vendredi 5 mars 2010

La défense d'alibi

R. c. Johnson, 2003 CanLII 49042 (QC C.Q.)

[56] La jurisprudence reconnaît que la défense n'a aucune obligation d'annoncer à l'avance son intention de présenter un alibi et que cette omission ne pourra pas l'empêcher de la présenter. Cependant, il est établi que l'accusé courra un risque important quant à sa valeur probante et à la crédibilité de sa défense d'alibi, si elle n'en fait pas l'annonce en temps utile.

[57] Ce principe a été réitéré à plusieurs reprises. Dans l'arrêt R. c. Létourneau 1994 CanLII 445 (BC C.A.), (1994), 87 C.C.C. (3d) 481 (C.A.C.-B.), le juge Cumming au nom de la Cour, à l'unanimité, à écrit à la page 532 ce qui suit :

«Il est établi en droit que la communication de la défense d'alibi pour respecter deux conditions:

Elle doit être faite suffisamment tôt pour permettre aux autorités de la vérifier;

Elle doit être suffisamment précise pour permettre aux autorités de la vérifier de façon utile.

Si l'omission de communiquer l'existence d'un alibi, n'annule pas la défense, elle risque d'affaiblir la valeur que le juge des faits lui accordera …»

[58] La sanction de l'omission, de l'oubli ou de la non-communication de la défense d'alibi en respectant les règles établies par la jurisprudence, a pour conséquence que le juge des faits risque de tirer une conclusion défavorable dans l'appréciation de la preuve d'alibi présenté au procès (R. c. Cleghorn, 1995 CanLII 63 (C.S.C.), [1995] 3 R.C.S. 175).

[59] En cas de rejet par le juge des faits de la défense d'alibi, différentes options s'offrent à lui. Dans Hibbert c. La Reine, 2002 CSC 39 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 445, le juge Arbour de la Cour suprême du Canada, a brièvement résumé l'état du droit en ce qui concerne le rejet d'un alibi invoqué comme moyen de défense:

«En l'absence d'une preuve d'invention (fabrication délibérée), l'alibi auquel on n'ajoute pas foi n'a aucune valeur probante.

Un alibi auquel on n'ajoute pas foi n'est pas suffisant pour étayer une conclusion d'invention ou de fabrication délibérée. Il doit y avoir d'autres éléments de preuve qui permettraient à un jury raisonnable de conclure que l'alibi a été fabriqué délibérément et que l'accusé a participé à cette tentative d'induire le jury en erreur. C'est la tentative d'induire en erreur, et non le rejet de l'alibi, qui justifie une inférence de conscience de culpabilité.

Dans les cas où cela est indiqué, notamment lorsqu'il y a plusieurs accusés, le jury devrait être informé que l'alibi fabriqué peut être utilisé pour situer l'accusé sur les lieux du crime, mais qu'il se peut qu'il ne permette pas de l'impliquer directement dans la perpétration du crime.

Lorsqu'il existe une preuve qu'un alibi a été fabriqué, à l'instigation de l'accusé ou à sa connaissance et avec son approbation, cette preuve peut être utilisée par le jury pour étayer une inférence de conscience de culpabilité.

Dans les cas où une telle inférence est possible, le jury devrait être informé qu'il peut, et non qu'il doit, la faire.

Un alibi fabriqué n'est pas une preuve concluante de culpabilité. »

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