dimanche 10 mai 2009

L'infraction de conduite dangereuse commande l'application d'une norme objective

R. c. Hundal, [1993] 1 R.C.S. 867

La mens rea dans le cas de l'infraction de conduite dangereuse devrait être appréciée objectivement mais dans le contexte de tous les événements entourant l'incident. La conduite négligente d'un véhicule automobile peut être considérée comme un continuum où l'on va de l'inattention momentanée qui entraîne la responsabilité civile, en passant par la conduite imprudente prévue au code de la route d'une province, jusqu'à la conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel.

L'article 249 du Code criminel commande l'application d'une norme objective. Cette norme est tout à fait indiquée étant donné la nécessité de réduire le carnage sur les routes. La prise en considération des facteurs personnels, essentielle pour la détermination de l'intention subjective, n'est, en général, pas nécessaire compte tenu des normes fixes en ce qui concerne la santé physique et mentale ainsi que de la connaissance de base de la norme de diligence que doivent avoir les titulaires de permis de conduire. Un conducteur qui a agi d'une manière objectivement dangereuse ne devrait pas être acquitté au motif qu'il ne pensait pas lors de l'accident à sa façon de conduire. De par sa nature même, la conduite d'un véhicule automobile présente souvent un aspect habituel et automatique, à tel point en fait qu'il est presque impossible de déterminer quel pouvait être l'état d'esprit d'un conducteur à un moment donné. Comme c'est sur la négligence que repose un verdict de culpabilité de conduite dangereuse, la question à se poser est donc de savoir si, du point de vue objectif, l'accusé a satisfait a la norme appropriée de diligence, et non pas de savoir si, subjectivement, il a voulu les conséquences de son acte. Il reste tout de même loisible à l'accusé de faire naître un doute raisonnable quant à savoir si une personne raisonnable aurait été consciente des risques inhérents à son comportement. Le critère est à appliquer avec souplesse dans le contexte des événements entourant l'incident en question.

Le juge des faits doit être convaincu qu'il s'agit d'un comportement qui représentait un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l'accusé. Si l'accusé offre une explication, par exemple, une maladie soudaine et imprévue, il faut alors pour qu'il y ait déclaration de culpabilité que le juge des faits soit convaincu qu'une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l'accusé.

La nature des infractions en matière de conduite automobile donne à entendre qu'un critère objectif, ou plus précisément un critère objectif modifié, convient particulièrement à la conduite dangereuse. Il y aura certes des cas où, considérée objectivement, la façon de conduire sera visiblement dangereuse, mais où l'accusé ne devrait pourtant pas être reconnu coupable. Prenons par exemple, le conducteur qui, tout à fait soudainement, souffre d'une crise cardiaque, d'une attaque d'épilepsie ou d'un détachement de la rétine. À la suite de cette maladie ou de cette incapacité physique soudaine, il conduira de façon dangereuse, mais ces circonstances pourraient constituer un moyen de défense complet malgré la démonstration objective de la conduite dangereuse. De même, un conducteur qui, sans en connaître les effets possibles et sans en avoir été averti, prend des médicaments qui lui ont été prescrits et qui, soudainement, l'affectent de manière à rendre dangereuse sa façon de conduire, pourrait également faire valoir avec succès un moyen de défense, bien que l'infraction ait été objectivement établie. Ces exemples, et d'autres vraisemblablement, servent à illustrer le but et l'objet du critère objectif modifié, qui est de permettre au tribunal de tenir compte, outre la démonstration objective de la conduite dangereuse, de la maladie soudaine et imprévue et d'autres défaillances humaines semblables.

En résumé, la mens rea dans le cas de l'infraction de conduite dangereuse devrait être appréciée objectivement mais dans le contexte de tous les événements entourant l'incident. Cette méthode répondra aux exigences tant du bon sens que de l'équité. Les facteurs personnels n'ont pas en règle générale à être pris en considération. C'est ce qui découle de l'obligation de se procurer un permis de conduire, obligation grâce à laquelle on peut être certain que tous les conducteurs ont un niveau raisonnable de santé et de capacité physiques et de santé mentale et qu'ils connaissent la norme raisonnable à laquelle sont assujettis tous les titulaires de permis de conduire.

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