictant les critères qui président à l'incarcération d'un prévenu, nous décrit au par. (7) de l'art. 457 [aujourd'hui 515] la nature du rôle que remplit le juge en matière de cautionnement.

À ceux qui pourraient douter de la pertinence de ces critères pour baliser les pouvoirs du juge d'imposer des conditions, je dois rappeler que le prévenu qui choisit de ne pas souscrire à un engagement que détermine le juge est incarcéré."

            On retrouve au paragraphe 10 de l'article 515 une description des buts recherchés par le juge de paix, et là je cite de nouveau l'honorable juge Lamer:

"On s'aperçoit qu'ils sont divers et pourraient se regrouper comme suit:

(1) s'assurer de la présence du prévenu devant la cour;

(2) protéger l'intérêt public, et ce, entre autres façons de ce faire, en s'assurant qu'il n'interviendra pas de façon illégale dans le déroulement des procédures; et

(3) protéger le public en l'empêchant de profiter de sa liberté pour commettre des actes criminels.

Il saute aux yeux que les deux premiers buts que recherche le cautionnement diffèrent grandement du troisième en ce que par ce dernier la société se permet d'entrer par anticipation dans les circonstances de l'affaire et d'évaluer les risques d'une récidive ou qu'il commette un autre crime en regard des circonstances de l'infraction reprochée et de la personnalité de l'inculpé.

Le pouvoir d'incarcérer ou d'imposer des conditions à l'élargissement du prévenu se justifie et se trouve limité par ce souci de neutraliser le temps qu'il faut ces facteurs qui par hypothèse sont dangereux pour la société. En somme, cette connexité qui doit exister de façon générale en matière sentencielle et en matière de cautionnement doit, lorsqu'il s'agit, avant procès, de protéger le public d'une dangerosité «appréhendée», être de nature causale en ce que la dangerosité que l'on se permet de contrôler par l'imposition d'une condition doit être de quelque façon une des causes du crime qu'on lui a reproché ou pourrait l'être d'un autre. La mesure, tout bénéfiques que puissent être ses effets, dont l'impertinence (non‑pertinence) est due à une absence de «cette causalité», relève d'une activité qui n'a rien à voir avec celle d'un juge de paix décidant d'un cautionnement, et par voie de conséquence est ultra vires des pouvoirs de celui‑ci. Si la mesure est de celles qui cherchent à contrer un facteur de dangerosité «causal», le juge agit alors en deça de sa compétence et elle ne pourra être entreprise que par le truchement des art. 457.5 ou 457.6, selon le cas."

            En un mot, le juge peut aller, même à l'intérieur d'une ordonnance de remise en liberté, jusqu'à émettre des ordonnances pour neutraliser quelqu'un dans les circonstances où effectivement le refus de signer une telle ordonnance, par exemple de ne pas entrer en communication avec la victime, serait  en soi suffisant pour justifier le juge de maintenir incarcéré l'accusé.

Ici, en supposant qu'un accusé refuse de signer un engagement de ne plus permettre des danses dans les isoloirs, est‑ce qu'un tel refus pourrait justifier le juge de maintenir une personne incarcérée? La Cour est d'opinion que, non, ce n'est pas un cas où il y a lieu de protéger le public d'une «dangerosité appréhendée» puisque ce genre de crime ne comporte pas de violence physique et même peut être considéré comme un crime dit sans victime si l'on prend pour acquis que tout le monde semble être consentant à se livrer à de telles activités.

Troisième point que la Cour veut traiter, c'est la décision de mon collègue l'honorable juge André Biron dans l'arrêt Pelletier c. R., qui est un cas identique à celui que nous avons devant nous; c'est une décision rendue le 7 mars 1995.

L'honorable juge Biron résume bien la situation et dit que le poursuivant invoque que les danseuses se laissent toucher par les clients et que cela peut constituer des actes de prostitution, et que dans les circonstances le propriétaire de cabaret est à bon droit accusé d'avoir tenu une maison de débauche. Il réfère avec nuance à l'opinion de l'honorable juge Michel Proulx dans l'arrêt Léon c. R., de la Cour d'appel. L'honorable juge Biron analyse les buts poursuivis par le paragraphe 10 de l'article 515 du Code criminel et fait les commentaires suivants à l'effet que:

"… il paraît difficile à première vue, de conclure que la protection ou la sécurité du public exige l'imposition d'une telle condition.  Lorsqu'on dit protection, on pense ou peut penser à un mal physique qui pourrait être causé à quelqu'un, et lorsqu'on parle de sécurité, on parle de la privation de liberté.

Il est bien certain que le public peut être lésé autrement que par le fait de causer des blessures à quelqu'un ou d'être susceptible de le faire, ou de le priver de sa liberté.  Cependant, cette cour comme déjà dit n'est pas appelée à trancher la question à savoir s'il y a eu des actes de prostitution, dans les circonstances.  A lire l'opinion de M. le juge Proulx dans l'affaire Léon, il semblerait qu'effectivement ce soit le cas.

Cependant, M. le juge Proulx cite l'arrêt de la Cour d'appel dans l'affaire de La Reine c. Tremblay jugement No. 500-10-000465-888, jugement qui a été infirmé par la Cour Suprême du Canada.  Le Tribunal est d'avis (et ceci est important) que dans les circonstances il est difficile de dire que la question est définitivement tranchée.  Il y aura lieu, sans aucun doute, que la Cour d'appel trace la ligne à suivre et elle le fera sans aucun doute, puisque le jugement de M. le juge Guérin a été porté en appel.

Le Tribunal est cependant d'avis qu'en imposant cette condition, le juge de première instance décidait pour ainsi dire de la cause, car c'est véritablement la question en litige ici."

Dans les deux causes, celles de Pelletier et de Hamel, les cabaretiers avaient été informés par les policiers que de telles danses pouvaient désormais être tolérées, mais quelques semaines plus tard, ils sont avisés effectivement que ce n'est plus toléré.

Mais revenant à la décision de l'Honorable juge Biron, nous citons à la page 5:

"… le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas approprié d'imposer une telle condition, dans les circonstances, car il y a place à interprétation judiciaire de la loi dans cette situation de fait, car l'opinion judiciaire continue d'évoluer.

Le Tribunal est d'avis qu'imposer une telle condition a pour résultat de substituer à la présomption d'innocence, une présomption de culpabilité.  Il y a ici matière à procès.  La Cour d'appel tranchera éventuellement la question de fond.

Le Tribunal est d'avis que dans les circonstances, il ne peut être dit que la sécurité et la protection du public exigent l'imposition d'une telle condition."

Et c'est pour ces raisons que l'Honorable Juge Biron a fait droit à la requête et a biffé purement et simplement la condition numéro 6 dans le dossier de monsieur Gilles Pelletier, qui était exactement la même condition que dans notre dossier."