R. c. Bonnier, 1992 CanLII 3682 (QC CA)
Le juge s'arrête au fait que la victime savait fort bien que l'accusé devenait agressif lorsqu'il consommait de l'alcool, s'est pourtant rendue chez lui où elle a généreusement consommé avec lui sans faire beaucoup d'efforts pour quitter les lieux lorsqu'elle a constaté l'état de surexcitation de son hôte. Il ajoute que les gestes de l'accusé n'en sont pas excusables pour autant mais force est de comprendre que la clémence dont il a fait preuve n'est peut-être pas étrangère à cette perception aujourd'hui désuette que certaines femmes, en certaines situations, attirent sur elles leur malheur que la société ne saurait imputer exclusivement à l'agresseur. Il en va peut-être ainsi dans certains cas très exceptionnels mais celui qui nous occupe ne me paraît pas en être un.
Bonnier a vécu un divorce particulièrement difficile qui l'a conduit en psychothérapie. Une liaison subséquente avec sa victime a été interrompue par celle-ci ce qui n'a guère contribué à améliorer son état psychique. Les dépositions des experts au cours du procès sont sur le sujet éloquentes et le premier juge pouvait, à bon droit, tenir compte de ce fait sinon au moment de prononcer la condamnation du moins en imposant la sentence.
La victime s'est donc rendue chez Bonnier ce soir-là et celui-ci, tout en consommant une quantité appréciable d'alcool, lui a tenu un long discours tendant à la réconciliation et à la reprise de la vie commune. Il l'a retenue de force chez-lui et s'est livré à divers gestes que le premier juge a justement qualifié d'ignominieux, graves et répugnants. Il lui a par ailleurs infligé des blessures, légères, il faut bien en convenir, à la pointe d'un couteau et l'a menacée de blessures beaucoup plus graves.
Bonnier s'est, le lendemain, en quelque sorte excusé et sa victime l'a revu lui consentant même des rapports sexuels dont la motivation n'était toutefois peut-être pas la passion.
Le premier juge qui a vu et entendu la victime et son agresseur a cru devoir être indulgent, une attitude que siégeant en appel nous ne pouvons totalement ignorer.
Le premier juge, pour l'essentiel, me paraît ne pas avoir attaché suffisamment d'importance à la dimension exemplaire qui s'impose en pareille matière. C'est dire des lieux communs que de rappeler l'incidence sans cesse accrue de ce genre de crimes et ses conséquences souvent néfastes. Nos collègues de la Cour d'appel de l'Alberta ont écrit et le premier juge a cité:
The starting point for a major sexual assault is three years, assuming a mature accused with previous good character and no criminal record.
(R. c. Sandercock, [1985] 48 C.R. (3rd) p.154, C.A. Alberta).
un principe dont la rigueur n'a pas toujours et partout été suivie en regard des circonstances particulières de chaque cas. Quoi qu'il en soit, toutes choses étant relatives, je ne suis pas persuadé que nous sommes ici en présence d'un major sexual assault au sens de l'arrêt Sandercock, cela dit sans en aucune façon vouloir minimiser la répugnance qu'inspirent les gestes de Bonnier. Sauf le respect relatif que, comme je l'ai dit plus tôt, je crois devoir porter à l'appréciation générale du cas par le premier juge qui a vu et entendu les intéressés et s'est astreint à une sentence complètement motivée, je serais tenté, au seul poste de l'exemplarité, d'imposer une peine de deux ans sur le chef d'agression sexuelle, tel que proposé sans, il faut le dire, trop de vigueur, par le substitut. Tout compte fait cependant, j'estime qu'une peine de douze mois de réclusion quant au chef d'agression sexuelle loge à la frontière inférieure de l'indulgence permise et je suis donc d'avis de statuer en conséquence, le tout assorti de l'ordonnance de probation tel que prononcée par le premier juge. Quant à la peine imposée sur le chef de séquestration, je n'interviendrais pas; confusion des peines.
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