vendredi 31 juillet 2009

Omission de révéler le résultat d’un test de dépistage du VIH — Accusé ayant eu des rapports sexuels non protégés avec la plaignante

R. c. Williams, 2003 CSC 41 (CanLII)

Résumé des faits
Le présent pourvoi soulève la question de savoir si un accusé qui n’a pas révélé qu’il était séropositif peut être déclaré coupable de voies de fait graves mettant la vie en danger pour avoir eu des rapports sexuels non protégés avec une plaignante qui, au moment de l’infraction alléguée, pouvait elle‑même être porteuse du VIH. La date la plus importante en l’espèce est le 15 novembre 1991. C’est à cette date que l’intimé a appris qu’il était séropositif.

Analyse
Lorsque, comme en l’espèce, le ministère public porte une accusation fondée sur une conséquence aggravante, il doit prouver cette conséquence hors de tout doute raisonnable. La personne accusée qui ne révèle pas qu’elle est séropositive ne peut être déclarée coupable de voies de fait graves mettant la vie en danger lorsque la plaignante ou le plaignant pouvait déjà être porteur du VIH.

Bien que W ait fait preuve d’un degré d’insouciance et d’égoïsme révoltant, le ministère public n’a pas réussi à établir que l’activité sexuelle de la plaignante après le 15 novembre 1991 lui a causé un préjudice ou même qu’elle l’a exposée à un risque sérieux de préjudice, parce qu’il était possible, et peut‑être probable, qu’elle fut déjà porteuse du VIH à ce moment. (...) La mens rea de cette infraction a été prouvée hors de tout doute raisonnable, mais le ministère public était incapable de prouver un élément essentiel de l’actus reus, savoir que le comportement sexuel de W, après qu’il a appris qu’il était séropositif, risquait de mettre la vie de la plaignante en danger. La preuve médicale indique qu’un seul rapport sexuel vaginal non protégé comporte un risque important de transmission du VIH. Il existe donc à tout le moins un doute qui empêche d’affirmer que la plaignante n’avait pas déjà été contaminée le 15 novembre 1991, au moment où W a découvert, puis décidé de ne pas révéler, qu’il était séropositif.

Les poursuites judiciaires relatives à cette infraction, qui sont axées sur les conséquences des voies de fait, se compliquent ici en raison de la « fenêtre sérologique » d’une durée incertaine qui sépare le moment où une personne contracte le VIH et celui où les autorités médicales peuvent détecter l’infection (ou du moins le pouvaient en 1991).

La date critique quant à la preuve d’une fraude viciant le consentement (al. 265(3)c) du Code criminel) est la date à partir de laquelle l’intimé était suffisamment au courant de sa séropositivité pour pouvoir être considéré comme agissant « intentionnellement ou sans se soucier des conséquences, en étant conscient des faits constituant l’infraction ou en refusant volontairement de les envisager »

Lorsqu’une personne apprend l’existence d’un risque qu’elle ait contracté le VIH et que, par conséquent, la question du consentement de son ou de sa partenaire se pose, mais qu’elle persiste néanmoins, sans rien divulguer à son ou à sa partenaire, à avoir des rapports sexuels non protégés susceptibles de lui transmettre le VIH, l’insouciance est établie.

Pour qu’il y ait crime, à un moment donné, l’actus reus et la mens rea ou l’intention doivent coïncider. Ici, toutefois, il y a eu mise en danger sans intention avant le 15 novembre 1991 et, après cette date, il y a eu intention mais il existe à tout le moins un doute raisonnable quant à la mise en danger.

Il ressort clairement de la jurisprudence ayant interprété les dispositions en cause [art. 265 et 268] que l’intention exigée par l’infraction de voies de fait ou d’agression, telle qu’elle est définie, est la même pour toutes les formes de voies de fait et d’agression, y compris les voies de fait graves. Le législateur a voulu que la sévérité de la punition croisse en fonction de la gravité des conséquences de l’infraction.

L’infraction de voies de fait graves met l’accent sur la nature des conséquences plutôt que sur la nature des voies de fait ou de l’agression. Le même acte d’agression sexuelle perpétré par un accusé séropositif pourrait sans aucun doute causer un préjudice à de nombreuses victimes potentielles ou les exposer à un risque, mais si, pour des raisons qui lui sont propres, il existe un doute raisonnable quant à savoir si une plaignante a été mise en péril par les voies de fait, il n’y a pas de voies de fait graves. En l’espèce, il existe un doute raisonnable quant à la possibilité que la vie de la plaignante ait pu être mise en danger après le 15 novembre 1991 par une nouvelle exposition à un virus dont elle était probablement déjà porteuse.

Aucun élément de preuve n’indique que la plaignante qui, à tort ou à raison, ne croyait pas avoir été contaminée par le VIH, a consenti à avoir des rapports sexuels non protégés avec un partenaire séropositif. Pendant toute la période pertinente, elle croyait que ni elle ni W n’étaient porteurs du VIH.

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