mardi 27 juillet 2010

Quel est l’impact de l'état de santé de l'accusé sur la détermination de la peine? Revue de la jurisprudence par le juge Pierre Lortie sur cette question

R. c. D.B., 2007 QCCQ 12664 (CanLII)

Lien vers la décision

1) R. c. Grégory, [1994] A.Q. no 801 (C.A.)

[22] La gravité objective des infractions commises jointe à l'application des critères de dissuasion et de neutralisation qui sont prépondérants dans les cas de trafic de stupéfiants révèlent que la peine imposée par le juge de première instance n'est pas, en soi, sévère. Toutefois, nous sommes en présence de l'une de ces rares affaires où la motivation humaine guidera essentiellement la détermination de la peine. En effet, l'imposition d'une mesure carcérale est désormais vaine et ne servirait ni l'intérêt de protection sociale ni celui de réadaptation par une détention réflexive.

[23] L'appelante est atteinte d'une maladie dégénérative et incurable, qu'elle a vécue comme un outrage et qui la place dans une zone neutre où la mort imminente se substitue à toute réclusion sociale. À la lumière du rapport médical et du rapport d'évaluation, on peut raisonnablement penser que la société n'a plus à être protégée et que l'appelante, par commisération, n'a plus à être punie: Elle a déjà vécu 3 mois de détention préventive. Elle terminera, dans une maison de transition, les derniers mois de sa vie puisqu'il paraît souhaitable que l'ultime sentence s'accomplisse dans la dignité. Les autorités de la maison de transition détermineront le temps de séjour de l'appelante au sein de sa famille.

[24] En conséquence, je crois qu’il y a lieu d’accueillir l’appel, de surseoir au prononcé de la sentence et d’ordonner que l’appelante soit libérée selon les conditions prescrites dans l’ordonnance de probation […]

2) Colas c. R., J.E. 97-1759 (C.A.)

Juge Tourigny : Même si l'état de santé de l'appelant au moment des événements attire la sympathie, il faut dire que son procureur a affirmé devant nous qu'il n'y avait, pour le moment, aucun signe que le cancer qui l'avait affligé était encore source de problème.

Juge Biron : Je n'ignore pas que l'appelant souffre d'un cancer. Si on nous avait représenté qu'il était en phase terminale, ma conclusion aurait été différente. Or, ce n'est pas le cas.

3) Savard c. R., 2000 CanLII 6767 (QC C.A.), [2000] R.J.Q. 2262 (C.A.); J.E. 99-1455 (C.Q.)

[46] Pour les motifs qui précèdent, et compte tenu des représentations des deux parties qui soumettent que pour des raisons humanitaires liées à l'état de santé de l'appelant, l'imposition d'une mesure carcérale ne servirait pas les objectifs de la détermination de la peine, j'estime que pour éviter à l'appelant de purger la peine d'incarcération de 20 mois en conséquence du défaut, il y aurait lieu de rayer la clause d'emprisonnement ordonné à défaut de paiement.

[47] Quant à la période de 18 mois, au sujet desquels la question de l'applicabilité du sursis à l'emprisonnement ne se pose pas, je proposerais que cette peine soit remplacée par une ordonnance de sursis selon l'art. 742.1 C.cr.

Note : Le jugement de première instance relate que l'accusé est atteint d'un cancer incurable, que son expectative de vie est courte, soit un peu moins de deux ans, et que son état nécessite des traitements médicaux fréquents.

4) Champagne c. R., J.E. 2002-109 (C.A.)

[7] Enfin, en ce qui a trait au dernier argument afférent aux motifs humanitaires, bien que le Ministère public concède que l'appel devrait être accueilli et qu'une peine d'emprisonnement avec sursis devrait être imposée, la Cour est d'avis qu'elle ne peut souscrire à cette proposition pour le motif suivant : la perspective d'une opération chirurgicale prochaine et d'une convalescence de deux à quatre mois ne justifie pas le recours à une mesure exceptionnelle de clémence, comme ce fut le cas dans l'affaire [Savard].

5) R. c. L.L., J.E. 2002-798 (C.Q.)

[29] L'accusé a 60 ans; il est diabétique et souffre d'insuffisance rénale depuis septembre 2000, ce qui l'amène à subir une dialyse trois fois par semaine.

[30] Le Tribunal doit tenir compte de l'état de santé dans la détermination de la peine; mais cet état de santé ne peut soustraire complètement l'accusé à une peine qui autrement serait pleinement méritée; les tribunaux, tout en tenant compte de l'âge et de l'état de santé de certains accusés, ont néanmoins prononcé des peines d'emprisonnement en milieu carcéral quand les circonstances le justifiaient.

[31] La Cour Suprême du Canada dans l'arrêt R. c. R.N.S., 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149, a rétabli une peine d'emprisonnement en milieu carcéral de 9 mois même si l'accusé éprouvait des problèmes sérieux de santé; le juge du procès avait tenu compte de l'état de santé de l'accusé pour imposer une peine moins sévère, peine rendue déraisonnable par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique en la transformant en peine d'emprisonnement avec sursis; l'accusé avait été déclaré coupable d'agression sexuelle sur une fillette de 5 ans. […]

[34] Les Cours d'appel de d'Ontario [R. c. Drudge, [1988] O.J. No 125 (C.A. Ont.)] de Colombie-Britannique [R. c. Maczynski, C.A.C.B., 120 C.C.C. (3d) 221, 30 octobre 1997], de Saskatchewan [R. c. S.(E.), C.A. Sask., 2001 S.K.C.A. 38, 12 mars 2001] et du Manitoba [R. c. R.(J.D.) C.A. Man., 126 Man. R. (2d) 253, 15 mai 1998] ont maintenu et même augmenté des peines en milieu carcéral en dépit de l'état de santé précaire et de l'âge avancé des accusés; l'état de santé tout en étant considéré, ne constituait pas un facteur décisif.

[36] N’eut été de son état de santé, le Tribunal aurait accédé à la demande du procureur de la poursuite et imposé une peine de pénitencier; le Tribunal est donc disposé à prononcer une peine moindre que celle réclamée par le ministère public.

[37] Toutefois, la peine ne pourra être purgée dans la collectivité, vu d’une part la présence de risques de récidive et la gravité du préjudice susceptible d’en découler et d’autre part une peine d’emprisonnement avec sursis dans la présente affaire ne rencontrerait pas l’objectif et les principes de détermination de la peine visés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel : une peine d’emprisonnement avec sursis n’aurait pas l’effet dénonciateur et dissuasif suffisant puisque ces objectifs sont particulièrement pressants dans le présent dossier; de plus, la peine ne serait pas proportionnelle à la gravité de l’infraction et à la responsabilité de l’accusé qui est le principe fondamental dans la détermination de la peine.

[38] En conséquence, le Tribunal condamne l'accusé sur chacun des chefs d’accusation à deux ans moins un jour d’emprisonnement […]

6) R. c. P.M., [2002] A.N.-B. no 144 (Cour du Banc de la Reine du Nouveau-Brunswick)

[12] À la suite de l'accident, P.M. a subi un traumatisme médullaire, ce qui est décrit dans le rapport présentenciel comme une fracture-éclatement de la vertèbre T4 de la colonne vertébrale. Ce malheureux et tragique accident a provoqué la paralysie complète des membres inférieurs. Selon la documentation dont je dispose, P.M. est paralysé à partir de la poitrine. Il est en fauteuil roulant et nécessite quatre cathétérismes par jour. Comme il a de forts spasmes des membres inférieurs, il lui est difficile de rester assis pendant de longues périodes. En outre, il a subi de graves lésions aux deux mains. Deux doigts de la main gauche ont dû être amputés, et il a eu des greffes de peau aux deux mains. D'après les renseignements dont je dispose, il a encore de graves problèmes avec ses mains en raison de l'accident.

[13] Le rapport présentenciel indique qu'à la suite de l'accident P.M. a été hospitalisé pendant six semaines à l'hôpital de Moncton. Il a ensuite été admis au Centre de réadaptation Stan Cassidy, à Fredericton, où il a séjourné jusqu'au 20 septembre 2001. Son pronostic est incertain. On s'attend à ce que son état de santé général se détériore plus rapidement que la normale pour une personne de son âge. Il ne peut pas prendre soin de lui-même. Son épouse participe à ses soins, et je tiens à la féliciter de l'aide physique et de l'appui moral qu'elle semble apporter à son mari. Elle prend soin de lui et, en autant que je sache, elle l'aide de toutes les manières possibles lorsqu'elle ne travaille pas. Mme M. est cuisinière dans un restaurant de sa localité.

[14] Évidemment, les blessures très invalidantes que P.M. a subies me posent un problème dans la détermination de la peine. Nous tous ici présents sympathisons certainement avec P.M. en raison des malheureuses et permanentes blessures qui l'affligent aujourd'hui.

[…]

[21] Aujourd'hui, j'ai entendu la preuve présentée par la Couronne relativement aux installations médicales, au personnel médical et aux services médicaux des établissements fédéraux. Odette LeBlanc-Pellerin, chef des Services cliniques de Service correctionnel du Canada pour la région de l'Atlantique, a décrit les installations qui offrent des soins médicaux, le personnel médical en place et les services qui peuvent être offerts dans un établissement fédéral pour assurer des soins médicaux de qualité. Elle a soutenu que les soins sont offerts au besoin et qu'ils peuvent être assurés 24 heures par jour aux personnes handicapées ou qui ont de graves problèmes de santé. Elle est d'avis que les soins et les services médicaux offerts sont d'une grande qualité et qu'en plus de l'unité de soins de santé ordinaire, le pénitencier de Dorchester est doté d'une infirmerie qui offre des soins semblables à ceux offerts dans un hôpital pour les détenus qui ont de graves problèmes de santé. Elle a témoigné que le pénitencier a déjà accueilli et accueille encore à l'heure actuelle des personnes souffrant de problèmes médicaux semblables à ceux de P.M. Elle a témoigné que, selon l'importance des soins médicaux requis, P.M., s'il est incarcéré, sera sans doute placé dans une rangée de cellules ordinaire au pénitencier et que son état sera suivi de près et que les services médicaux sont offerts. Quoi qu'il en soit, d'après ce que je comprends du témoignage de Mme LeBlanc-Pellerin, des évaluations médicales seraient faites pour déterminer le degré d'incapacité de P.M. en vue de déterminer son placement. Comme je l'ai dit plus tôt, le pénitencier de Dorchester est doté d'une infirmerie qui offre au besoin des soins semblables à ceux qui sont offerts dans un hôpital.

[…]

[25] On a souligné que la jurisprudence dans des cas semblables établit deux principes de base. Premièrement, si l'établissement ne peut pas accueillir un détenu, la peine doit être différente de ce qu'elle serait normalement dans la situation. Deuxièmement, dans les cas où l'incapacité du détenu s'aggraverait même si les installations correctionnelles pouvaient l'accueillir, la peine doit là aussi être différente de ce qu'elle serait normalement.

[26] Plusieurs causes ont été mentionnées, et j'apprécie avoir eu la possibilité d'examiner cette jurisprudence avant l'audience. Les causes qui ont été mentionnées sont : R. c. Morin, [1998] O.J. No. 2040; R. c. Taylor, [1995] N.J. No. 301; R. c. Carlson, [1996] S.J. No. 123; R. c. Maczynski 1997 CanLII 2491 (BC C.A.), (1997), 120 C.C.C. (3d) 221; R. c. S. (L.J.) 1997 CanLII 1292 (ON C.A.), (1997), 116 C.C.C. (3d) 477; R. c. Shah 1994 CanLII 1290 (BC C.A.), (1994), 94 C.C.C. (3d) 45; R. c. E.M. (1993), 191 R.N.-B. (2e) 1.

[27] À la lumière de la jurisprudence et des principes qu'elle établit, le poursuivant fait valoir qu'il a été démontré à la Cour que les installations existantes peuvent accueillir P.M. et qu'il n'a pas été prouvé que l'état de P.M. se détériorera s'il est incarcéré. Le poursuivant souligne qu'il est en effet malheureux que P.M. ait subi ces graves blessures, mais que le milieu carcéral peut tout de même répondre à ses besoins malgré sa situation. Pour conclure, on soutient que la Cour ne doit pas modifier, en raison de l'incapacité et des blessures de P.M., ce qui serait autrement une peine juste.

[…]

[31] Relativement à la situation de P.M., je renvoie à l'affaire Morin. Dans cette affaire, l'accusé était atteint de sclérose en plaques, ce qui lui causait de graves problèmes de santé. Je cite ici le paragraphe 21 de cette décision du juge Salhany :

Me Mattson a fait valoir qu'une peine d'emprisonnement avec sursis ne poserait aucun risque pour la collectivité puisque M. Morin ne pose plus de risque. Il n'est plus motard. Il souffre de sclérose en plaques. Il a aussi fait valoir qu'il serait sévère d'infliger une peine d'emprisonnement à un accusé dont la santé se détériore. Il a critiqué le fait que Me Donnelly s'appuie sur la décision S.L.J., car il est d'avis que l'état de l'accusé dans cette cause n'était pas aussi grave que celui de l'accusé en l'espèce. Toutefois, le principe établit dans la décision S.L.J. et dans la récente décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Maczynski 1997 CanLII 2491 (BC C.A.), (1998), 120 C.C.C. (3d) 221 (C.A.C.-B.) est clair. Selon ce principe, bien que l'état de santé d'un accusé puisse dans certains cas influencer la peine infligée, les tribunaux devraient hésiter à réduire, pour des raisons de mauvaise santé, ce qui serait normalement une peine correspondant à la gravité de l'infraction et aux circonstances du contrevenant. À moins qu'il ne soit clairement établi que l'incarcération nuirait à la santé d'un accusé au point de constituer pour ce contrevenant une peine plus sévère qu'elle ne le serait pour un autre dans des circonstances semblables, la Cour ne devrait pas faire d'exception pour le contrevenant en cause.

[…]

[41] […] Il est certain qu'il faut tenir compte de son état de santé. Il a subi des blessures dévastatrices dont les conséquences sont permanentes. […]

[42] J'ai considéré les principes de la détermination de la peine, la jurisprudence et les très graves infractions d'ordre sexuel qui ont été commises en l'espèce et je conclus qu'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas appropriée en l'espèce. Une telle peine ne refléterait ni les principes ni les objectifs de la détermination de la peine. En considérant toutes les circonstances particulières de la présente cause, je conclus qu'une peine appropriée serait la suivante : Relativement au premier chef d'accusation, une peine d'emprisonnement de trois ans. Relativement au deuxième chef d'accusation, également une peine d'emprisonnement de trois ans, à purger concurremment.

7) J.-C. B. c. R., J.E. 2005-1377 (C.A.)

[26] Dans la présente affaire, faut-il le souligner, le Ministère public s'oppose à la demande de l'appelant, contrairement à ce qui s'était passé dans les arrêts Champagne et Savard.

[27] Par ailleurs, le médecin traitant de l'appelant a noté une bonne évolution, dans un rapport daté du 25 mars 2005.

[28] Dans les circonstances, je ne peux voir pourquoi la Cour acquiescerait à une telle mesure de clémence. D'ailleurs, comme l'a souligné l'avocate représentant l'intimée, les pénitenciers au Québec sont dotés d'infirmerie où l'appelant pourra être gardé et soigné, au besoin. En outre, si sa condition exige une hospitalisation, on peut présumer que les autorités pénitentiaires prendront les mesures requises à cette fin.

Note : L'accusé avait récemment subi une opération chirurgicale à la suite d'un anévrisme de l'aorte abdominale.

8) R. c. Provencher, J.E. 2005-1491 (C.Q.)

[30] Dans R. c. Shah […], le juge Finch de la Cour d'Appel de la Colombie-Britannique, ayant à examiner si le pauvre état de santé de l'accusé constitue, au motif de compassion, une raison pour réduire une sentence par ailleurs adéquate, décidait :

"Moreover, even where there is a risk that an accused may not outlive the time he is required to serve, the compassion that would evoke is not a controlling or decisive factor in deciding on the appropriate sentence. It is one of many factors to be taken into account in sentencing."

[31] Ainsi, ce facteur devra être examiné conjointement avec les autres sans toutefois y accorder une plus grande importance.

Note : L'accusé a plaidé coupable à une accusation de voie de faits causant des lésions corporelles à l'endroit de sa conjointe. Il souffrait de diabète et avait subi une chirurgie de la hanche. Le juge a reçu une preuve des soins apportés en milieu carcéral. Une peine de neuf mois est imposée.

9) R. c. Furlong, J. E. 2006-574 (C.Q.)

[44] Quant à l'état de santé de l'accusé, signalons qu'il ne s'agit pas d'une maladie incurable dont la mort est prévisible à brève échéance. La défense n'ayant pas fait la preuve que l'accusé ne peut recevoir de traitements ou de soins appropriés alors qu'il se trouverait sous la garde d'une institution carcérale, il n'y a pas lieu d'en tirer une inférence négative.

[45] Il s'agit d'un accident grave et tragique ayant nécessité une amputation. Tout en tenant compte de cette situation, nous n'y accordons pas une importance capitale et ce facteur est examiné avec les autres.

Note : L'accusé a été reconnu coupable d'avoir en sa possession des biens criminellement obtenus et d'escroquerie. À la date fixée pour les représentations sur sentence, l'accusé avait subi un accident de motocyclette ayant occasionné l'amputation d'un pied. Une peine totale de trente mois est imposée.

10) R. c. Lafleur, J.E. 2006-862 (C.Q.)

[46] Nombreuses sont les décisions traitant des motifs humanitaires invoqués pour obtenir compassion et clémence des tribunaux lors de l'imposition des sentences.

[47] Cependant, rares sont les cas où la réduction de la période d'incarcération ou le choix d'imposer la peine à être purgée dans la collectivité ont été retenus, accordant plutôt l'importance aux facteurs de dénonciation, d'exemplarité et de dissuasion générale et individuelle.

[48] Ainsi, n'ont pas été retenus comme motifs humanitaires pour éviter l'incarcération :

1) des problèmes diabétiques et d'insuffisance rénale nécessitant une dialyse trois fois par semaine (R. c. L.L., 22 février 2002, C.Q. Honorable Carol Richer, no. 700-01-034525-017);

2) un cancer nécessitant des traitements de chimiothérapie (Colas c. R., C.A Qc, 200-10-000025-952, 27 août 1997, J.E. 97-1759);

3) la perspective d'une opération chirurgicale prochaine et d'une convalescence de deux à quatre mois (R. c. Champagne, C.A. Qc, no. 200-10-001057-004, 28 décembre 2001);

4) l'âge avancé (72 ans) et une récente opération chirurgicale à la suite d'un anévrisme de l'aorte abdominale (J.-C. B. c. R., C.A. Qc, no. 200-10-001500-037, 13 juin 2005).

[49] La présence d'infirmeries, de médecins traitants et l'accès aux hôpitaux, le cas échéant, suppléent aux arguments qui mettent de l'avant les problèmes de santé des accusés ( cf. J.-C. B. précité).

[50] Au même effet, R. c. R.N.S. 2000 CSC 7 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 149 et R. c. Shah 94 C.C.C. (3d) 45. Dans ce dernier arrêt, le juge Finch de la Cour d'Appel de la Colombie Britannique, ayant à examiner si le pauvre état de santé de l'accusé constitue, au motif de compassion, une raison pour réduire une sentence par ailleurs adéquate, décidait :

«Moreover, even where there is a risk that an accused may not outlive the time he is required to serve, the compassion that would evoke is not a controlling or decisive factor in deciding on the appropriate sentence. It is one of many factors to be taken into account in sentencing.»

[51] Ce n'est que dans des cas rares où des mesures exceptionnelles de clémence seront retenues pour alléger la sévérité d'une sentence par ailleurs méritée.

[52] À titre d'exemple, R. c. Savard [2000] R.J.Q. no. 2262 et Gregory c. R., C.A. Qc, no. 500-10-00084-945, 7 octobre 1994, une accusée, ayant contracté le virus du sida de son mari et vouée à une mort évidente, ayant été déclarée coupable de trafic de stupéfiants.

[53] Ainsi, à moins d'une situation extrême, les tribunaux ne retiendront pas comme facteur atténuant le piètre état de santé d'un accusé.

[54] Mais signalons que l'ensemble de ces décisions traite des problèmes physiques nécessitant des soins qualifiés et non pas de problèmes de santé mentale d'un accusé qui requiert une surveillance constante.

[55] En matière de maladie mentale, notre cour d'Appel soulignait dans R. c. Chan, no. 500-10-000152-924, 20 janvier 1993, que les critères usuels utilisés sur sentence ne sont pas d'une grande utilité et les facteurs d'exemplarité et de punition sont d'une importance beaucoup réduite (voir également R. c. Valiquette 1990 CanLII 3048 (QC C.A.), [1990] 60 C.C.C. (3d) 325).

[56] Or, quant à la situation de l'accusé dans la présente affaire, hormis le témoignage de l'accusé lors de la demande de remise en liberté où il a invoqué des problèmes au dos, aucune autre preuve n'existe quant à une situation où la santé physique de l'accusé nécessiterait la clémence de la Cour.

[57] Au contraire, preuve a été faite que l'accusé bénéficie des services de l'infirmerie de la prison où il se trouve en permanence et une médication appropriée lui est fournie.

[58] Cependant, une preuve largement convaincante a été faite, par le dépôt de toutes les expertises médicales mentionnées antérieurement, que l'accusé est atteint d'une maladie mentale dégénérative qui l'isole et qui, à plus ou moins brève échéance, nécessitera son admission en institution spécialisée.

[59] C'est sur cet aspect bien particulier que doit être pris en compte la situation de l'accusé, car le Tribunal ne peut pas ignorer le fait que toute sentence rendue envers l'accusé n'aura aucun effet dissuasif ou punitif et que l'élément réhabilitation est absent. […]

[95] La sombre perspective de son avenir, en perte d'autonomie et voué au placement en institution, à plus ou moins brève échéance, ne doit pas, cependant, l'emporter sur les facteurs aggravants.

Note : L'accusé a été déclaré coupable de négligence criminelle ayant causé la mort. Il souffre de déficits cognitifs, ce qui suggère une maladie dégénérative de type démentiel. Cette maladie était installée lors des événements en cause. Une peine de 36 mois est imposée.

11) P.L. c. R., J.E. 2006-1829 (C.A.)

[15] Par ailleurs, l’état de santé de l’appelant ne permet pas de conclure, comme le souligne le juge de première instance, que, pour cette raison, il y ait lieu de privilégier l’emprisonnement avec sursis.

Note : Prêtre condamné à une détention de douze mois pour une agression commise sur un adolescent.

12) R. c. Alcius, J.E. 2007-549 (C.A.)

[53] Moreover, as the case-law shows, there has to be a considerable degree of medical misfortune or disability in place before health factors can be considered as a compassionate basis to impose a sentence of incarceration less than what it might be otherwise, especially as it relates to a crime of violence such as this one11. Such is not the case of Mr. Alcius. Quite simply, the trial judge ought not to have taken this factor into account as an attenuating factor.

11 See, for example, R. v. Shah, 1994 CanLII 1290 (BC C.A.), (1994), 94 C.C.C. (3d) 45 (B.C.C.A.), where the B.C. Court of Appeal declined to reduce an eight-year term of imprisonment in a case of forgery and criminal negligence causing death where the offender suffered from diabetes, hypertension and heart disease; R. v. R. (A), 1994 CanLII 4524 (MB C.A.), (1994) 88 C.C.C. (3d) 184 (Man. C.A.), where the Manitoba Court of Appeal eliminated a sentence of 30 months imprisonment in the case of a 71 year-old man who suffered from debilitating muscular dystrophy and who had been convicted of a sexual assault on his daughter that occurred over 20 years earlier; and, R. v. Andrews, 2004 MBCA 60 (CanLII), (2004), 183 C.C.C. (3d) 321 (Man. C.A.), where the Manitoba Court of Appeal reduced a sentence of four years of incarceration to one of two years less one day in the case of a man with a terminal illness who had been convicted of possession of cocaine for the purpose of trafficking.

Note : L'accusé avait été déclaré coupable d'homicide involontaire d'un enfant de trois ans. Durant les procédures, l'accusé subit un infarctus, nécessitant un ajournement du procès. Le juge de première instance impose une peine de deux ans moins un jour, prenant en considération les problèmes cardiaques de l'accusé. Selon la Cour d’appel, il s’agit d’une erreur de droit. Toutefois, la peine est maintenue.

13) R. c. Daye, [2007] J.Q. no 4331 (C.Q.)

[40]… h) l'accusé a des problèmes de santé majeurs. Le plus important est une insuffisance rénale grave. Il est sous dialyse à l'hôpital de St-Jérôme trois jours par semaine. Il est diabétique. Il a des problèmes d'estomac et de pression sanguine. Il souffre d'apnée du sommeil et doit recourir à un appareil spécial pour dormir la nuit. Il a subi, il y a quelques années une importante opération au dos. Il doit s'astreindre à une consommation quotidienne d'un nombre effarant de médicaments (22). […]

[50] Je dois accorder ici une importance particulière à l'état de santé précaire de l'accusé.

[51] La peine doit être individualisée. Je dois me demander si la peine de prison ferme que je devrais normalement imposer à l'accusé constitue une peine injuste et disproportionnée compte tenu de son état.

[52] M. Daye doit séjourner à l'hôpital au moins trois jours semaine pour ses traitements d'hémodialyse. Il n'a plus aucune qualité de vie. Son dossier médical SD-1 relève de l'encyclopédie médicale, tellement sa santé est hypothéquée.

[53] Même s'il était incarcéré, les autorités carcérales devraient l'escorter toutes les semaines, trois jours à l'hôpital, pour y passer la journée, et ceci, sans compter les visites médicales nécessaires avec d'autres spécialistes.

[54] Même détenu, l'accusé passerait le plus clair de son temps en dehors du milieu carcéral et pour le peu de temps passé en milieu carcéral, il devrait certes être confiné à l'infirmerie vu sa médication particulière et la nécessité d'un appareil pour contrer son apnée.

[55] Condamner l'accusé à l'emprisonnement ferme dans les circonstances particulières de la présente affaire m'apparaît non concordant avec une saine justice. Son état de santé exceptionnel, à lui seul, justifierait une peine à être purgée dans la collectivité.

[56] Mais, il y a plus, toute récidive criminelle apparaît hautement improbable.

[57] Et, en définitive, la société risquerait d'être plus défavorisée que l'accusé par une peine d'emprisonnement ferme.

Note : L'accusé avait plaidé coupable à une accusation d’incendie criminel. Le Tribunal impose une peine de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité.

14) R. c. Bourré, C.Q. Alma, Chambre criminelle et pénale, no 160-01-000139-014, 14 mai 2007

L'accusé a été déclaré coupable d’une fraude de l’ordre de 20 000 $. Le juge impose une ordonnance de sursis de vingt mois. Il a qualifié de circonstance atténuante le facteur suivant :

[…] la situation actuelle de l'accusé qui vit de rentes d'invalidité (rentes du Québec), qui reçoit des soins, traitements et suivis réguliers pour son cancer et qui n'est pas en mesure de fonctionner adéquatement; [paragraphe 55]

15) R. c. J.P., C.A. Québec, no 200-10-002085-079, 19 octobre 2007

L'accusé a été déclaré coupable de quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle, d’attentat à la pudeur et de voies de fait. Le premier juge le condamne à une peine unique combinée de six mois d’emprisonnement ferme et de 17 mois d’emprisonnement à être purgés dans la collectivité. Il s’agit là d’une erreur de droit. La Cour d’appel condamne l'accusé à neuf mois sur certains chefs plus, sur certains autres, à trois mois dans la collectivité. La Cour d’appel teint compte de certains facteurs atténuants « tels la reconnaissance des actes et l’état de santé précaire de l’intimé ».

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