lundi 5 avril 2010

Droit à l’assistance de l’avocat de son choix

R. c. Poissant, 2010 QCCQ 1907 (CanLII)

[16] La Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Proulx, dans l’arrêt R. c. Dozois, [1996] A.Q. no 3752, rappelle que la Cour suprême du Canada a souligné à maintes reprises que l’al. 10b) de la Charte impose aux policiers des obligations non seulement pour informer une personne arrêtée de ses droits, mais aussi quant à la mise en application de l’exercice de ses droits.

[17] Ainsi, lorsqu’une personne arrêtée a exprimé le désir d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat après en avoir été dûment informée, deux obligations incombent à l’État : (1) fournir une possibilité raisonnable à la personne arrêtée d’exercer son droit et (2) surseoir à l’enquête ou s’abstenir de prendre d’autres mesures jusqu’à ce que la personne ait eu cette possibilité raisonnable. C’est ce qui a été réitéré dans l’arrêt R. c. Prosper, 1994 CanLII 65 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 236.

[18] Ce droit n’est toutefois pas absolu. À moins que la personne détenue ne fasse valoir son droit et qu’elle ne l’exerce avec diligence, l’obligation correspondante des policiers de lui donner la possibilité raisonnable de l’exercer et de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve, soit ne prendra pas naissance, soit sera suspendue : R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173, p. 192, le juge Lamer se référant à R. c. Tremblay, 1987 CanLII 28 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 435, p. 439 et R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, p. 154‑155.

[19] Néanmoins, si l’avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable, le détenu devra alors communiquer avec un autre avocat : R. c. Ross, 1989 CanLII 134 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 3, p. 11. L’enquête policière ne peut être suspendue indéfiniment.

[20] Dans l’arrêt R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 216, la Cour suprême est d’opinion « qu’il se peut qu’il soit déraisonnable de ne pas demander des conseils à l’avocat qui est disponible lorsque le seul disponible est un avocat de garde ou un avocat de l’aide juridique ».

[22] L’accusé a certes pu communiquer avec le service de garde de l’aide juridique après qu’on l’eut avisé qu’on ne pouvait joindre Me Chaloux. Cette information n’est pas fausse, mais inexacte et demeure incomplète. L’accusé a cru à tort à la non-disponibilité de Me Chaloux alors que ce n’était pas le cas. C’est la raison pour laquelle il a accepté de s’entretenir avec une avocate de l’aide juridique.

[23] La policière aurait dû minimalement laisser un message dans la boîte vocale de Me Chaloux. Il n’y avait pas urgence d’agir de la sorte même si le médecin a été obligé d’attendre avant d’effectuer le prélèvement sanguin. Ce faisant, elle n’a pas offert à l’accusé toute l’aide nécessaire pour qu’il puisse consulter l’avocat de son choix.

[24] Dans les arrêts R. c. Littleford, 2001 CanLII 8559 (ON C.A.), 2001 CanLII 8559 (ON C.A.) et R. c. Sheppard, 2005 NLCA 45 (CanLII), 2005 NLCA 45 (CanLII), les cours d’appel de l’Ontario et de Terre-Neuve et du Labrador ont conclu à la non-violation du droit à l’avocat de son choix même si les policiers ont rapidement mis l’accusé en contact avec le « duty counsel » après avoir laissé un message sur le répondeur de l’avocat d’abord choisi.

[25] Dans la présente affaire, bien que l’accusé ait, par la suite, contacté le service de garde de l’aide juridique, la Cour estime qu’il n’avait pas clairement renoncé à parler à Me Chaloux. Cette renonciation équivoque était basée sur un renseignement erroné fourni par l’agente Huneault, ce qui a eu pour effet de le priver non pas de consulter un avocat, mais bien du droit de recourir à l’assistance de l’avocat de son choix.

[26] En conséquence, la Cour conclut, par prépondérance, à la violation du droit de l’accusé à l’assistance de l’avocat de son choix.

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