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Appliquant à l'espèce les principes énoncés dans les arrêts Harper et Morin, supra, il apparaît à cette Cour que le premier juge n'a pas examiné «tous les éléments de preuve qui se rapportent à la question ultime à trancher», tant à l'égard des témoignages des enfants que des témoins de la défense et de celui de l'appelant. Il en résulte une erreur grave qui vicie le procès et entraîne sa nullité, puisque le véritable débat portait sur la crédibilité des témoins.
Se greffe à cette conclusion l'autre reproche bien fondé que fait l'appelant au premier juge relativement au fardeau de preuve. Certes, dans les questions reliées au fardeau de preuve, un juge n'est pas contraint d'énoncer une formule sacramentelle ou le modèle de directives proposé par la Cour Suprême dans l'arrêt R. c. W.(D.), [1992] 1 R.C.S. 742, ou encore de rappeler tous les principes de base qui doivent le guider dans la détermination de la question fondamentale de savoir si la poursuite s'est acquittée de son fardeau de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Si son jugement n'en fait pas mention, on ne saurait présumer qu'il s'y est conformé si par ailleurs, comme en l'espèce, sa lecture fait voir qu'il a imposé, dans les faits, un fardeau de preuve à l'appelant. Ainsi, en limitant la question à trancher à celle de se demander si les contradictions invoquées suffisent «pour écarter tous ces témoignages accablants pour l'accusé», le premier juge, avec égard, omet de considérer si, sans aller jusqu'à «écarter» les témoignages, ces contradictions pouvaient susciter un doute raisonnable. Ainsi que l'a affirmé à maintes reprises la Cour Suprême, notamment dans l'arrêt R. c. MacKenzie, 1993 CanLII 149 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 212, la preuve doit être étudiée dans son ensemble et non pas élément par élément. Il est donc erroné de procéder aux délibérations en deux étapes, de vouloir départager les éléments de façon fragmentaire au lieu de les examiner dans leur ensemble. C'est par rapport à l'ensemble de la preuve que la question du doute raisonnable se pose. En l'espèce, le premier juge a artificiellement isolé chacun des volets de la défense, au lieu de se demander si la preuve de la poursuite et la preuve constituée par le témoignage de l'appelant et de ses témoins ne suscitaient pas un doute raisonnable. L'appelant n'avait pas à contredire la preuve de la poursuite pour bénéficier du doute raisonnable. Prend ici une importance toute particulière et déterminante, le silence du premier juge sur la crédibilité accordée au témoignage de l'appelant dans le contexte de ce dossier où essentiellement il ne s'est pas interrogé sur la portée de la défense de l'appelant et a erré dans l'application des règles relatives au fardeau de preuve.
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