R. c. S.G.T., 2010 CSC 20 (CanLII), [2010] 1 RCS 688
[28] En matière de confessions dérivées, l’arrêt de principe est R. c. I. (L.R.) et T. (E.), 1993 CanLII 51 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 504. Bref, la règle des confessions dérivées a pour effet de rendre inadmissibles les déclarations qui, examinées seules, paraissent volontaires, mais qui sont suffisamment liées à une confession antérieure non volontaire pour prendre elles aussi un caractère non volontaire et être donc inadmissibles. Dans l’affaire susmentionnée, par exemple, un jeune contrevenant avait été accusé de meurtre au deuxième degré et avait fait une déclaration inculpatoire à la police. Le lendemain, après s’être entretenu avec son avocat, il avait indiqué à la police qu’il voulait modifier la déclaration faite la veille. Le juge du procès a écarté la première déclaration, mais a admis la seconde; le jury a déclaré l’accusé coupable. Celui‑ci a porté en appel sa déclaration de culpabilité en soutenant que la seconde déclaration n’aurait pas dû être admise. En dernier ressort, la Cour lui a donné raison.
[29] En exposant les principes applicables aux confessions dérivées, la Cour a défini une approche contextuelle et fondée sur les faits qui vise à déterminer si une déclaration subséquente est suffisamment liée à une confession antérieure inadmissible pour être écartée elle aussi. La Cour a énuméré divers facteurs à prendre en compte pour établir le degré de connexité, dont « le délai écoulé entre les déclarations, les allusions à la déclaration antérieure pendant l’interrogatoire, la découverte d’une preuve incriminante supplémentaire après la première déclaration, la présence des mêmes policiers au cours des deux interrogatoires et d’autres similarités entre les deux cas » (p. 526). La Cour a ajouté :
Si on applique ces facteurs, une confession subséquente serait involontaire si les caractéristiques ayant vicié la première confession existaient toujours ou si la première déclaration était un facteur important qui a incité à faire la seconde déclaration. [p. 526]
La Cour a précisé qu’« [a]ucune règle générale n’excluait les déclarations subséquentes pour le motif qu’elles étaient entachées d’un vice indépendamment de leur degré de connexité avec la déclaration initiale admissible » (p. 526).
[30] Il ressort clairement de ces principes que la « règle des confessions dérivées » est une émanation de la règle des confessions reconnue en common law. Il est donc manifeste que, tout comme la règle dont elle procède, elle s’applique aux confessions secondaires, c’est‑à‑dire aux déclarations faites à une personne en autorité qui sont suffisamment liées à une confession antérieure non volontaire pour être réputées non volontaires elles aussi. Il n’est pas aussi évident, toutefois, que la règle des confessions dérivées s’applique également aux aveux subséquents faits à des personnes non en autorité.
[32] Soit dit en tout respect, je ne partage pas l’avis du juge Fish que, « [s]ur le plan des principes et de la logique », il est clair que « les confessions dérivées n’ont pas besoin d’être faites à une personne en autorité pour être jugées inadmissibles » (par. 85). Sur le plan des principes, cette affirmation générale ne tient pas compte de la distinction entre confession et aveu exposée précédemment. Quant à la logique, tout dépend des faits de l’espèce. Il est possible que la logique ait contraint la conclusion tirée dans G. (B.), où la déclaration ultérieure — laquelle contient effectivement la confession viciée faite auparavant à la police — a été faite à un psychiatre au cours d’un examen ordonné par la cour de son état mental. Il se peut que la logique ne soit pas aussi contraignante dans le cas où, par exemple, l’accusé répète la teneur de la confession viciée à un ami qui n’a aucun lien avec la poursuite.
[33] La présente espèce ne requiert pas qu’on détermine si la règle des confessions dérivées englobe les aveux faits à des personnes ordinaires, et il ne conviendrait pas non plus de le faire. Pour les besoins du présent pourvoi, il suffit de supposer qu’en présence d’une preuve suffisante établissant un lien entre l’incitation policière et le courriel subséquent, il aurait été au moins possible de soutenir que la déclaration subséquente pouvait être écartée en application de la Chartecanadienne des droits et libertés à défaut de l’être en application de la « règle des confessions dérivées » reconnue en common law. La distinction entre les deux fondements possibles pour l’exclusion demeure importante, car cette règle entraînerait l’exclusion automatique de la déclaration viciée, alors qu’en vertu de la Chartela question de l’exclusion devrait être tranchée selon le par. 24(2). Au procès, cependant, la défense n’a pas présenté l’argument concernant la règle des confessions dérivées, et S.G.T. n’a pas non plus demandé l’exclusion du courriel en application de la Charte. Si la défense voulait faire valoir qu’il existait un lien entre la confession à la police et le courriel, le voir‑dire sur l’admissibilité de la confession aurait, par exemple, fourni une bonne occasion d’invoquer cet argument. Et la défense n’a pas non plus soulevé la question lorsque le juge a expressément demandé, au moment où cet élément de preuve a été présenté, si elle contestait l’admissibilité du courriel. Bien au contraire, elle a expressément consenti à son admission en preuve
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