samedi 26 septembre 2009

Jurisprudence dans le cas où l'accusé ne détenant pas le statut de citoyen canadien, réclame une absolution

R. c. Peterson, 2006 QCCQ 7137 (CanLII)

[10] Les deux procureurs réfèrent le tribunal à une nombreuse jurisprudence dans le cas où l'accusé ne détenant pas le statut de citoyen canadien, réclame une absolution:

a) Jurisprudence soumise par la poursuivante

- R. c. Lévesque; la Cour d'appel du Québec y énumère huit facteurs de qualification permettant de mesurer la responsabilité intrinsèque du délinquant dans le cas de fraudes, suite à de fausses représentations pour l'obtention d'un prêt; l'accusé fut condamné à 2 ans de prison;

- R. c. Pierce; pour une fraude de 270 000,00 $ à l'égard de son employeur, la Cour d'appel de l'Ontario y maintient la sentence d'une peine d'incarcération plutôt que d'un sursis, abaissant cependant celle-ci de 21 mois à 12 mois pour les motifs de dénonciation et de dissuasion;

- R. c. Mian; pour avoir utilisé deux cartes de crédit falsifiées à l'occasion de deux transactions frauduleuse, l'accusé qui avait un statut de réfugié au Canada s'est vu refuser une absolution et a plutôt été condamné à une amende de 1 000.00 $ en plus d'une probation de 18 mois;

- R. c. Wileniec; pour une transaction frauduleuse de vente pyramidale, l'accusée a reçu comme sentence par le tribunal de première instance une absolution conditionnelle assortie d'une probation de 12 mois comportant des travaux communautaires (60 heures) et une ordonnance de restitution de 5 000.00 $; la Cour d'appel conclut qu'une absolution n'était pas appropriée: pour des motifs de dissuasion, elle imposa une amende de 5 000.00 $ en tenant compte des travaux communautaires déjà faits;

- Bouchard c. R.; l'accusé coupable d'une fraude de 61 000.00 $ à l'endroit du gouvernement fédéral réclama une absolution inconditionnelle; la Cour d'appel confirma la décision du juge de première instance d'imposer une peine d'incarcération de 12 mois assortie d'une ordonnance de probation de 2 ans comprenant la condition de rembourser la somme de 61 000.00 $.

- R. c. Bradley; la Cour d'appel de l'Alberta confirma la sentence déjà imposée en première instance, soit une peine d'incarcération de 4 ans et demi pour 15 fraudes commises à l'aide de cartes de crédit volées et de documents contrefaits (art. 368 C. cr.), en ayant recours à une supposition de personne (art. 403 C. cr.); la Cour retint comme motifs aggravants: l'importance des fraudes (90 000.00 $), l'organisation sophistiquée de celles-ci et les antécédents judiciaires de l'accusé;

- R. c. Menguellat; la Cour d'appel du Québec y émit le principe "qu'il ne suffit pas à un accusé de soulever un problème d'immigration pour obtenir automatiquement une absolution";

- R. c. Elsharany; la Cour d'appel de Terre-neuve émet les propositions suivantes pour les fins de l'octroi d'une absolution:

-le Tribunal doit tenir compte des antécédents judiciaires de l'accusé;

-l'octroi d'une absolution présuppose que l'accusé est une personne de bonne disposition qui ne requiert pas des mesures personnelles de dénonciation ou de dissuasion et pour lequel une condamnation criminelle n'aura pas des conséquences négatives démesurées;

-le fait que l'accusé fait face à une deuxième condamnation pour le même type d'infraction rend inappropriée la mesure d'une absolution pour les raisons évoquées par le juge Green (à la page 3):

"In our view, the prior finding of guilt and granting of a conditional discharge in relation to similar behaviour makes it inappropriate, in the circumstances of this case, to grant a further conditional discharge, not because the accused Is to be treated as a second-time offender, but because the similarity of the events demonstrates a pattern of behaviour that reflects on the accused's character and indicates a necessity for specific deterrence. Not to enter a conviction in these circumstances gives the wrong message to the accused that this type of behaviour will be condoned."

- R. c. Melo; la Cour d'appel de l'Ontario y fait une revue des principaux arrêts portant sur l'octroi d'une absolution à un accusé détenant un statut de non-résident; elle y énumère les principes suivants pour refuser la demande d'absolution:

- l'expulsion possible du pays de l'accusé en cas de condamnation criminelle n'est pas, en soi, un motif suffisant pour accorder une absolution;

- advenant qu'un verdict entraîne des conséquences négatives démesurées, il revient aux instances de la Commission d'appel de l'immigration d'y suppléer; le juge Arnup écrit ceci (à la page 3):

"However, under the Immigration Appeal Board Act, R.S.C. 1970, c. I-3, there is a wide open appeal from deportation orders (s. 11 [re-en. 1973-74, c. 27, s. 5]). With respect to a person who was a permanent resident of Canada at the time of the making of the order of deportation, the Board may "having regard to all the circumstances of the case" [s. 15, am. 1973-74, c. 27, s. 6] direct that the execution of the order of deportation be stayed or may quash it. With respect to a person who was not a permanent resident at the time of the making of the order of deportation, the Board may similarly act having regard to "the existence of compassionate or humanitarian considerations that in jurisdiction exists in the procedures respecting deportation and immigration matters to have due regard to special circumstances."

et il conclut aussi (à la page 4):

In my view the fact that a convicted shoplifter may be in jeopardy under the Immigration Act is not, in itself and in isolation, a sufficient ground for the granting of a conditional or absolute discharge. It is one of the factors which is to be taken into consideration by the trial Court, in conjunction with all of the other circumstances of the case. In a case where clearly on the facts disclosed a discharge would not be granted, the fact that the convicted person may be subject to deportation is not sufficient "to tip the scales" the other way and lead to the granting of a discharge. If the deportation will cause undue hardship to the convicted person in all of the circumstances of the case, appropriate powers are available in the Immigration Appeal Board to alleviate the condition thus created.

The court ought not to grant a discharge in cases where a discharge would clearly not be called for, merely because it is represented that the immigration authorities or the Immigration Appeal Board may not exercise that degree of compassion or sensitivity to the circumstances that it is suggested the court should exercise."

[11] Il est utile de noter que dans ce dossier le nombre d'infractions (trois) et la planification de celles-ci furent des considérations majeures pour refuser l'absolution demandée pour trois vols à l'étalage et de maintenir la peine imposée par le tribunal de première instance, soit 50,00 $ d'amende (aux pages 4 et 5):

"On the other hand, this offence was not a single isolated act, nor committed on impulse, nor at a time when the appellant was emotionally upset or under the influence of either drugs or alcohol (I use these illustrations having in mind some other cases that have come before the Court). She and her co-accused went to three different stores. There was a pattern or design about their activities. The case is clearly one in which, apart from immigration considerations, not even a conditional discharge should have been granted. Accordingly, in keeping with the principles I have earlier stated, the fact of imminent jeopardy with the immigration authorities ought not to lead to the granting of a discharge in this case."

- R. c. Abouabdellah; pour un vol à l'étalage de 28,98 $, la Cour d'appel du Québec accepte d'accorder à l'accusé non-détenteur de la citoyenneté canadienne et menacé de déportation une absolution conditionnelle [ce qui avait été refusée par les instances inférieures]; la Cour d'appel justifie ainsi sa décision:

"La question n'était pas correctement posée; il ne s'agissait pas de savoir si un étranger doit recevoir un traitement préférentiel à celui d'un citoyen canadien; la question était plutôt de savoir si, pour déterminer si un justiciable, citoyen canadien ou citoyen étranger, peut tirer profit d'une absolution, on doit prendre en compte, avec tous les autres facteurs, le fait qu'une condamnation peut affecter les droits quels qu'ils soient de ce justiciable, y compris le droit d'émigrer ou celui d'immigrer;

La règle d'or en la matière est qu'un justiciable ne doit pas, dans les faits, subir un châtiment qui n'a aucune mesure avec sa faute, singulièrement, comme en l'espèce, lorsque le justiciable n'a pas de casier judiciaire et que l'acte criminel n'a pas été prémédité et que cet acte criminel, quoiqu'évidemment répréhensible, n'a pas une gravité relative importante;

En l'espèce, ce n'est pas seulement parce que l'appelante sera déportée si elle n'obtient pas d'absolution qu'il faut lui donner cette absolution; l'appelante serait obligée d'interrompre des études universitaires commencées depuis plusieurs mois à Montréal; elle perdrait probablement des frais de scolarité important que les étrangers doivent payer; elle laisserait un frère qui est également étudiant ici; de retour chez elle au Maroc, elle risquerait de ne plus être admise dans sa famille compte tenu des mœurs prévalant chez elle, etc.; tout ceci pour un vol à l'étalage de 28,98 $."

- R. c. Sapko; l'accusé qui est en attente du statut de résident permanent plaide coupable à trois infractions de vol; la Cour Supérieure accorde une absolution conditionnelle à l'accusé en remplacement de l'amende déjà imposée en première instance, en tenant compte du risque de déportation; madame la juge Sophie Bourque cite une décision récente de la Cour d'appel de la Colombie Britannique dans R. c. Hamilton and Masson, 2004 186 – CCC (d) 129, laquelle se réfère à celle de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Melo 1975 26 C.C.C. (2d) 510;

- R. c. Kalinin; une fraude de 34,00 $ aux dépens du magasin Wal-Mart fut sanctionnée par une amende de 250,00 $ par le juge de la Cour municipale; en appel à la Cour Supérieure, l'accusé qui avait un statut précaire en vertu de la Loi de l'Immigration put bénéficier d'une absolution; le juge Paul écrit (à la page 2):

"La véritable question qui se pose est la suivante: Est-ce que le statut précaire d'un individu en vertu de la Loi sur l'Immigration, est suffisant en soi pour q'une absolution en vertu de l'article 730 C. cr. soit prononcée dans le cas de délits mineurs?

Bien qu'une condamnation puisse avoir des conséquences graves sur l'obtention du statut de citoyenneté, ce processus est régi par des règles [FN1], et les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, chargés d'entendre les demandes, sont présumés agir légalement, en conformité avec ces règles. Ils ont bien entendu une grande part de discrétion dans le processus décisionnel. Accorder l'absolution à toutes les personnes qui sont dans la même situation que l'appelant (délit mineur & statut de citoyenneté/réfugié précaire) équivaut à outrepasser la compétence de la Commission en leur faisant comprendre qu'ils n'exercent pas cette discrétion de façon judicieuse. Il est évident, dans un cas comme celui en l'espèce, que d'ordonner la déportation d'un individu pour une fraude de 34,00 $ à laquelle l'individu a plaidé coupable serait exagéré. L'accusé en est à son premier accroc et il a reconnu son crime.

L'accusé qui demande une absolution en vertu de l'article 730 C. cr. doit démontrer qu'il en est de son intérêt ainsi que de celui du public, à ce que la demande soit accordée.

En l'espèce, il est évident qu'il en va du meilleur intérêt de l'accusé de se voir absoudre, en raison des circonstances particulières de son statut précaire au Canada. Cela se passe de commentaires plus élaborés. Le passage suivant définit bien cette notion d'intérêt véritable de l'accusé:

"Par ailleurs, l'intérêt véritable de l'accusé suppose que ce dernier est une personne de bonne moralité, qui n'a pas d'antécédent judiciaire, quoique cela ne soit pas dirimant (R. c. Chevalier), qu'il n'est pas nécessaire d'enregistrer une condamnation pour le dissuader de commettre d'autres infractions ou pour qu'il se réhabilite et que cette mesure aurait à son égard des conséquences particulièrement négatives, [R. c. Rozon (1999) C.Q. no. 752 par. 41];

- R. c. Meunier; pour une fraude de 30 000,00 $ commise aux dépens d'une association sans but lucratif, le juge François Marchand refuse l'absolution demandée et impose un sursis de sentence assorti d'une probation de trois ans [comprenant 200 heures de travaux communautaires], en faisant valoir le besoin de dissuasion générale, malgré les remords exprimés par l'accusée sans antécédents judiciaires;

b) Jurisprudence de la défense

[12] En défense, le procureur de l'accusé cite d'autres jurisprudences axées sur l'octroi d'une absolution, en invoquant des raisons humanitaires, lorsqu'il y a risque pour l'accusé, un immigrant sans statut permanent, d'être expulsé du pays;

- R.c. Kwan; la juge Westmoreland-Traoré accorde à l'accusé, un détenteur d'un statut de réfugié, une absolution conditionnelle pour une fraude à l'égard du gouvernement en utilisant un faux certificat de citoyenneté (afin d'obtenir une carte d'assurance maladie);

- R. c. André Hébert; l'accusé, un notaire, plaide coupable à une accusation d'avoir tenté d'entraver le cours de la justice en rendant un faux témoignage lors d'une enquête préliminaire; l'accusé avait déjà dans le passé bénéficié d'une absolution conditionnelle; en raison des circonstances exceptionnelles, (procédures datant de 8 ans; traumatisme psychologique subi par l'accusé; absence de victime; perte financière; effet préjudiciable d'une condamnation sur les voyages éventuels aux Etats-Unis) le juge Sirois conclut que l'accusé a déjà été suffisamment puni;

- R. c. Tan; la Cour d'appel de la Colombie Britannique juge que le fait d'avoir déjà bénéficié d'une absolution ne fait pas obstacle à une deuxième absolution; la Cour émet les principes suivants:

"In the instant case, however, before an absolute or a conditional discharge could be given, the Court must form a consideration that that course

a) is in the best interests of the accused, and

b) is not contrary to the public interest.

The Court must in some way satisfy itself that it is in the best interests of the accused person and not contrary to the public interest before it can direct an absolute or a partial discharge. Can it be said that it is in the best interests of an accused person that he be given a conditional or an absolute discharge today for an offence that he commits, when he received an absolute or a conditional discharge in the past for some other offence because the law prohibits any reference to the fact that he had on a previous occasion been given an absolute or a conditional discharge because the section says that "the accused shall be deemed not to have been convicted…". This construction would give to an accused person a licence to go out and commit and re-commit offences with the assurance that when he pleaded guilty to or was found guilty of the subsequent offence he would be eligible for the same treatment because the law prohibits any reference to the prior discharge, absolute or conditional.

Would it not be grossly contrary to the public interest if such a course were possible?

To ask the question invites the answer which illustrates the absurdity of the submission.

What the Court below was doing was considering the fitness of an absolute or a conditional discharge as a mode of disposition of the offence to which the respondent had pleaded guilty. Surely, the primary duty of the Court is and would be to inquire into whether or not the applicant was a person of good character; his mode of life and other antecedents germane to the question of sentence and in the instant case to satisfy itself that an absolute or conditional discharge was in the best interests of the accused and not contrary to the public interest."

- Nourelkods Elberhdadi; la Cour d'appel du Québec modifie la sentence d'une amende de 50,00 $ déjà imposée en première instance, pour un vol de vêtements; elle accorde une absolution conditionnelle (un don de 200,00 $) à l'accusé exposé à une expulsion du Canada en cas d'une condamnation criminelle;

- R. c. Elsharawy; la Cour d'appel de Terre-Neuve se penche sur la question d'une demande d'absolution pour un accusé ayant déjà bénéficié d'une absolution pour le même genre d'infraction; le juge Green s'appuie sur les motifs déjà invoqués dans R. c. Tan (1974) 22 C.C.C. (2d) 184 (BCCA); R. c. Fallofield (1973); 13 C.C.C. (2d) 450; BCCA; Waters reflex, (1990) 54 C.C.C. (3d) 40 (Sask. Q.B) et écrit les considérants suivants pour refuser l'absolution:

"In our view, the prior finding of guilt and granting of a conditional discharge in relation to similar behaviour makes it inappropriate, in the circumstances of the case, to grant a further conditional discharge, not because the accused is to be treated as a second-time offender, but because the similarity of the events demonstrates a pattern of behaviour that reflects on the accused's character and indicates a necessity for specific deterrence. Not to enter a conviction in these circumstances gives the wrong message to the accused that this type of behaviour will be condoned."

- R. c. Stuckles; l'accusé coupable d'un bris de probation s'est vu refuser une absolution en première instance; le Tribunal siégeant en appel clarifie la règle déjà émise dans l'arrêt TAN (1974) 22 C.C.C. (2d) 184 (B.C.C.A) selon le juge Kennedy, l'interprétation correcte de la règle n'empêche pas d'accorder une absolution à un accusé ayant déjà reçu une première absolution pour le même type d'infraction;

- R. c. Lalonde; le juge Michel Mercier se penche à nouveau sur la question de l'octroi d'une deuxième demande d'absolution, il écrit (à la page 2):

"Même s'il est vrai qu'on peut se voir obtenir une deuxième absolution conditionnelle ou inconditionnelle et qu'on ne peut refuser cette sentence pour le simple fait qu'on en a déjà obtenu une dans le passé, (voir à cet effet, " R. c. Chevalier", [1990] A.Q. no. 415, 7-03-90 C.A.Q. 500-10-000351-898), il est pour le moins inusité et exceptionnel de se retrouver dans cette situation puisqu'un des critères à analyser entre autres pour l'octroi d'une telle sentence est d'être sans antécédent judiciaire, (voir à cet effet les critères énumérés dans "R. c. Fallofield" (1973) 13 C.C.C. (2d) 450 ou 22 C.R.N.S. 342)."

- Moshe Rabin-Levy C. R.; l'accusé qui avait perdu son statut permanent en raison du refus d'une absolution en première instance (tel que le prévoit l'article 36 (2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001 ch. 27) réussit à obtenir en appel une absolution; le juge Paul rappelle les motifs déjà retenus dans sa décision R. c. Kalini (2002) J.Q. no. 1158 (Q.L.) (C.S.) à l'effet qu'il n'y a pas lieu d'accorder l'absolution à toutes les personnes menacées de déportation suite à une condamnation, "ce qui équivaut à outrepasser la compétence de la Commission".

Cependant, pour des raisons humanitaires, le juge Paul accepte d'accorder la demande d'absolution, notamment, afin d'éviter que les enfants de l'appelant, issues de sa relation avec la plaignante ainsi qu'avec sa nouvelle compagne soient privés de l'apport de l'appelant;

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