lundi 16 avril 2018

Les principes dégagés par la Cour d'appel pour déterminer si effectivement le policier avait des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de l'accusé

Kaba c. R., 2012 QCCS 2376 (CanLII)

Lien vers la décision

[31]            Dans l’affaire Danychuk, la Cour d’appel de l’Ontario est d’avis que pour qu’une demande de fournir un échantillon d’haleine dans l’appareil de détection approuvé soit valide, les conditions suivantes doivent être remplies : (1) elle est faite à la personne qui conduisait ou avait la garde ou le contrôle d’un véhicule; (2) l’agent de la paix soupçonne raisonnablement la présence d’alcool dans le sang de cette personne; (3) l’agent doit être en mesure d’exiger de la personne qu’elle fournisse l’échantillon d’haleine requis avant qu’elle ne puisse de manière réaliste avoir l’occasion de consulter un avocat.

[32]            Par ailleurs, dans l’affaire Bernshaw, il est mentionné que l’article 254 (2) du Code criminel permet au policier de faire subir un test de détection lorsqu’il a simplement des raisons de soupçonner la présence d’alcool. Ce test vise à aider le policier à fournir les motifs raisonnables le justifiant d’ordonner un alcootest. (Nos soulignés).
[33]            Ainsi, est-ce qu’en l’espèce, le policier avait des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’appelant lorsque celui-ci était encore dans son véhicule? En d’autres termes, est-ce que les observations suivantes sont suffisantes pour faire naître un doute chez l’agent de la paix que l’appelant a peut-être consommé de l’alcool et qu’il cherche à en cacher l’odeur : (1) le fait de constater que l’appelant s’allume une cigarette dans son véhicule dans les mêmes instants où l’agent va à sa rencontre, de sorte que l’habitacle s’emplit d’une fumée blanche; (2) la forte odeur de parfum que l’officier de police qualifie de « fraîchement mise » et d’anormalement intense; (3) l’appelant a de petits yeux lorsque l’agent arrive à sa hauteur.
[34]            Pour déterminer si effectivement le policier avait des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme de l'accusé, il y a lieu de revoir les principes dégagés par la Cour d'appel dans l'arrêt Bérubé. Dans cette affaire dont le contexte factuel s'apparente fortement à notre cause, Bérubé demandait la permission d'en appeler d'un jugement de la Cour supérieure qui rejetait son appel d'une condamnation pour défaut de se soumettre à un alcootest. Le requérant prétendait qu'il y avait absence de droit du policier de lui demander de lui souffler au visage après l'avoir fait descendre de la voiture qu'il conduisait. Le policier aurait ainsi mobilisé le requérant contre lui-même le forçant à s'incriminer.
[35]            Toujours dans l’affaire Bérubé, le requérant aurait été arrêté à quatre heures du matin parce que sa conduite était erratique. Le policier qui a procédé à son interception a remarqué que la voiture empestait le parfum et la chaufferette était au maximum. L’officier a ainsi soupçonné que c'était pour masquer l’odeur d’alcool; il invita alors le requérant à sortir de son véhicule et à lui souffler au visage. L’haleine du requérant dégageait de l’alcool.
[36]            Le requérant prétendait que la demande de souffler avait été faite non pour confirmer un soupçon préexistant mais pour créer un tel soupçon. Le juge Paul Vézina a rejetté la requête pour permission d’appel du requérant aux motifs que les circonstances de cette affaire justifiaient les policiers de vérifier la sobriété du conducteur; c’était même leur devoir. Pour assurer la propre protection du conducteur ainsi que celles des autres usagers de la route, les policiers ne peuvent laisser aller une personne dont la capacité de conduire est affaiblie par l’alcool. De plus, selon le juge Vézina, s’il y avait atteinte à la vie privée, elle est minimale et justifiée par l’importance de l’objectif poursuivi.
[37]            Ainsi et considérant ce qui précède, je suis d’avis que la juge de première instance a rendu une décision raisonnable et non erronée en droit. En effet, elle a suivi le cadre analytique proposé par la Cour suprême dans les décisions Grant et Harrison et les motifs à l’appui de l’inclusion de la preuve sont tous bien expliqués dans son jugement. Il est possible que la juge de la Cour du Québec se soit exprimée erronément lorsqu'elle mentionne que de façon subjective les policiers avaient des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de l’appelant mais qu’objectivement, ces mêmes soupçons n’étaient pas fondés. En fait, le policier avait des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans le sang de l’accusé et c’est pour cela qu’il était justifié de demander à ce dernier de sortir de son véhicule et de lui souffler au visage. Par ailleurs, s’il y a eu atteinte aux droits constitutionnels de l’accusé, cette atteinte est minime et était nécessaire à la réalisation de l’objectif de la loi.
[38]            Récemment encore, la Cour d'appel rappelait les efforts considérables investis par l'État afin de contrer le fléau que constitue la conduite d'une automobile avec facultés affaiblies.

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