samedi 12 septembre 2009

La détention provisoire

R. c. Poulin 2008 QCCQ 10903 DATE : Le 26 novembre 2008 N° : 565-01-000414-078

[167] Quant au calcul de la période passée sous garde avant l'imposition de la sentence, l'article 719 (3) du Code criminel en reconnaît le principe :

«Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d'une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l'infraction.»

[168] Monsieur le juge Laskin dans R. c. Rezaie [1997] 112 C.C.C. (3d) 97 (C.A. Ontario) l'explique et en résume les caractéristiques particulières à la page 104 :

«Although this section is discretionary, not mandatory, in my view a sentencing judge should ordinarily give credit for pre-trial custody. At least a judge should not deny credit without good reason. To do so offends one's sense of fairness. Incarceration at any stage of the criminal process is a denial of an accused's liberty. Moreover, in two respects, pre-trial custody is even more onerous than post-sentencing custody. First, other than for a sentence of life imprisonment, legislative provisions for parole eligibility and statutory release do not take into account time spent in custody before trial (or before sentencing). Second, local detention centres ordinarily do not provide educational, retraining or rehabilitation programs to an accused in custody waiting trial. For these reasons, pre-trial custody is commonly referred to as "dead time", and trial judges, in deciding on an appropriate sentence, frequently give credit for double the time an accused has served.»

[169] Bien que l'article 719 (3) énonce le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de la période passée sous garde depuis l'arrestation ou l'incarcération, les tribunaux canadiens en ont fait un devoir :

· Lefebvre c. La Reine (1995) 67 Q.A.C. 236 (C.Q. Québec)

· R. c. Bertram (1990) 40 O.A.C. 317 (C.A. Ontario)

· R. c. M. (C.A.) 28 C.R. (4ed) 106 (C.A.C.B.)

· Masse c. La Reine, [1996] R.J.Q. 564

[170] Cependant, les tribunaux ont refusé d'attribuer automatiquement une valeur prédéterminée à cette période :

· R. c. Regan (1975) 4 W.W.R. 335 (C.S. Div. appel Alberta)

· R. c. Meilleur (1981) 22 C.S. (3d) 185 (C.A. Ontario)

· R. c. Cheichie (1983) 21 M.V.R., 221 (C.A. Manitoba)

· R. c. Tallman (1989) 48 C.C.C. 81 (C.A. Alberta)

· R. c. Balian (1988) 7 W.C.Bb. (2d) 107 (C.A. Ontario)

· R. c. Nelson (1992) 17 W.C.B. (2d) 561 (Y.T. C.A.).

[171] Il s'agit d'un principe également appliqué par notre Cour d'Appel:

· R. c. Marcoux et R. c. Vezeau, no. 10-000260-73 et 10-000261-73 décisions du 7 février 1974 de la C.A. Québec, non rapportées

· R. c. Dumas, no. 10-000348-73 et no. 10-000349-73, décision du 28 février 1974 de la C.A. du Québec, non rapportée

· R. c. Fafard, no. 10-000350-73 et no. 10-000351-73, décision du 26 avril 1974 de la C.A. Québec, non rapportée.

[172] Toutefois, on peut constater que la période de détention provisoire est généralement calculée comme valant le double du temps réellement passé sous garde.

· Borelli c. La Reine, (1988) R.J.Q. 2035 (C.A. Québec)

· R. c. Frew, J.E. 90-1625 (C.A.Québec)

· Houle c. La Reine, [1995] R.J.Q. 1012 (C.A. Québec)

· Lefebvre c. La Reine, précité

· Masse c. La Reine, précité.

[173] L'auteur Gilles Renaud, dans un ouvrage intitulé "Principes de la détermination da la peine, 2004, Éd. Yvon Blais, écrit à ce sujet:

“Ainsi, puisque le fait d’être détenu est en soi une punition, que les circonstances et les conditions d’une détention provisoire sont souvent beaucoup plus astreignantes que lors d’une peine d’emprisonnement eu égard aux carences au niveau des programmes de réadaptation, d’absences temporaires, de contact avec les parents et proches, et l’absence de libération conditionnelle, il est approprié de tenir compte de cette période conformément à l’article 719 (3), et d’accorder des crédits supplémentaires allant au « deux pour un » de façon générale.

Deux raisons principales expliquent donc cette pratique : les conditions de détention plus difficiles lors de la détention provisoire et l’impossibilité de bénéficier des règles de libération conditionnelle pendant cette période. C’est ainsi que l’on a qualifié la détention provisoire de temps mort ou dead time.

Comme le rappelle la juge Mailhot dans l’arrêt Masse, précité, les conditions de détention provisoire sont généralement difficiles non seulement à cause du lieu de détention et de l’absence fréquente de programmes adaptés mais également à cause de la situation particulière dans laquelle se trouve un prévenu :

[…] l’accusé qui bénéficie, à ce stade, de la présomption d’innocence est placé dans une situation d’incertitude face au résultat ultime de son procès et n’est pas alors toujours dans l’état mental requis pour entreprendre un processus de réhabilitation; […]

Par ailleurs, le rapport de 2 pour 1 ne peut être considéré comme un avantage pour l’accusé.

Je rappelle que le juge aura généralement identifié la peine appropriée avant d’en déduire la période de détention provisoire. Cette déduction a donc pour objectif d’imposer une peine juste eu égard à cette période de détention provisoire.

Cette détention provisoire ne compte pas, sauf exception, dans le calcul de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Par conséquent, le prévenu qui passe une année en détention provisoire purge, en réalité, pendant cette période, l'équivalent d'une peine de 18 mois à trois ans (parfois même plus) puisque les règles en matière de libération conditionnelle prévoient que le contrevenant peut être libéré au tiers ou aux deux-tiers de sa peine (certaines mesures permettant toutefois de le libérer plus tôt ou plus tard). Il ne s'agit évidemment pas de règles immuables mais de considérations pertinentes à la question.

En établissant le rapport de 2 pour 1, les tribunaux ont donc tout simplement établi une pratique qui prend en compte cette difficulté afin que le prévenu ne soit pas puni davantage pour la seule raison que la peine ne fut pas imposée au début des procédures.»

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