mardi 18 avril 2017

Les facteurs à considérer pour décerner un mandat de perquisition visant les locaux d'un média

Société Radio-Canada c. Lessard, [1991] 3 RCS 421, 1991 CanLII 49 (CSC)

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Il faut tenir compte des facteurs suivants pour décerner un mandat de perquisition visant les locaux d'un média.  (1) Les exigences énoncées à l'al. 487(1)b) du Code criminel doivent être respectées.  Le juge de paix doit alors (2) examiner toutes les circonstances pour déterminer s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire de décerner un mandat et (3) s'assurer qu'on a bien pondéré l'intérêt de l'État à découvrir et à poursuivre les criminels et le droit des médias à la confidentialité des renseignements dans le processus de collecte et de diffusion des informations.  Les médias sont vraiment des tiers innocents; c'est un facteur tout particulièrement important à prendre en considération pour essayer de trouver un bon équilibre, notamment en étudiant la possibilité d'assortir ce mandat de certaines conditions.  (4) L'affidavit présenté à l'appui de la demande doit contenir suffisamment de détails pour permettre un bon exercice du pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'attribution d'un mandat de perquisition.  (5) Bien qu'il ne s'agisse pas d'une exigence constitutionnelle, l'affidavit devrait ordinairement indiquer s'il y a d'autres sources de renseignements et, dans l'affirmative, si elles ont été consultées et si tous les efforts raisonnables pour obtenir les renseignements ont été épuisés.  (6) La diffusion par le média, en tout ou en partie, des renseignements recherchés favorisera l'attribution du mandat de perquisition.  (7) Si un juge de paix décide de décerner un mandat de perquisition dans les locaux d'un média, il y a alors lieu d'examiner l'imposition de certaines conditions à son application.  Le mandat de perquisition peut être considéré comme valide (8) si, après son attribution, on découvre que des renseignements pertinents n'ont pas été communiqués ou (9) si la perquisition est effectuée de manière abusive.

                  En l'espèce, le facteur fondamental est que, avant la présentation de la demande de mandat, le média avait diffusé des extraits de la bande vidéo illustrant la perpétration d'un acte criminel.  L'omission de mentionner qu'il n'existait aucune autre source de renseignements pour les policiers ou, s'il en existait une, qu'il était impossible d'obtenir les renseignements recherchés de cette autre source est un motif sur lequel le juge de paix pouvait se fonder pour refuser de décerner le mandat de perquisition.  Ces renseignements devraient être fournis au juge de paix dans la plupart des cas.  Cependant, il ne s'agit pas là d'une condition imposée par la Constitution pour l'attribution d'un mandat de perquisition.

                  En l'espèce, la perquisition s'est effectuée de façon non abusive et n'a pas eu d'effet sur le fonctionnement du média.  Rien n'indique non plus que les policiers se trouvaient sur les lieux du crime ou même qu'ils étaient au courant de sa perpétration au moment où le film a été tourné.  Il est raisonnable de déduire qu'ils ont appris les détails de l'acte criminel au moment de la diffusion des informations.

                  Tous les citoyens ont un intérêt à voir que les actes criminels font l'objet d'enquêtes et de poursuites, et les médias pourraient même envisager de remettre volontairement leurs bandes vidéo à la police.  Une fois que le média a publié les renseignements recueillis, ceux‑ci sont alors dans le domaine public.  La publication de ces renseignements est un facteur très important que le juge de paix doit prendre en considération.  La publication ou la diffusion des renseignements était un facteur suffisamment important pour que le juge de paix soit fondé à décerner le mandat de perquisition même si la police n'a pas expliqué qu'il n'existait pas d'autre source pouvant lui donner les renseignements contenus sur la bande vidéo.

                  L'omission de mentionner l'absence d'autres sources n'était qu'un autre facteur à prendre en considération pour évaluer le caractère non abusif de la perquisition.  En l'espèce, la perquisition elle‑même s'est effectuée de façon non abusive et régulière.  Il n'y a pas eu entrave au bon fonctionnement du média ni atteinte à la liberté de la presse.  Le média avait déjà exercé sa fonction de base qui consiste à recueillir et à diffuser des informations, et la saisie des bandes vidéo à ce stade ne pouvait donc pas être considérée comme ayant un effet de dissuasion sur ses sources de renseignements.

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