mercredi 17 juin 2009

Raisonnabilité des moyens pour s’assurer de la présence du témoin dans le cadre d'une demande de remise

R. c. Mendoza, 2006 QCCQ 12234 (CanLII)

[8] Le pouvoir d’accorder ou de refuser une remise est discrétionnaire, mais les tribunaux supérieurs interviendront si cette discrétion n’a pas été exercée d’une manière judiciaire. Les critères sont bien connus. Dans l’arrêt Darville, la Cour suprême a défini trois conditions que doit satisfaire la partie qui demande une remise. Elle doit démontrer :

a) que la personne absente pourrait rendre un témoignage pertinent;

b) qu’elle a pris des moyens raisonnables pour s’assurer de la présence du témoin;

c) qu’on peut raisonnablement penser que le témoin absent se présentera ultérieurement devant le tribunal.

[10] (...) Le juge Dalphond, pour la majorité, a conclu que toute demande de remise doit prendre en compte l’ensemble des circonstances et doit être conforme aux intérêts de la justice :

Briefly stated, the decision whether or not to grant the adjournment must be made in the light of the realities of each case and shall be consistent with the interests of justice.

[11] (...) Le juge Dalphond a conclu que l’assignation par courrier ordinaire était un moyen légal et qu’aucune présomption de négligence ne pouvait lui être associée. Le juge Dalphond a refusé de conclure que le ministère public a été négligent dans les circonstances de l’affaire, même si le témoin mineur était connu comme instable et sujet aux fugues. En effet, la preuve ne démontrait pas que la situation aurait été différente si le témoin avait été assigné par huissier.

[12] Notons au passage qu’une assignation envoyée par courrier ordinaire sans la vérification préalable de l’adresse constituerait vraisemblablement une négligence de la part du ministère public. Par ailleurs, en principe, l’assignation doit être signifiée dans un délai de cinq jours francs avant la date de la comparution, sauf en cas d’urgence alors que le délai peut être réduit à douze heures.

[13] Quant à la possibilité raisonnable que le témoin absent se présentera ultérieurement, le juge Dalphond a reconnu qu’il est normalement difficile de trancher la question sans donner l’occasion d’y répondre.

[14] L’important, écrit-il, est que si le juge n’entend pas donner suite à une demande de remise, il doit à tout le moins suspendre pour donner à la partie requérante, l’opportunité d’expliquer la situation et comment elle peut satisfaire aux conditions :

If the trial judge was unsatisfied with this recital of the facts, he should have said so and then ordered an adjournment to provide the Crown the opportunity to bring before him proper evidence of what really happened, such as an affidavit from the parents attesting that their daughter received the subpoena and ran away a few days before the scheduled date of the trial, the testimony of the police officer on the various steps undertaken before the trial, etc. He did not; so these facts stand.

[15] En outre, dans l’affaire G.(J.C.), le juge Dalphond a conclu que l’intérêt de la justice ne commandait pas un acquittement dans les circonstances, en raison notamment de la gravité des accusations, de l’absence de remise antérieure et de l’absence de préjudice démontré pour l’accusé.

[16] Deux possibilités s’offraient donc au juge, soit d’émettre un mandat ou de suspendre pour obtenir un complément de preuve :

In theses circumstances, the trial judge should not have refused the Crown's request for a postponement of the trial and should not have subsequently acquitted the respondent. Instead, he should have considered issuing a warrant, or if unsatisfied with the facts alleged by the Crown, he should have adjourned to give the Crown an opportunity to adduce proper evidence. (Je souligne.)

[17] Pour sa part, dans sa dissidence inscrite dans les deux arrêts, le juge Hilton a trouvé inacceptable le fait que le ministère public choisisse d’assigner ses témoins par courrier ordinaire. Il a reconnu que ce mode de signification est permis par la loi, en notant au passage que le ministère public ne pouvait même pas répondre aux exigences du Code de procédure pénale, lequel exige au minimum une attestation d’envoi.

[19] La position du juge Hilton a trouvé écho, dans la seconde opinion majoritaire de la Cour rédigée par le juge Dalphond, dans l’arrêt R. c. V.(M.), où ce dernier reconnaît que les avantages économiques du mode d’assignation par courrier ordinaire ne pourront le justifier sans l’instauration de mesures de suivi et qu’en l’absence de telles mesures, l’assignation par courrier ordinaire pourrait bien devenir l’équivalent d’une négligence institutionnelle

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