R. c. Guimont, 2009 QCCQ 9881 (CanLII)
[34] La définition de voie de fait est étudiée de façon exhaustive par l'honorable juge Vauclair dans l'affaire Freedman. Il convient de conclure qu'il subsiste un certain débat sur la nature du geste qui constitue une voie de fait au sens du Code criminel.
[35] J'appliquerai en l'espèce une interprétation souple et large telle que retenue par plusieurs instances. Particulièrement par la Cour d'appel du Québec dans R. c. Bernier. La Cour d'appel avait alors à décider si le caractère hostile est nécessaire pour qu'un attouchement (dans ce cas à caractère sexuel) prenne un sens ou une portée criminel.
[36] La Cour d'appel l'exprimait ainsi :
21 Le sous-paragraphe 265 (1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d'imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S'agit-il d'une force physique extrême ou négligeable?
22 À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "intentional touching... without consent and lawful excuse":
An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...). But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight, for, as Blackstone wrote:
" the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner. "
As Lane LCJ put it:
" An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate. »
23 Selon cette définition, tout toucher intentionnel sans excuse légitime est donc une agression.
[37] La Cour suprême, en 1998, soit un an après l'arrêt Bernier précédemment mentionné, examinait la définition d'une voie de fait grave. La juge L'Heureux-Dubé enseignait :
11 Comme il ressort d'un examen des éléments sous-jacents des voies de fait, qui sont à la base de toutes les dispositions relatives aux voies de fait, l'interdiction au Code criminel de l'emploi intentionnel et non consensuel de la force est interprétée de façon très large. Tout attouchement non souhaité, quelque minime que soit la force employée, est criminel. Les actes physiques interdits par le régime des voies de fait comprennent non seulement le coup de poing au visage ou les rapports sexuels obtenus à la pointe d'un couteau, mais encore l'imposition de la main sur la cuisse de la personne qui occupe la place voisine dans un autobus : voir R. c. Burden (1981), 25 C.R. (3d) 283 (C.A.C.-B). L'objectif du régime des voies de fait est nettement beaucoup plus large que la simple protection des personnes contre les blessures graves. Le régime des voies de fait vise, de façon plus générale, à protéger l'intégrité physique des gens.
[38] Dans Canadian Foundation en 2004, l'approche de la juge Arbour est plus restrictive sur la qualification d'une voie de fait que celle adoptée par le juge Binnie. Ainsi, l'honorable juge Arbour (dissidente) écrivait :
201 L’emploi d’une certaine force contre autrui n’indique pas toujours l’existence de voies de fait au sens du droit criminel. [Traduction] « Bien au contraire, nombreux sont les exemples de contacts accessoires qui ne sauraient être considérés comme des actes criminels »
[39] Voici ce qu'exprimait le juge Binnie :
116 À première vue, l’article 265 est très général et il a été interprété de manière libérale, parce que, ainsi que le souligne Blackstone, op. cit., p. 195, on a toujours estimé qu’il était irréalisable d’établir une distinction rationnelle entre les « degrés de violence ». Le professeur Ashworth ajoute : [traduction] Est-il normal d’élargir la portée du droit criminel au simple contact, si anodin soit-il? La justification traditionnelle veut qu’il n’existe aucune autre ligne de démarcation logique et qu’à tout le moins, ce fait révèle l’intérêt que le droit porte à l’intégrité physique des citoyens. (A. Ashworth, Principles of Criminal Law (4e éd. 2003), p. 319)
[40] Dans notre cas, contrairement à Freedman, le procureur de Madame Guimont ne reconnaît pas que le geste posé par cette dernière constitue une voie de fait. En retenant la version de l'accusée, le Tribunal conclut que de mettre de la pression sur l'épaule d'un étudiant est « techniquement » une voie de fait au sens du Code criminel. La force est utilisée par le toucher et par la pression exercée. Sans être assuré de la nécessité de prouver le contexte d'hostilité, le Tribunal considère que le geste commis avait un certain caractère d'irrespect et de légère rudesse. Ce geste rend la personne qui le subit suffisamment inconfortable pour sentir une atteinte à son intégrité physique. Ce geste remplit l'actus reus prévu par le législateur et est conforme à ce que le législateur a voulu proscrire en codifiant l'article 265 C.cr.
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