samedi 9 mai 2009

Exposé sur le «doute raisonnable»

R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320

Il serait peut‑être utile de résumer ce que la définition devrait et ne devrait pas contenir. Les explications suivantes devraient être données:

∙ la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable est inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès pénaux, c’est‑à‑dire la présomption d’innocence;

∙ le fardeau de la preuve incombe à la poursuite tout au long du procès et ne se déplace jamais sur les épaules de l’accusé;

∙ un doute raisonnable ne peut être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé;

∙ il repose plutôt sur la raison et le bon sens;

∙ il a un lien logique avec la preuve ou l’absence de preuve;

∙ la norme n’exige pas une preuve correspondant à la certitude absolue; il ne s’agit pas d’une preuve au-delà de n’importe quel doute; il ne peut s’agir non plus d’un doute imaginaire ou frivole;

∙ il faut davantage que la preuve que l’accusé est probablement coupable — le jury qui conclut seulement que l’accusé est probablement coupable doit acquitter l’accusé.

37 Par contre, certaines mentions concernant la norme de preuve requise doivent être évitées. Par exemple:

∙ le fait de décrire l’expression «doute raisonnable» comme étant une expression ordinaire, qui n’a pas de sens spécial dans le contexte du droit pénal;

∙ le fait d’inviter les jurés à appliquer la même norme de preuve que celle qu’ils utilisent, dans leur propre vie, pour prendre des décisions importantes, voire les plus importantes de ces décisions;

∙ le fait d’assimiler preuve «hors de tout doute raisonnable» à une preuve correspondant à la «certitude morale»;

∙ le fait de qualifier le mot «doute» par d’autres adjectifs que «raisonnable», par exemple «sérieux», «substantiel» ou «obsédant», qui peuvent induire le jury en erreur;

∙ le fait de dire aux jurés qu’ils peuvent déclarer l’accusé coupable s’ils sont «sûrs» de sa culpabilité, avant de leur avoir donné une définition appropriée du sens des mots «hors de tout doute raisonnable».

38 Un exposé conforme aux principes énoncés dans les présents motifs suffira, quels que soient les mots utilisés par le juge du procès. Néanmoins, il pourrait être utile, comme on le propose dans l’arrêt Girard, précité, à la p. 1591, d’établir un «modèl[e] de directives» comportant les directives nécessaires sur le sens de l’expression hors de tout doute raisonnable.

39 Les directives concernant la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable applicable dans un procès pénal pourraient être formulées ainsi:

Au début du procès, l’accusé est présumé innocent. Cette présomption demeure tant et aussi longtemps que le ministère public ne vous a pas convaincus hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité à la lumière de la preuve qui vous est présentée.

Que signifie l’expression «hors de tout doute raisonnable»?

L’expression «hors de tout doute raisonnable» est utilisée depuis très longtemps. Elle fait partie de l’histoire et des traditions de notre système judiciaire. Elle est tellement enracinée dans notre droit pénal que certains sont d’avis qu’elle se passe d’explications. Néanmoins, certaines précisions s’imposent.

Un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il ne doit pas reposer sur la sympathie ou sur un préjugé. Il doit reposer plutôt sur la raison et le bon sens. Il doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve.

Même si vous croyez que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, cela n’est pas suffisant. Dans un tel cas, vous devez accorder le bénéfice du doute à l’accusé et l’acquitter, parce que le ministère public n’a pas réussi à vous convaincre de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Cependant, vous devez vous rappeler qu’il est virtuellement impossible de prouver quelque chose avec une certitude absolue, et que le ministère public n’est pas tenu de le faire. Une telle norme de preuve est impossiblement élevée.

En bref, si, en vous fondant sur la preuve soumise à la cour, vous êtes sûrs que l’accusé a commis l’infraction, vous devez le déclarer coupable, car cela démontre que vous êtes convaincus de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

40 Il ne s’agit pas d’une formule magique qui doit être reprise mot pour mot. Ce n’est rien de plus qu’une suggestion de formule à laquelle on ne trouverait pas à redire si elle était utilisée. Par exemple, dans les cas où entre en jeu une disposition portant inversion du fardeau de la preuve, il serait utile d’attirer l’attention du jury soit sur la preuve qui peut permettre de s’acquitter de ce fardeau soit sur l’absence de preuve à cet égard. Toute autre forme de directives qui respecterait les principes applicables et éviterait les écueils mentionnés précédemment conviendrait

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