samedi 21 février 2009

Droit de garder le silence / Portée du droit de garder le silence / Renonciation à ce droit

R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151

Résumé des faits
Après avoir consulté un avocat et avisé les policiers qu'il ne voulait pas faire de déclaration, l'accusé, par suite d'un artifice pratiqué par un agent de police banalisé placé dans la même cellule que lui, a fini par faire une déclaration.

Analyse
L'article 7 de la Charte confère à une personne détenue le droit de garder le silence avant le procès et la portée de ce droit s'étend au‑delà de la formulation étroite de la règle des confessions. Les règles applicables au droit de garder le silence, adoptées dans notre système juridique, comme la règle des confessions en common law et le privilège de ne pas s'incriminer, indiquent que la portée du droit pendant la détention avant le procès doit être fondée sur la notion fondamentale du droit du suspect de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence.

Cette disposition restreint le pouvoir de l'État sur la personne détenue et tente d'établir un équilibre entre leurs intérêts respectifs. En vertu de l'art. 7, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix de parler aux autorités ou de garder le silence. Les tribunaux doivent donc adopter à l'égard des interrogatoires qui précèdent le procès une démarche qui insiste sur le droit de la personne détenue de faire un choix utile et qui permette d'écarter les déclarations qui ont été obtenues de façon inéquitable dans des circonstances qui violent ce droit de choisir. Le critère permettant de déterminer si le choix du suspect a été violé est essentiellement objectif. Il faut, en vertu de la Charte, se concentrer sur la conduite des autorités vis‑à‑vis du suspect.

La norme de l'arrêt Clarkson relative à la renonciation à un droit conféré par la Charte ne s'applique pas au droit de garder le silence.

La portée du droit de garder le silence ne va pas cependant jusqu'à interdire à la police d'obtenir des confessions, dans toutes les circonstances. L'interprétation préconisée du droit de garder le silence, en vertu de l'art. 7, retient la conception objective de la règle des confessions et permettrait d'assujettir la règle aux limites suivantes.

Premièrement, rien n'interdit aux policiers d'interroger l'accusé ou le suspect en l'absence de l'avocat après que l'accusé a eu recours à ses services. La persuasion policière qui ne prive pas le suspect de son droit de choisir ni de son état d'esprit conscient ne viole pas le droit de garder le silence.

Deuxièmement, le droit ne s'applique qu'après la détention. Les opérations secrètes qui ont lieu avant la détention ne soulèvent pas les mêmes considérations.

Troisièmement, le droit ne porte pas atteinte aux déclarations faites volontairement à des compagnons de cellule. Il n'y a violation des droits du suspect que lorsque le ministère public agit de façon à miner le droit constitutionnel du suspect de choisir de ne pas faire de déclaration aux autorités.

Quatrièmement, il faut faire une distinction entre le recours à des agents banalisés pour observer le suspect et le recours à des agents banalisés pour obtenir de façon active des renseignements contrairement au choix du suspect de garder le silence.

Enfin, même lorsqu'une violation des droits du suspect est établie, la preuve obtenue peut, dans les circonstances appropriées, être utilisée. Ce n'est que si le tribunal est convaincu que sa réception est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice que cette preuve peut être écartée en vertu du par. 24(2) de la Charte. Lorsque les policiers ont agi en respectant dûment les droits du suspect, il est peu probable que les déclarations obtenues soient déclarées irrecevables.

L'article premier de la Charte ne s'applique pas parce que la conduite policière n'est pas une limite prescrite par une règle de droit au sens de cet article.

Le droit de garder le silence conféré par l'art. 7 reflète ces valeurs. Bien qu'assujetti au pouvoir supérieur de l'État au moment de la détention, le suspect conserve le droit de choisir de faire ou non une déclaration aux policiers. À cette fin, la Charte exige que le suspect soit avisé de son droit à l'assistance d'un avocat et qu'il puisse y avoir recours sans délai. Si le suspect choisit de faire une déclaration, il peut le faire. Mais si le suspect choisit de ne pas en faire, l'État ne peut utiliser son pouvoir supérieur pour faire fi de la volonté du suspect et nier son choix.

Les dispositions de la Charte qui se rapportent au droit d'une personne détenue de garder le silence en vertu de l'art. 7 semble indiquer que ce droit doit être interprété de manière à garantir à la personne détenue le droit de faire un choix libre et utile quant à la décision de parler aux autorités ou de garder le silence.

Les règles de common law qui se rapportent au droit de garder le silence indiquent que la portée du droit pendant la détention avant le procès doit être fondée sur la notion fondamentale du droit du suspect de choisir de parler aux autorités ou de garder le silence.

Conformément à la méthode instaurée par la Charte, nos tribunaux doivent adopter à l'égard des interrogatoires qui précèdent le procès une démarche qui insiste sur le droit de la personne détenue de faire un choix utile et qui permette d'écarter les déclarations qui ont été obtenues de façon inéquitable dans des circonstances qui violent ce droit de choisir

Le droit de choisir de parler ou non aux autorités est défini de façon objective plutôt que subjective. L'exigence fondamentale que le suspect possède un état d'esprit conscient comporte un élément subjectif. Mais cela étant dit, il faut, en vertu de la Charte, se concentrer sur la conduite des autorités vis‑à‑vis du suspect. A‑t‑on accordé au suspect le droit à l'assistance d'un avocat? La conduite des policiers a‑t‑elle effectivement et inéquitablement privé le suspect du droit de choisir de parler ou non aux autorités?

Le droit de garder le silence, qui a pour but de protéger un accusé du pouvoir inégal de la poursuite, prend naissance lorsque le pouvoir coercitif de l'État vient à être exercé contre l'individu, soit formellement (par l'arrestation ou l'inculpation) soit de façon informelle (par la détention ou l'accusation). C'est à ce moment qu'un rapport contradictoire naît entre l'État et l'individu. Cependant les particuliers ne peuvent invoquer le droit entre eux.

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