mardi 5 mars 2013

État du droit au sujet de la possession de fichiers qui se trouvent dans la mémoire cache Internet

R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII)

Lien vers la décision

[33] Bref, je n’ai pas l’intention de déterminer ce à quoi correspond nécessairement la possession imputée d’objets virtuels, mais ce à quoi elle ne correspond manifestement pas. De toute évidence, à mon avis, l’accès passé et la possibilité d’accéder de nouveau à un site Web présentant des images numériques, hébergé sur un serveur éloigné sur lequel l’observateur n’a aucun contrôle, n’établissent pas isolément, ni ensemble, la possession imputée. Quelle que soit l’élasticité de la notion de possession imputée, on en défie les limites en l’étendant ainsi.

[34] Par souci de clarté, j’examinerai maintenant l’application de cette interprétation de la possession aux fichiers qui se trouvent dans la mémoire cache Internet (c’est‑à‑dire, les copies des fichiers stockées automatiquement sur le disque dur par un navigateur Web).

[35] Lorsque l’on accède à une page Web, la majorité des navigateurs Internet stockent une copie temporaire de la plupart, sinon de la totalité des fichiers que contient la page Web sur le disque dur de l’ordinateur. Cette fonction est habituellement connue sous le nom de « mise en cache », et l’endroit où sont automatiquement stockées les copies temporaires s’appelle la « mémoire cache ». La configuration de la mise en cache varie et peut être modifiée par l’utilisateur, mais les fichiers mis en cache comprennent habituellement des images et sont généralement supprimés automatiquement après un certain nombre de jours, ou une fois que la mémoire cache a atteint une certaine limite.

[36] Selon moi, la mise en cache automatique d’un fichier sur le disque dur, sans plus, n’emporte pas la possession. Bien que le fichier mis en cache soit en un « lieu » sous le contrôle de l’utilisateur, il faut aussi, pour prouver la possession, satisfaire aux exigences concernant la mens rea ou la faute. Par conséquent, il faut démontrer que l’utilisateur a sciemment stocké et conservé le fichier dans la mémoire cache.

[37] En l’espèce, l’accusation ne repose pas sur la possession de pornographie juvénile dans la mémoire cache que l’accusé aurait utilisée à cette fin. Cela n’est guère surprenant, car la plupart des utilisateurs ne connaissent ni le contenu de la mémoire cache de leur ordinateur, ni son fonctionnement, ni même son existence. Sans cette connaissance, ils n’ont pas l’élément mental ou fautif requis pour être reconnus coupables de la possession des images se trouvant dans la mémoire cache. Cela dit, dans de rares cas, la mémoire cache pourrait être utilisée sciemment pour stocker des copies de fichiers images dans l’intention d’en conserver la possession.

[38] La juge Deschamps a présenté une conception plus large de la possession, selon laquelle il suffit, dans certains cas du moins, de regarder une image pour en avoir la possession. Comme je vais maintenant l’expliquer, même si l’on adoptait le point de vue de ma collègue, la dénonciation en l’espèce n’établit pas l’existence de motifs raisonnables et probables pouvant étayer la fouille contestée de l’ordinateur de l’appelant

Aucun commentaire:

Publier un commentaire