dimanche 9 novembre 2014

La révision de la décision du juge qui émet un mandat de perquisition

Construction T.G. Beco ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2009 QCCS 5271 (CanLII)


[32]            La révision de la décision du juge qui émet un mandat de perquisition doit se faire avec prudence et déférence.  Le critère de révision est décrit par le juge Lebel en ces termes dans l'arrêt R. c. Araujo:
Le juge siégeant en révision ne se substitue pas au juge saisi de la demande d’autorisation.  Il ne procède pas à une nouvelle audition de la demande.  Voici quelle doit être la démarche du juge siégeant en révision selon ce que notre Cour a dit dans Garofoli, précité, à la p. 1452:

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l’autorisation.  Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l’autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir.  Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d’être nécessaires à la révision leur seul effet est d’aider à décider s’il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l’autorisation.  [Je souligne.]

Comme je l’ai signalé à titre de juge de la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Hiscock, précité, à la p. 910, même un fondement de nature schématique peut suffire.  Toutefois, comme notre Cour l’a reconnu, ce fondement doit s’appuyer sur des renseignements dignes de foi.  Selon R. c. Bisson1994 CanLII 46 (CSC), [1994] 3 R.C.S. 1097, à la p. 1098, notre  Cour précise qu’il doit s’agir d’«information suffisante et fiable pour appuyer l’autorisation» (je souligne) et conclut que cette exigence avait été respectée même  abstraction faite du témoignage rétracté.  Pour déterminer s’il existait des renseignements fiables à partir desquels le juge aurait pu accorder l’autorisation, il faut simplement se demander s’il y avait au moins quelque élément de preuve auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande.

(C'est le juge Lebel qui souligne)
[33]            Dans Araujo, le juge Lebel rèfère aussi à l’arrêt Morris :
La jurisprudence insiste sur l’importance de l’analyse contextuelle.  La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, en examinant les arrêts précités de notre Cour, l’explique dans un arrêt sur les problèmes découlant d’erreurs que la police commet de bonne foi en ce qui concerne les documents soumis au juge de paix saisi de la demande d’autorisation:

[TRADUCTION]  Il ressort de ces arrêts que l’erreur, même frauduleuse, n’invalide pas automatiquement le mandat.

Il ne s’ensuit toutefois pas que l’erreur, en particulier celle qui est délibérée, ne doit pas être prise en considération par le juge siégeant en révision.  Même s’il n’en résulte pas une invalidation automatique du mandat, il demeure que le processus d’autorisation préalable doit être protégé.  Les arrêts tout juste précités n’empêchent pas le juge siégeant en révision, lorsque les circonstances s’y prêtent, de conclure, à partir de l’ensemble des faits, que les mesures prises par la police pour obtenir l’autorisation préalable ne respectent pas le processus de sorte qu’il faut annuler le mandat décerné pour protéger l’intégrité du processus et le rôle préventif qu’il joue. [Je souligne.]

 (R. c. Morris (1998), 1998 CanLII 1344 (NS CA), 134 C.C.C. (3d) 539, à la p. 553) 
La démarche fondée sur la recherche de renseignements fiables suffisants, compte tenu de toutes les circonstances, établit un juste équilibre entre le besoin de décision définitive et le besoin de protéger le mécanisme d’autorisation préalable.  À nouveau, le critère consiste à déterminer s’il existaitquelque élément de preuve fiable auquel le juge aurait pu raisonnablement ajouter foi pour accorder l’autorisation, et non si, de l’avis du juge siégeant en révision, le juge saisi de la demande d’autorisation aurait dû y faire droit.
(L’italique est ajouté, le juge Lebel souligne)
[34]            Finalement, dans R. c. Colbourne, le juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario résume l’approche lorsque le juge en révision est confronté à une situation où l’intégrité du processus d’autorisation préalable est en cause :
The reasons for and the nature of the non-disclosure of the prior refusal are important considerations in determining the effect of that non-disclosure on the validity of the warrant. If the non-disclosure was for some improper motive or was intended to mislead the Justice of the Peace before whom the second application was made, that non-disclosure standing alone may well invalidate the warrant despite the presence of reasonable and probable grounds to issue the warrantR. v. Kesselring (2000), 2000 CanLII 2457 (ON CA), 145 C.C.C. (3d) 119 (Ont. C.A.) at 127; R. v. Morris(1998), 1998 CanLII 1344 (NS CA), 134 C.C.C. (3d) 539 (N.S. C.A.) at 553; R. v. Araujo (2000), 2000 CSC 65 (CanLII), 149 C.C.C. (3d) 449 (S.C.C.) at 473.

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