Construction T.G. Beco ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2009 QCCS 5271 (CanLII)
[21] Dans son remarquable ouvrage intitulé Canadian Search Warrant Manual 2005: A Guide to Legal and Practical Issues Associated with Judicial Pre-Authorization of Investigative Techniques, Scott Hutchison rappelle la raison d'être du système d'autorisation judiciaire préalable.
As already noted, Hunter v. Southam Inc. set down the “bedrock” principles related to search and seizure. At the core of those principles is the concept of judicial pre-authorization as the key protection against unjustified state intrusions before they happen. Meaningful judicial pre-authorization requires a neutral third party capable of acting as a true intermediary between the interests of the state and the individual.
The Australian High Court has captured this important role in its judgment in Parker v. Churchill.2 The process is “not some quaint ritual of the law, requiring a perfunctory scanning of the right formal phrases, perceived but not considered, and followed by an inevitable signature.” The judicial officer must “stand between the police and the citizen to give real attention to the question whether the information proffered by the police does justify the intrusion they desire to make into the privacy of the citizen and the inviolate security of his personal and business affairs.”
Most of the substantive and constitutional rules related to Informations to Obtain and warrant drafting arise from the function of the independent judicial officer. At the core of these requirements is the insistence that the justice be placed in a position to independently determine how persuasive the evidence already gathered is. This requires the search warrant applicant to set out his or her sources of information and evidence. In those cases where the source cannot be named (tipsters and confidential informers), the Information to Obtain must put the judicial officer in a position to make an assessment of the source before any weight can be attached to that evidence.
(Le soulignement est ajouté)
[22] C'est le juge autorisateur qui doit être en mesure d'évaluer de manière indépendante si les informations soumises justifient l'émission de l'autorisation judiciaire:
It is not enough that the investigator swearing the Information to Obtain has satisfied himself or herself that a warrant should issue; the Information must put the issuing justice in a position to consider the question independently and weigh whether there are reasonable grounds for believing that the prerequisite for the issuance of the warrant are made out.
[23] Le juge autorisateur doit donc «connaître tous les faits nécessaires à une décision éclairée et qui permettent un véritable contrôle».
2 - Les devoirs du dénonciateur
[24] Le dénonciateur a «l'obligation juridique d'exposer de manière complète et sincère les faits considérés» (full and frank disclosure of material facts).
[25] Bien entendu comme l'explique la juge Arbour dans l'arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), «la partie qui plaide ex parte devant un tribunal», comme un dénonciateur, «a l’obligation de présenter ses arguments avec la bonne foi la plus absolue. Elle doit offrir une preuve complète et détaillée, et n’omettre aucune donnée pertinente qui soit défavorable à son intérêt».
[26] Le contenu d'une dénonciation pour obtenir une autorisation judiciaire de perquisitionner ou d'intercepter les communications privées d'une personne est décrit par le juge Lebel dans Araujo. Selon le juge Lebel, la dénonciation:
[…] doit simplement énoncer les faits de manière complète et sincère pour que le juge saisi de la demande d’autorisation puisse déterminer s’ils remplissent le critère juridique applicable et justifient l’autorisation. Idéalement, il devrait non seulement être complet et sincère, mais aussi clair et concis. Nul besoin de faire état par le menu de l’enquête policière menée jusqu’alors, depuis des mois ou même des années.
(Le juge Lebel souligne)
[27] Il ajoute aussi ce qui suit:
En plus d’être complet et sincère, l’affidavit ne devrait jamais viser à tromper le lecteur. Dans le meilleur des cas, le recours à un libellé standard ne fait qu’ajouter au verbiage et se révèle rarement utile. Dans le pire des cas, il peut inciter le lecteur à penser que l’affidavit a un sens qu’il n’a pas. Même si le recours à un libellé standard ne fait pas automatiquement obstacle à l’autorisation (après tout, aucune disposition ne l’interdit formellement), j’invite fortement les juges à le décourager. On ne peut reprocher au déposant — il faudrait plutôt l’en féliciter — d’énoncer les faits de manière sincère, complète et simple. Les avocats et les policiers qui présentent des documents à l’appui d’une demande d’autorisation d’écoute électronique devraient résister à la tentation d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules ou en omettant stratégiquement certains éléments.
(Le juge Lebel souligne)
[28] Le juge Hill résume la jurisprudence en cette matière dans R. c. M.(N.):
Because a search warrant application is generally an ex parte application, there is a "legal obligation" to provide "full and frank disclosure of material facts" with the relevant facts set out "truthfully, fully and plainly": Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 S.C.R. 992 at 469-470 (emphasis of original). A justice can only perform the judicial function of issuing a warrant if "provided with accurate and candid information": R. v. Hosie (1996),1996 CanLII 450 (ON CA), 107 C.C.C. (3d) 385 (Ont. C.A.) at 399; R. v. Agensys International Inc. (2004), 2004 CanLII 17920 (ON CA), 187 C.C.C. (3d) 481 (Ont. C.A.) at 491. The "requirement of candour is not difficult to understand; there is nothing technical about it": R. v. Morris (1998), 1998 CanLII 1344 (NS CA), 134 C.C.C. (3d) 539 (N.S.C.A.) at 551. An affiant for a warranted search is under a duty to avoid drafting which attempts to trick the reader, for example by the use of boiler-plate language, or which could mislead the court "by language used or strategic omissions":Araujo, at 470. Careless language in an ITO "deprives the judicial officer of the opportunity to fairly assess whether the requirements of a warrant have been met" and "strikes at the core of the administration of justice": Hosie, at 398-400.
(Le soulignement est ajouté)
[29] Les obligations du dénonciateur doivent être interprétées en ayant à l’esprit l’objectivité dont doit faire preuve un enquêteur dans le cadre d’une enquête criminelle ou pénale.
[30] Dans CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général) où l’interprétation de l’article 487 du Code criminel est en cause, le juge Major aborde cette question. Il écrit ce qui suit :
Le Code criminel, et les dispositions pénales en général, visent principalement, mais non exclusivement, à favoriser une société pacifique et intègre qui soit sûre. En vue de réaliser cet objectif, des lignes directrices interdisent les agissements inacceptables et prescrivent la poursuite et le châtiment justes de ceux qui transgressent ces normes. S’il y a possibilité d’infraction, une enquête prompte et approfondie est essentielle pour atteindre ce but. L’enquête vise à rassembler tous les éléments de preuve pertinents de manière à permettre une prise de décision judicieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations.
Au stade de l’enquête, il incombe aux autorités de trancher les points suivants: Que s’est-il passé? Qui est responsable? La conduite reprochée est-elle un comportement susceptible d’engager la responsabilité criminelle? Le mandat de perquisition est un instrument d’enquête de base qui permet de répondre à ces questions, et la disposition qui en autorise la délivrance doit être interprétée sous cet angle.
Le paragraphe 487(1) vise à permettre aux enquêteurs de découvrir et de conserver le plus d’éléments de preuve pertinents possible. Pour être en mesure d’exercer convenablement les fonctions qui leur ont été confiées, les autorités doivent pouvoir découvrir, examiner et conserver tous les éléments de preuve se rapportant à des événements susceptibles de donner lieu à une responsabilité criminelle. Il n’appartient pas aux policiers de mener une enquête pour décider si les éléments essentiels d’une infraction sont établis – cette décision relève des tribunaux. Le rôle des policiers et autres agents de la paix consiste à enquêter sur des incidents qui pourraient être criminels, à prendre une décision consciencieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations, puis à soumettre l’ensemble des faits sans les dénaturer aux autorités chargées des poursuites. À cette fin, une interprétation du par. 487(1) qui est restrictive et qui ne s’impose pas va à l’encontre du but recherché. Voir Re Church of Scientology and the Queen (No. 6) (1987), 1987 CanLII 122 (ON CA), 31 C.C.C. (3d) 449, à la p. 475:
[TRADUCTION] Le travail des policiers ne devrait pas être gêné par l’examen minutieux des faits et du droit, exercice qui est pertinent dans le cadre d’un procès [. . .] La question de savoir si les faits déclarés constituent une infraction criminelle peut soulever d’importantes questions de droit [. . .] Toutefois, ces questions ne peuvent guère être tranchées tant que le ministère public n’a pas rassemblé ses éléments de preuve et qu’il n’est pas en mesure d’engager des poursuites.
De plus, des facteurs extrinsèques tel le mobile de l’accusé ou le défaut de faire preuve de diligence raisonnable sont souvent pertinents quant à la question de savoir si l’événement qui a déclenché l’enquête en premier lieu est de nature à engager la responsabilité criminelle. Toute personne, y compris le prévenu, qui est privée des moyens de recueillir et de conserver des éléments de preuve avant un procès a intérêt à ce que ces faits soient connus. Il ne serait pas souhaitable qu’une interprétation étroite du par. 487(1) entraîne la perte d’éléments de preuve inculpatoires ou disculpatoires parce que les enquêteurs ne peuvent les obtenir. Voir R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 241, motifs du juge Cory, à la p. 254:
Le rôle de la police consiste essentiellement à faire enquête sur les crimes. C’est là une fonction qu’elle peut et devrait continuer à exercer après avoir effectué une arrestation légale. La continuation de l’enquête profitera à la société dans son ensemble et souvent aussi à la personne arrêtée. En effet, il est dans l’intérêt de la personne innocente arrêtée que l’enquête se poursuive afin que son innocence à l’égard des accusations puisse être établie dans les plus brefs délais.
Il est important que les enquêteurs découvrent le plus d’éléments de preuve possible. Admettre que les policiers, et d’autres autorités, ne doivent rechercher que les seuls éléments de preuve qui incriminent le suspect visé est incompatible avec notre système de justice. Un tel «manque d’objectivité» de la part du poursuivant serait inapproprié: voir Commission sur les poursuites contre Guy Paul Morin: Rapport, t. 1 (1998), le commissaire F. Kaufman, aux pp. 559 à 562.
Dans l’arrêt Nelles c. Ontario, 1989 CanLII 77 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 170, le juge Lamer (maintenant Juge en chef) a déclaré au nom des juges majoritaires:
Le procureur de la Couronne a traditionnellement été décrit comme un [TRADUCTION] «représentant de la justice» qui «devrait se considérer plus comme un fonctionnaire de la cour que comme un avocat». (Morris Manning, «Abuse of Power by Crown Attorneys», [1979] L.S.U.C. Lectures 571, à la p. 580, citant Henry Bull, c.r.) Sur le rôle qui est propre au procureur de la Couronne, il n’y a probablement aucun passage qui soit aussi souvent cité que cet extrait des motifs du juge Rand dans l’affaire Boucher v. The Queen, 1954 CanLII 3 (SCC), [1955] R.C.S. 16, aux pp. 23 et 24:
[TRADUCTION] On ne saurait trop répéter que les poursuites criminelles n’ont pas pour but d’obtenir une condamnation, mais de présenter au jury ce que la Couronne considère comme une preuve digne de foi relativement à ce que l’on allègue être un crime. Les avocats sont tenus de voir à ce que tous les éléments de preuve légaux disponibles soient présentés: ils doivent le faire avec fermeté et en insistant sur la valeur légitime de cette preuve, mais ils doivent également le faire d’une façon juste. Le rôle du poursuivant exclut toute notion de gain ou de perte de cause; il s’acquitte d’un devoir public, et dans la vie civile, aucun autre rôle ne comporte une plus grande responsabilité personnelle.
(Le soulignement est ajouté)
[31] Ce long extrait est nécessaire en l'espèce. Il vise à rappeler un principe fondamental selon lequel les enquêteurs ou les policiers ne doivent pas rechercher que les seuls éléments qui incriminent un suspect. Ils doivent faire preuve d'objectivité et ne pas dénaturer les faits qu'ils soumettent aux tribunaux ou aux autorités chargées des poursuites.
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