dimanche 22 septembre 2024

Le juge présidant un procès peut‑il déduire la possession d'un objet par un accusé de la présence de ses empreintes digitales?

R. c. Lepage, 1995 CanLII 123 (CSC)

Lien vers la décision


20               Pour déterminer si le juge du procès a commis une erreur en déclarant l'intimé coupable, il faut se demander si elle pouvait déduire la possession des stupéfiants de la présence des empreintes relevées sur le sac, ou de tout autre élément de preuve.

 

23               Bien qu'il souscrive au résultat, le juge Morden conclut ce qui suit, aux pp. 282 et 283:

 

                  [traduction]  Dans la présente affaire, il avait été établi, à l'issue de la présentation de la preuve du ministère public, que les empreintes digitales de l'appelant se trouvaient sur les articles volés.  C'était la preuve qu'il les avait manipulés, de sorte qu'on pouvait conclure qu'il avait effectivement eu ces biens en sa possession, ne serait‑ce que pendant un très court laps de temps.  En toute déférence, c'est ici que je ne souscris plus au raisonnement convaincant de mon collègue le juge Laidlaw.  Selon moi, le ministère public a présenté contre l'appelant une preuve prima facie de possession sur le plan juridique.

 

                                                                  . . .

 

On aurait pu déduire de la preuve de la présence des empreintes digitales de l'appelant sur les articles volés, qu'il en avait eu la possession sur le plan juridique.  Il appartient au jury, et en l'espèce au juge du procès seulement, de décider, dans chaque cas particulier, s'il y a lieu ou non de faire une telle déduction une fois produits tous les éléments de preuve.

 

                                                                  . . .

 

                  Il incombait ensuite à l'appelant de fournir à son tour des éléments de preuve.  S'il n'avait présenté aucun élément de preuve pour expliquer la présence de ses empreintes digitales, il aurait alors couru le risque que le juge en conclue qu'il avait eu la drogue en sa possession sur le plan juridique et le déclare coupable.  [Je souligne.]

 

24               Le juge LeBel s'est dit d'accord, pour l'essentiel, avec la citation qui précède et a conclu que, dans les circonstances, l'accusé devait fournir une explication, étant donné qu'il avait été démontré, du moins à première vue, qu'il avait eu la possession.

 

25               Je suis d'avis qu'il n'y a pas de règle stricte qui s'applique pour déterminer si la présence d'empreintes digitales permet de conclure à la possession.  Comme le juge Morden l'a souligné, il s'agit plutôt d'une question de fait qui dépend de toutes les circonstances de l'affaire et de l'ensemble de la preuve.  À cet égard, je suis d'accord avec les propos suivants que tient le juge Fairgrieve, dans R. c. Mehrabnia (1993), 1993 CanLII 17021 (ON CJ)26 C.R. (4th) 98 (C. Ont. (Div. prov.)), à la p. 106:

 

                  [traduction]  Contrairement à l'argument de Me Dolhai concernant l'effet de l'arrêt O'Keefe, je crois que le principe qui se dégage de toutes ces décisions est que la question de savoir si la présence des empreintes digitales d'un accusé sur un article permet ou non de conclure qu'il l'avait en sa possession dépend des circonstances particulières de l'affaire.

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