mardi 15 septembre 2009

En certains cas, la pure omission ou la non intervention peut être considérée comme de la complicité

R. c. Renaud, 1989 CanLII 862 (QC C.A.)

(...) l'argument de l'appelant est essentiellement fondé sur son interprétation de l'article 21 C.Cr. Il se décrit comme ayant agi sur l'ordre de ses supérieurs. Il affirme n'avoir posé aucun acte de complicité active. Il soutient ne pas avoir eu d'obligation d'agir ou de dénoncer les auteurs véritables du système de fraude. L'article 21 ne fait pas nécessairement de la pure tolérance passive d'un acte illégal de la complicité dans celui-ci. Il faut davantage comme la Cour suprême l'a d'ailleurs décidé dans l'affaire Dunlop and Sylvester c. La Reine, 1979, 2 R.C.S. 881. Traitant du cas de deux prévenus inculpés de complicité dans un viol collectif, le juge Dickson écrit:

La simple présence sur les lieux d'un crime n'est pas suffisante pour conclure à la culpabilité. Il faut faire quelque chose de plus: encourager l'auteur initial; faciliter la perpétration de l'infraction, comme monter la garde ou attirer la victime ou accomplir un acte qui tend à faire disparaître les obstacles à la perpétration de l'acte criminel, comme par exemple empêcher la victime de s'échapper ou encore se tenir prêt à aider l'auteur principal...

L'arrêt qui fait autorité R. v. Coney a établi qu'une présence non accidentelle sur les lieux du crime n'équivaut pas à de l'encouragement (loc cit p.891)....

Il ajoutait plus loin:

Cette cour a étudié la question de l'aide et de l'encouragement dans Preston c. R. L'appelant et une autre personne étaient accusés d'avoir mis le feu à une école. Dans le jugement qu'il a rendu pour la majorité de cette Cour, le Juge Estey dit...que pour que l'appelant soit déclaré coupable d'avoir aidé, encouragé, conseillé ou favorisé, il suffit de démontrer qu'il comprenait ce qui se passait et que par un acte quelconque de sa part il a inciter ou a contribué à la réalisation de l'infracllon. (loc cit p.893)

En certains cas cependant, la pure omission ou la non intervention peut être considérée comme de la complicité. Fortin et Viau rappelaient au Traité de Droit Pénal général, l'état de la jurisprudence sur cette question:

Sauf en matière de trahison, nul n'est tenu légalement de prévenir la commission d'une infraction. Cependant, les tribunaux retiennent la participation par omission dans les cas où une personne par sa non intervention a autorisé l'emploi à des fins criminelles d'une chose dont elle a la responsabilité ou la garde. Même le propriétaire d'une automobile qui permet qu'en sa présence une autre la conduise d'une façon dangereuse est lui-même coupable de l'infraction du fait qu'il n'intervient pas pour en empêcher la commission... Portin et Viau, Traité de Droit pénal général, Montréal, Les Editions Thémis 1982, p.354.

En tenant compte de ces principes, les conclusions du juge ne paraissent pas erronées ou déraisonnables par rapport à la preuve.

Même s'il n'a pas bénéficié personnellement de ces fraudes, Renaud a joué un rôle essentiel dans la mise en oeuvre du système apparemment imaginé par Racicot et Caron pour contourner les contrôles administratifs des commissaires. Il a d'abord donné constamment sa signature à chaque mois sur des chèques de paiements de dépenses dont il devait nécessairement savoir qu'ils n'étaient pas autorisés ou ne le seraient pas. Impliqué dans le système, il ne donne aucune suite aux avertissements d'une secrétaire. Je ne retiens pas ici les avertissements qui lui auraient été donnés par un comptable. Sur ce point, il contredit formellement ce dernier. L'on ne peut considérer l'incident comme suffisamment prouvé, d'autant plus que le premier juge n'en parle pas dans son jugement. Par ailleurs, au niveau du conseil des commissaires alors qu'il est l'employé de la commission chargé de surveiller la régularité de ces paiements il se tait, il ne signale rien. Son silence était un autre élément nécessaire à la réalisation du système. Il collaborait tant au niveau de la préparation que de l'usage du faux. Il avait en réalité un devoir d'agir en vertu des fonctions qu'il détenait au sein de la commission.

Ses simples devoirs de trésorier ou directeur des finances lui commandaient de ne pas laisser les commissaires approuvés maintenir sans méfiance un système de paiement, complètement faussé dans certains de ces éléments. Il s'est donc ainsi coupable des infractions reprochées par complicité en vertu de l'article 21 C.Cr. comme l'a conclu le premier Juge.

***Note de l'auteur de ce blog: Un élément important à considérer est l'existence d'un devoir légal/contractuel d'agir***

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...