[76] À l’évidence, le caviardage veut soustraire des informations à la connaissance d’un accusé alors que ces informations font partie du dossier qui soutient les accusations criminelles portées. Les rapports de source soulèvent une difficulté particulière qui n’est pas l’objet du litige dans la présente affaire : voir R. c. Antoine, 2017 QCCS 487, par. 18-19.
[77] Par définition, au sens de l’arrêt Stinchcombe, ces informations caviardées sont pertinentes et doivent être divulguées, sauf si le ministère public réussit à convaincre un juge qu’elles ne sont manifestement pas pertinentes ou qu’elles sont frappées d’un privilège. Elles sont néanmoins, à n’en pas douter, des « fruits de l’enquête » : R. c. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 326, 333; R. c. Gubbins, 2018 CSC 44 (CanLII), [2018] 3 R.C.S. 35, par. 21; R. c. Egger, 1993 CanLII 98 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 451.
[78] La pertinence se définit en fonction du contexte, lequel est particulièrement important pour au moins deux raisons. D’abord, le contexte permet d’évaluer correctement le privilège des méthodes d’enquêtes policières qui, contrairement au privilège de l’informateur, n’est pas absolu. Ensuite, lorsque des informations sont caviardées dans le contexte d’autorisations judiciaires, des défis particuliers se posent pour le ministère public et le juge réviseur. Même si, en l’espèce, les parties ne l’ont jamais précisé, ni au procès ni en appel, il faut examiner la question soulevée en fonction de la procédure dans laquelle elle s’inscrit, c’est-à-dire la contestation d’autorisations judiciaires, et « la pertinence des renseignements demandés s’apprécie en fonction de ces questions limitées » : Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 207, par. 128.
[79] À mon avis, le juge Rouleau de la Cour d’appel de l’Ontario propose une analyse très adéquate, dans l’arrêt R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, mettant en cause une situation similaire. Je dis « similaire » puisque le dossier d’appel, ici, ne me permet pas de comprendre la dynamique du procès et que les observations à l’audience ont été peu utiles. Lorsque les « requêtes en décaviardage » sont étudiées en lien avec celle portant sur l’annulation du mandat général, on comprend qu’en définitive, les informations recherchées visaient à attaquer la validité de tous les mandats. Cependant, l’argumentaire n’est pas clair et, surtout, l’interaction entre la suffisance du mandat, les renseignements caviardés, la divulgation de la preuve, le contre-interrogatoire du déclarant et l’amplification n’a pas fait l’objet d’une discussion structurée. Chacun de ces aspects a été abordé isolément, sans que les parties et le juge en examinent leur complémentarité évidente.
[80] Étrangement, l’avocat de l’appelant au procès (qui n’était pas Me Chevalier) avait évoqué, dans sa requête visant le mandat d’écoute, le paragraphe 84 de l’arrêt Crevier en note de bas de page, mais ni le juge ni les parties en appel n’y font référence. Il est pourtant, à mon avis, déterminant.
[81] Cette affaire Crevier met en cause la contestation d’un mandat de perquisition dont l’autorisation fut obtenue en s’appuyant sur des faits protégés par le privilège de l’informateur. Le ministère public concédait que le mandat n’aurait pu être délivré sans les informations caviardées. L’accusé concédait de son côté que les informations caviardées ne lui permettaient pas d’invoquer l’exception de « l’innocence en jeu », soit la seule qui permette la levée du privilège de l’informateur : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 23; Personne désignée c. Vancouver Sun, 2007 CSC 43 (CanLII), [2007] 3 R.C.S. 253, par. 28.
[82] Le juge Rouleau y suggère une démarche pour résoudre ces difficultés. Il souligne qu’il faut envisager le décaviardage des informations privilégiées en évaluant à la fois la possibilité pour l’accusé d’entreprendre une contestation utile et d’exercer son droit à une défense pleine et entière dans ce contexte. Cette évaluation repose sur l’ensemble des circonstances, à savoir une analyse combinée de la divulgation de la preuve déjà en sa possession, la possibilité de contre-interroger le déclarant et celle d’administrer une preuve lors du voir-dire : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 43. Il rappelle que la contestation d’un mandat est avant tout une procédure d’admissibilité de la preuve : R. c. Crevier, par. 43 et 52-60. Il faut néanmoins reconnaître que le résultat de cette contestation est souvent déterminant : R. c. Crevier, par. 89.
[83] L’arrêt Garofoli avait insisté sur le nécessaire « équilibre […] entre les intérêts de l'application de la loi et ceux du droit à une défense pleine et entière », notamment lors de « l'utilisation des renseignements d'un informateur pour justifier une perquisition ou une saisie sans mandat » : R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421, 1454-1455.
[84] Si le droit à une défense pleine et entière ne suffit pas à écarter le privilège de l’informateur, ce droit existe toujours et il doit être défini dans le contexte de contestations d’autorisations judiciaires mettant en jeu des intérêts divergents : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 44-60. Le droit de contester efficacement l’admissibilité d’éléments de preuve demeure fondamental à une défense pleine et entière. Le privilège de l’informateur, qui prive l’accusé de certaines informations, constitue une limite acceptée à la défense pleine et entière, mais son impact doit être minimisé autant que possible : R. c. Crevier, par. 52-60. Un accusé doit toujours pouvoir prendre la décision d’attaquer la suffisance des motifs au soutien d’une autorisation judiciaire, soit en attaquant leur suffisance à leur face même ou en attaquant leur fiabilité, c’est-à-dire en tentant de démontrer que « le dossier ne représentait pas fidèlement ce que le déposant savait ou aurait dû savoir et, s’il avait constitué un reflet fidèle, n’aurait pas justifié l’autorisation » : Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15 (CanLII), [2016] 1 R.C.S. 207, par. 120; R. c. Araujo, 2000 CSC 65 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 992, par. 50. Cela est vrai même si des informations sont caviardées : R. c. Crevier, par. 70.
[85] On peut demeurer songeur sur la capacité de contester des motifs dont on ignore la teneur et sur la conséquence si, de l’avis du juge, il n’est pas possible de faire autrement que de maintenir le secret. Comme le fait remarquer le juge Rouleau, la Cour suprême a bel et bien envisagé la situation où des informations essentielles pour justifier l’autorisation judiciaire doivent néanmoins demeurer secrètes : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 71. La Cour d’appel de l’Ontario a récemment décidé que cela était conforme aux droits garantis par la Charte : R. c. Gero, 2021 ONCA 50, par. 40-44.
[86] Dans l’arrêt Crevier, le juge Rouleau explique, et j’adopte son exposé, comment le droit à une défense pleine et entière trouve son expression dans le contexte d’une contestation de mandat lorsque des informations sont caviardées :
(c) The right to make full answer and defence
[52] An accused’s right to make full answer and defence is one of the principles of fundamental justice and is constitutionally protected under s. 7 of the Charter. It includes the right to full and timely disclosure, the right of cross-examination, the right to know the case to be met, and the right to be given an opportunity to challenge the admissibility of the evidence tendered by the Crown: see R. v. Rose, 1998 CanLII 768 (CSC), [1998] 3 S.C.R. 262, at para. 98; and R. v. Durette, 1994 CanLII 123 (CSC), [1994] 1 S.C.R. 469, at p. 494.
[53] Though fundamental, the right to make full answer and defence is not without limit. It is not “a right to pursue every conceivable tactic to be used in defending oneself against criminal prosecution”: R. v. Quesnelle, 2014 SCC 46, [2014] 2 S.C.R. 390, at para. 64. Precisely what an accused is entitled to in the exercise of the right will vary depending on the context and other competing interests at play. An accused, therefore, who is deprived of relevant information is not automatically deprived of his or her right to make full answer and defence. Other public interests may limit the accused’s ability to access potentially relevant information. In R. v. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC), [1991] 3 S.C.R. 326, for instance, the Court held that the Crown’s disclosure obligation is subject to a privilege exception.
[54] Some trial courts, such as in R. v. Learning, 2010 ONSC 3816, 258 C.C.C. (3d) 68, at para. 106, have interpreted the Supreme Court’s decision in R. v. Pires; R. v. Lising, 2005 CSC 66 (CanLII), [2005] 3 S.C.R. 343, as standing for the proposition that, in a Garofoli hearing, the right to full answer and defence is “attenuated” because the hearing is one of admissibility and not a trial on the merits.[3]
[55] Although I am not suggesting that cases that have referred to the right to make full answer and defence as being “attenuated” are wrongly decided, in my view such a reference is misleading. It suggests the right is “reduce[d in] strength, effect, or value” (Concise Oxford English Dictionary, 11th ed., sub verbo “attenuate”), when in fact what Pires explains is that, because it is a hearing on the admissibility of evidence, the right to full answer and defence needs to be viewed in context and balanced against other interests: at para. 24.
[56] Pires involved a challenge to the requirement, set out in Garofoli, that an accused seek and obtain leave to cross-examine the affiant of an ITO. It was argued this leave requirement unconstitutionally limited the accused’s right to make full answer and defence. Charron J. found the leave requirement was justified. She stated that the extent to which the right to cross-examine is a necessary adjunct to the right to make full answer and defence depends on the context (at para. 3), and that at a Garofoli hearing, as at any stage in the proceeding, the right to cross-examine is limited by relevancy. She explained, at para. 31:
Even on the trial proper, the right to cross-examine is not unlimited. In [R. v. Lyttle, 2004 SCC 5, [2004] 1 S.C.R. 193, at para. 44] the court reiterated the principle that counsel are “bound by the rules of relevancy and barred from resorting to harassment, misrepresentation, repetitiousness or, more generally, from putting questions whose prejudicial effect outweighs their probative value. [Emphasis in original.]
[57] Although the right to cross-examine is central to the right to make full answer and defence, the context of a Garofoli hearing is that it is an admissibility hearing and there are other important but competing interests at play, including the interest of maintaining informer privilege.
[58] The Pires decision is consistent with R. v. Mills, 1999 CanLII 637 (CSC), [1999] 3 S.C.R. 668 where the Supreme Court explained, at paras. 72 and 73, that an accused is not entitled to the most favourable procedure that could possibly be imagined. The fairness of the trial process must be assured from the point of view of the community as well as of the accused. Although Mills entailed a balancing between Charter-protected rights, and informer privilege is not a Charter-protected right, I nonetheless view the balancing contemplated in Mills as applying in the same way where informer privilege is involved. As discussed, informer privilege is of “fundamental importance” to our system of criminal justice: Leipert, at para. 10. Sopinka J. in Garofoli stated that, in the editing process, a balance must be struck between the right to make full answer and defence and the interests of law enforcement, including protecting informer privilege: at p. 1460.
[59] Leipert and Named Person make clear that the accused’s right to full answer and defence does not override informer privilege. The only exception to informer privilege is where the accused establishes innocence is at stake. As noted earlier, it was conceded that such an exception did not arise in the present case.
[60] As in Mills, the question is how to define the right to make full answer and defence in context. In doing so, courts must give the fullest effect possible to the right while protecting a confidential informer’s identity: see R. v. Hunter (1997), 1987 CanLII 123 (ON CA), 59 O.R. (2d) 364 (C.A.)
R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 52-60.
[87] Je rappelle les enseignements de l’arrêt Garofoli dans lequel le juge Sopinka propose une procédure pour la révision d’autorisations judiciaires, notamment lorsque des informations ne sont pas d’emblée connues de la cible. Il s’agissait alors de l’ouverture du paquet scellé en matière d’écoute électronique, mais la procédure vaut tout autant pour les autres autorisations judiciaires et, même si elle n’a jamais été exhaustive et contraignante, elle s’est imposée dans la jurisprudence : R. c. Rocha, 2012 ONCA 707; R. c. Gero, 2021 ONCA 50, par. 25.
[88] Je saisis l’occasion de citer ici certains passages de l’arrêt Garofoli, puisqu’une simple (re)lecture est à la fois nécessaire et instructive :
1. Au moment d'ouvrir le paquet, si le ministère public s'oppose à la divulgation de l'une ou l'autre des pièces, il devrait, dans une demande, indiquer la nature des éléments à supprimer et les raisons de le faire. Seul le substitut du procureur général aura l'affidavit à cette étape.
2. Le juge du procès devrait ensuite réviser l'affidavit comme l'a proposé le substitut du procureur de la Couronne et fournir une copie ainsi préparée à l'avocat de l'accusé. Il faudrait ensuite entendre les arguments de l'avocat de l'accusé. Si le juge du procès est d'avis que l'avocat de l'accusé ne sera pas en mesure d'apprécier la nature des éléments supprimés selon les recommandations du substitut du procureur général et l'affidavit ainsi produit, une sorte de résumé judiciaire quant à la nature générale des éléments supprimés devrait être fournie.
3. Après avoir entendu les arguments de l'avocat de l'accusé et la réponse du ministère public, le juge du procès devrait prendre une décision finale quant à la révision des documents, sans oublier qu'il faut la limiter au minimum et appliquer les facteurs précités.
4. Une fois la décision prise selon l'étape (3), les pièces du paquet devraient être remises à l'accusé.
5. Si le ministère public peut justifier l'autorisation sur le fondement des pièces révisées, l'autorisation est confirmée.
6. Cependant, si le texte révisé ne permet plus de justifier l'autorisation, le ministère public peut alors demander au juge du procès de tenir compte des éléments supprimés dans la mesure nécessaire pour justifier l'autorisation. Le juge du procès ne devrait accéder à cette demande que s'il est convaincu que l'accusé est suffisamment conscient de la nature des éléments écartés pour les contester dans sa plaidoirie ou par la preuve. À cet égard, un résumé judiciaire des éléments écartés devrait être fourni s'il peut remplir cette fonction. Il va sans dire que si le ministère public est en désaccord sur l'étendue de la divulgation et estime que l'intérêt public en subira un préjudice, il peut retirer la preuve recueillie par l'écoute électronique.
R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421, 1461.
[33] Ainsi, mû par un souci d’efficacité, et ce, avant même toute contestation d’un mandat de perquisition, la poursuite peut choisir de prendre elle-même les devants pour demander la révision judiciaire de son caviardage.
[34] Dans la même veine, le tableau Gardiner s’est imposé comme un outil privilégié de la gestion de l’instance lorsque la protection de l’informateur s’avère un enjeu et dont l’utilité est directement liée à la qualité de sa confection. La poursuite prépare un tel tableau afin de faciliter les débats lors de l’audience qui met en cause la portée et l’étendue du caviardage auquel elle a procédé dans une déclaration sous serment d’un policier ou dans tout autre document communiqué à l’accusé.
[Renvois omis; soulignement ajouté]
R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815, par. 33-34 (pourvoi à la Cour suprême, dossier n° 39710).
[90] Puis, s’appuyant sur l’arrêt R. c. Durette, 1994 CanLII 123 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 469, p. 494-495 et toujours dans R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815, au par. 35, le juge Cournoyer rappelle :
[35] Il ne faut pas perdre de vue que la divulgation intégrale de l’affidavit constitue le principe général et que le caviardage doit être restreint au minimum nécessaire.
[Renvois omis]
[91] À mon avis, le ministère public devrait rapidement annoncer, au juge et à l’accusé,s’il prétend que la validité du mandat peut tenir sur la seule foi des renseignements non caviardés. Conformément à l’étape 5 de l’arrêt Garofoli, il n’a plus l’obligation de les divulguer dans le cadre d’une contestation de ce mandat. La révision de la validité du mandat fait alors abstraction de ces informations. Cela peut éviter une contestation Garofoli ou, dans tous les cas, la cibler.
[92] Par conséquent, lorsque le poursuivant peut raisonnablement anticiper la contestation d’une autorisation judiciaire caviardée, il devrait rapidement prendre position : l’autorisation pouvait-elle ou non être délivrée sans les informations cachées ? Lorsque le privilège d’informateur est au cœur de l’autorisation, cela peut interpeller l’étape 6 de l’arrêt Garofoli.
[93] Toujours dans l’arrêt Boulanger, mon collègue Cournoyer explique :
[25] Dans la présente affaire, l’utilisation d’un informateur au soutien de la délivrance d’un mandat de perquisition introduisait nécessairement une certaine complexité comme le notent les auteurs de l’ouvrage Prosecuting and Defending Drug Cases :
As can be seen for the preceding discussion, the conduct of a Garofoli application can be complex and challenging for all parties. That complexity is increased exponentially when the ITO in support of a warrant relies on information from a confidential informer. In order to protect informer privilege, much of that information must necessarily be redacted for the ITO. If the information that remains is not enough to upheld the warrant, the prosecutor may seek to resort to the step 6 procedure.
[26] Ces auteurs soulignent que, dans ce type de dossiers, la poursuite doit évaluer si elle aura recours à l’étape 6 de l’arrêt Garofoli et demandera au juge « de tenir compte des éléments supprimés dans la mesure nécessaire pour justifier l'autorisation ». Pour ce faire, elle devra déterminer si « un résumé judiciaire des éléments écartés » pourra être fourni à l’accusé qui sera ainsi « suffisamment conscient de la nature des éléments écartés pour les contester dans sa plaidoirie ou par la preuve ». Cette décision exige une évaluation dès l’aube d’un dossier et s’inscrit dans la mise en œuvre d’un plan de poursuite soigneusement conçu.
[…]
[30] À cet égard, il est bien reconnu que la poursuite doit faire preuve d’initiative lorsque l’affaire met en cause l’utilisation d’un informateur.
[31] En 2014, dans un article intitulé Garofoli Step 6: Getting Behind The Black, Chris de Sa, un procureur de la poursuite d’expérience (aujourd’hui juge à la Cour supérieure de l’Ontario), décrit ainsi l’approche qui doit guider la poursuite :
The Crown should, upon being informed of a potential warrant challenge, provide a general summary to defence outlining the nature of the information that is behind the redactions. This summary will assist the defence in deciding whether it intends to advance a Garofoli at all. While this summary will often contain the same information that is contained in the final judicial summary, it need not be structured in the same way. The judicial summary is usually done on a paragraph by paragraph basis. Given that discussions between the Crown and the judge regarding the draft Crown summary are in the presence of the defence, the defence having the exact summary may be too revealing when combined with these submissions. As such, any Crown summary disclosed in advance should not be in a format that can be tracked during the Crown/judge discussions if such tracking may encroach on the privilege. That being said, the disclosure summary should include any facts that are contained behind the redactions which assist the defence in making its assessment whether to bring an s. 8 application at all, or that would assist in bringing such a challenge.
[Soulignements ajoutés]
[32] Cette approche reconnue ne soulève aucune controverse.
[Renvois omis]
R. c. Boulanger, 2021 QCCA 815, par. 25-26, 30-32 (pourvoi à la Cour suprême, dossier n° 39710).
[94] L’étape 6 de la procédure Garofoli se veut exceptionnelle puisqu’elle entre toujours en collision avec le droit à une défense pleine et entière : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 89-90.
[95] Cette étape 6 est entreprise à l’initiative du ministère public uniquement lorsque l’autorisation judiciaire ne peut pas survivre sans les informations caviardées, notamment en raison du privilège de l’informateur. Si c’est le cas, pour éviter toute ambiguïté, le ministère public devrait l’annoncer clairement.
[96] À la demande du ministère public, le juge doit alors décider s’il tiendra compte des éléments supprimés dans la mesure nécessaire pour justifier l'autorisation. Toutefois, la jurisprudence précise qu’il accédera à cette demande uniquement si le ministère public le convainc « que l'accusé est suffisamment conscient de la nature des éléments écartés pour les contester dans sa plaidoirie ou par la preuve » : R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421, 1461; R. c. Reid, 2016 ONCA 524, par. 86.
[97] Comment alors communiquer cette information? Si cela est possible, le ministère public doit fournir au juge un résumé judiciaire des éléments écartés et le juge détermine s’il faut divulguer davantage. Si le ministère public est en désaccord sur l'étendue de la divulgation et estime que l'intérêt public en subira un préjudice, il peut retirer la preuve recueillie en vertu de cette autorisation judiciaire : R. c. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1421, 1461.
[98] Ce résumé judiciaire ne divulgue pas le détail de ce qui est caviardé. Il doit permettre à l’accusé de connaître la nature des informations cachées : R. c. Reid, 2016 ONCA 524, par. 90. La qualité de ce résumé judiciaire est au cœur de l’exercice et du raisonnement du juge Rouleau dans l’arrêt R. c. Crevier, 2015 ONCA 619 au paragraphe 78, mais aussi au paragraphe 81 :
[81] Clearly, a well-crafted judicial summary is essential if the accused is to be in a position to mount a sub-facial attack and exercise his or her right to make full answer and defence. The adequacy of the summary, therefore, plays a key role in the court’s assessment of whether the accused is sufficiently aware of the nature of the redacted information so that step six can be employed.
[99] La qualité du résumé judiciaire s’évalue avec l’ensemble du dossier incluant la divulgation de la preuve, la possibilité d’administrer une preuve et de contre-interroger le déclarant, et même la possibilité de revoir une décision qui aurait refusé ce contre-interrogatoire : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 86; R. c. Thompson, 2017 ONCA 204, par. 8.
[100] Le ministère public aura avantage à instruire le juge sur les faits pertinents. L’objectif du résumé est d’informer suffisamment l’accusé pour que ce dernier comprenne les fondements de l’autorisation. En particulier, lorsqu’il s’agit d’informations provenant d’une source, il faut déterminer si les exigences de l’arrêt Debot sont satisfaites, à savoir que l’informateur est crédible et que ses renseignements sont fiables et corroborés : R. c. Debot, 1989 CanLII 13 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 1140, 1168; R. c. Reid, 2016 ONCA 524, par. 89-90; R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 84.
[101] À titre de guide général pour confectionner un résumé, le juge Rouleau a proposé un ensemble de points de repère pouvant constituer autant d’éléments à y inclure. Le juge peut réfléchir à la possibilité d’inclure, sans y être tenu, et en adaptant sa réponse à la situation qui l’occupe, les éléments suivants :
• The source of the informer’s information (first-hand, hearsay, and if hearsay, the source of that hearsay)
• The informer’s relationship with/to the accused and how they first came into contact
• The length of time the informer has known the accused and the frequency of contact between them
• Whether the informer has previously provided information to police
• Whether previous information provided (if any) has led to arrests, seizures, or convictions
• Whether past information provided by the informer has ever been proven unreliable or false
• Whether the informer has a criminal record and, if yes, whether the unredacted ITO includes details of the convictions or charges or whether a copy of the criminal record was appended
• Whether the informer has convictions for offences of dishonesty or against the administration of justice
• The informer’s motivation for speaking to police, including whether consideration was sought or arranged
• Whether the informer was instructed on the penalties for giving false information
• Whether descriptions provided by the informer match the accused or the target location
• The degree of detail of the information that the informer provided to police
• The recency or timing of the information that the informer provided to police
• Any discrepancies between the information of one informer and another
• Any aspects of the informer’s information that are contradicted by police investigation or otherwise detract from its credibility
• Any errors or inaccuracies that exist in the ITO, and their nature (e.g. typographical errors)
R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 84.
[102] Je le répète, le résumé judiciaire demeure un résumé. Il faut éviter d’y inclure des détails risquant d’établir l’identité de la source. Ce résumé doit permettre à l’accusé de comprendre la nature de l’information cachée et non les détails de celle-ci.
[103] Pour en faciliter la compréhension, le juge réviseur devrait s’assurer de relier les résumés à chacun des passages caviardés afin de les replacer en contexte : R. c. Construction De Castel inc., 2014 QCCA 1125, par. 69. Chaque fois qu’il est impossible de résumer la nature des informations caviardées d’un passage précis, ce qui peut certainement se produire, le juge devrait l’indiquer clairement : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 85.
[104] À la fin de l’exercice, si le juge réviseur est convaincu que l’accusé a suffisamment connaissance de la nature des informations caviardées, il peut alors en tenir compte, comme l’avait fait le juge autorisateur, pour déterminer si les motifs exigés par la loi sont établis : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 90.
[105] Même si le juge réviseur décide de tenir compte de l’information caviardée parce qu’il est convaincu que l’accusé a suffisamment connaissance de la nature de ces informations, leur valeur probante en sera affectée. Le juge réviseur doit les évaluer, en tenant compte qu’elles ne peuvent être pleinement contestées. Cette mise en balance assure une protection supplémentaire et participe à l’équilibre entre la nécessité d’application de la loi et le droit à une défense pleine et entière : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 90. Le juge Rouleau suggère au juge d’évaluer ces renseignements comme un témoignage incomplet, c’est-à-dire en recherchant une preuve corroborative afin de lui accorder une certaine valeur, même si elle sera parfois plus faible : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 88; citant R. c. Cameron (2006), 2006 CanLII 16078 (ON CA), 208 C.C.C. (3d) 481, par. 34-37 (C.A.O.). Il s’agit certainement d’une bonne façon d’aborder ces renseignements.
[106] Si le juge détermine que l’accusé ne peut pas être informé adéquatement de la nature de l’information caviardée, il ne doit pas accéder à la demande de la poursuite de la considérer pour justifier l’autorisation judiciaire : R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, par. 90.