R. c. Lavoie, 2009 QCCQ 647 (CanLII)
[10] Il est entendu que cette présomption n'impose pas à l'accusé un fardeau de persuasion, mais plutôt un fardeau de présentation, et qu'elle peut être repoussée en soulevant un doute raisonnable (R. c. Poulin-Chénard, [2007] J.Q. no 1738, (C.A.Q).
[12] Il existe dans la jurisprudence des jugements qui ont eu à examiner ce que certains qualifient, à tort ou à raison, de "défense de peur ou de panique".
[13] Par exemple, dans R. v. Brautigam, [1988] B.C.J. no. 417 (C.A.C.B.), l'accusé s'était contenté de déclarer qu'il avait quitté les lieux de l'accident car il avait eu peur (scared), sans plus, sans expliquer pourquoi il avait eu peur:
(…) Unusual circumstances might conceivably occur where fright may be caused for reasons other than escaping criminal or civil liability. But fright or panic are not by themselves sufficient to displace the presumption established by Parliament to force drivers who injure persons in motor vehicle accidents to render assistance to their victims. Being scared describes a man's reaction to the events but does not disclose why he flees. In this case there was no other evidence for the judge to consider, as there was in Emery. Absent reasonable and explicit other specific reasons for leaving the scene of the accident the judge was right in concluding the presumption to escape liability was not displaced. The expression "I was scared" is not by itself evidence of a lack of intent to escape criminal or civil liability.
[14] Dans R. v. Emery [1981] B.C.J. No. 889 (C.A.C.B.), auquel il est fait allusion dans l'extrait précédent de Brautigam, l'accusé avait quitté les lieux de l'accident non pas dans l'intention d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle, mais, parce que, disait-il, il avait paniqué, car "he was afraid of […] the view of a dead man at the scene".
[15] Malgré cette explication, et malgré que le juge de première instance ait dit croire l'explication de l'accusé, celui-ci a tout de même été trouvé coupable. Cette condamnation a été maintenue en appel devant la County Court.
[16] En appel devant la Cour d'appel de Colombie-Britannique, l'appel de l'accusé a été rejeté, mais non sans une forte dissidence du juge Anderson. La majorité a dû interpréter la décision du premier juge pour maintenir la condamnation. Quant au juge Anderson, il aurait accueilli l'appel de l'accusé et cassé la condamnation au motif que:
[34] The learned trial judge, in my opinion, fell into error in holding that panic or fear could not constitute a lawful excuse for leaving the scene of an accident. In so doing, the learned trial judge applied the wrong test. The issue to be determined was not whether the accused left the scene because he panicked, but whether when he left the scene he did so with the intention of escaping civil or criminal liability. The accused testified that it was not his intention to escape liability, either criminal or civil, and that he left the scene because, "I was just afraid that I was pretty positive the fellow was dead and I just didn't want to go there. I don't think I could have handled it if he was, to see his dead body lying."
[35] As the learned trial judge accepted this evidence, he was bound in law to reach the conclusion that the presumption contained in Section 233 subsection (3) had been rebutted and that the accused must be acquitted.
[17] Par ailleurs, la jurisprudence contient de multiples exemples où l'explication de l'accusé à l'effet qu'il avait quitté les lieux de l'accident parce qu'il avait eu peur ou parce qu'il avait paniqué a été retenue.
[18] Par exemple, dans une affaire de R. v. Vitzthum, [1988] B.C.J. no. 3112, (C.C.C.B.), le juge retient que:
8. The learned trial Judge found that with regard to the appellant's failure to stop his vehicle, there was evidence to the contrary. In this regard, he refers to the appellant's "panic" and "the general excitement of the situation" and concludes that stopping his vehicle might only have aggravated the already violent situation between himself and the complainant and the complainant's friend
[19] Dans cette affaire, l'accusé était confronté à une prostituée qui venait d'accepter son argent sans lui rendre les services escomptés, et de laquelle il avait bien l'intention de récupérer la somme d'argent avancée.
[20] Dans ses efforts pour récupérer ladite somme d'argent, l'accusé s'est retrouvé face à cette dame, qui est soudainement sortie de l'auto de son souteneur, cette fois armée d'un couteau avec une lame de 6 pouces, et face au souteneur lui-même, armé quant à lui d'un "2 x 4", dont il s'est d'ailleurs servi pour frapper violemment une des portes du véhicule de l'accusé.
[21] Pris de panique, l'accusé a omis de s'arrêter après qu'il eût accidentellement frappé le souteneur en voulant prendre la fuite. Accusé de délit de fuite, le juge d'appel a jugé que l'accusé avait de bonnes raisons d'avoir peur, et que sa responsabilité civile et criminelle était le moindre de ses soucis dans les circonstances. L'accusé a donc été acquitté.
[22] Pour un autre exemple, voir aussi R. v. Kleberc, [2007] Y.J. No.58 (YK. T.C.).
[23] Dans Poulin-Chénard, précité, la Cour d'appel écrit dans son jugement que la preuve présentée laissait, dans les circonstances, amplement place pour un doute raisonnable quant à l'intention spécifique de l'accusé:
6. Tel que mentionné précédemment, l'état de panique dont il est question ne se limite pas à une simple affirmation de l'intimée quant à un tel état. Au contraire, la défense était fondée à la fois sur la déclaration de l'intimée, qui n'a pas limité son explication à un état de panique, et sur une preuve scientifique, déclaration et preuve que le juge a retenues dans leur entièreté et qui ont soulevé, dans son esprit, un doute raisonnable quant à l'existence de l'intention spécifique. Ceci distingue le présent dossier des arrêts R. v. Emery, 61 C.C.C. (2d) 84 (B.C. C.A.) et R. v. Brautigam, 6 M.V.R. (2d) 135 (B.C. C.A.), cités par l'appelante.
[24] Dans l'affaire R. c. Breault, [1995] J.Q. no. 3137 (C.Q.), citée par la défense, l'accusé a soulevé dans l'esprit de la juge d'instance un doute raisonnable quant à son intention de quitter les lieux dans le but d'éviter "une poursuite criminelle ou civile", et l'accusé a été acquitté.
[25] Pour ce faire, l'accusé a témoigné sur son état d'esprit après l'accident, et a fait entendre des témoins qui ont "corroboré" ou ajouté à la version de l'accusé.
[26] Dans Breault, aucune preuve de nature médicale relative à l'état d'esprit de l'accusé n'a été présentée. Manifestement, une preuve de nature médicale de l'état mental de l'accusé est pertinente dans l'évaluation de l'intention qui animait l'accusé lorsqu'il a quitté les lieux de l'accident. Mais elle n'est pas essentielle.
[27] Dans une affaire de F.F.T, [2003], AZ-50176834 (C.Q.), le juge de première instance, face aux explications de l'accusée, conclut que l'état de l'accusée
[…] est celui d'une personne normale qui a vu un homme en train de mourir des suites d'un accident où elle a été impliquée et où elle n'avait rien à se reprocher. Elle ne circulait pas trop vite ni négligemment avant l'accident. Elle n'était pas intoxiquée au moment de l'écrasement de monsieur A.
[28] L'accusée a été trouvée coupable.
[29] Finalement, dans une affaire de Fournier, rapportée à [1979] J.Q. no 215 (C.A.Q.), les faits étaient les suivants:
[20] [L'accusé] réside à St-Antoine de Pontbriand, mais passe la soirée dans un hôtel de St-Jacques de Leeds, où, en compagnie d'un ami, il consomme, dit-il, de 7:30 p.m. environ jusque vers 3:00 a.m., cinq ou six petites bouteilles de bière. Au volant de sa voiture il quitte l'hôtel dans l'intention d'aller coucher chez son beau-frère, à St-Jacques. Arrivant à destination il freine, dévie à gauche dans l'intention de faire un virage à droite, dérape et heurte les voitures stationnées de Chabot et de Poulin. Il conduit sa voiture dans l'entrée de la cour de son beau-frère, en descend, examine les dégâts.
[21] Enervé, dit-il, il remonte dans son automobile, réfléchit et se dit qu'il n'éveillera pas son beau-frère à cette heure de la nuit, que le matin venu il avisera Chabot de l'accident; il ignore alors avoir heurté aussi la voiture de Poulin.
[22] Fournier se rend coucher chez lui, et vers 11:00 a.m. se rend chez son beau-frère, constate qu'íl a endommagé deux voitures, et s'identifie aux deux victimes.
[30] La Cour d'appel accueille l'appel de l'accusé, et l'acquitte, et ce dans les termes suivants:
A l'étude de l'ensemble de la preuve, vu la crédibilité que le premier juge ne refusa pas à Fournier [le juge de première instance avait cru l'accusé], considérant que l'appelant connaissait les victimes de l'accident dont il fut l'auteur et se rendit les visiter, les explications vraisemblables et raisonnablement croyables fournies par l'accusé de son départ des lieux sans s'identifier, l'heure tardive de la nuit et les autres circonstances que révèle le dossier, je ne puis dissiper un doute que j'estime raisonnable que l'accusé n'ait pas eu l'intention, en quittant les lieux, de se soustraire à sa responsabilité civile ou criminelle.
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